Attendu que, par ordonnance du 6 juillet 1988 le président du tribunal de grande instance de Privas a autorisé des agents de la Direction générale des Impôts en vertu de l'article L. 16 B du Livre des procédures fiscales à effectuer des visites et des saisies de documents dans les locaux commerciaux de la société Roga enseignes et dans divers autres lieux ;
Sur le quatrième moyen, pris en sa seconde branche :
Attendu qu'il est fait grief à l'ordonnance d'avoir statué ainsi qu'elle a fait, alors, selon le pourvoi, que les perquisitions, visites domiciliaires et saisies de pièces à conviction ne peuvent être effectuées sans l'assentiment exprès de la personne chez laquelle l'opération a lieu ; que ce principe général rappelé par l'article 76 du Code de procédure pénale est applicable à la procédure aménagée par l'article L. 16 B du Livre des procédures fiscales, en l'absence de dispositions contraires, même si la mesure est autorisée par l'autorité judiciaire ; qu'en statuant comme elle a fait, sans requérir des agents de l'Administration fiscale autorisés à pratiquer les visites et saisies, qu'ils obtiennent l'assentiment des représentants légaux de la société Roga enseignes préalablement au commencement des opérations, l'ordonnance a violé les textes susvisés ;
Mais attendu que les règles fixées par le Code de procédure pénale en matière de perquisitions et de saisies ne sont pas applicables aux visites et saisies prévues à l'article L. 16 B du Livre des procédures fiscales, et que ces opérations s'effectuent en tous lieux, même privés, sans l'assentiment des propriétaires ou des occupants des lieux en cause, comme du contribuable visé, dès lors qu'elles sont autorisées par l'autorité judiciaire ; que le moyen n'est donc pas fondé ;
Sur le cinquième moyen, pris en ses deux branches :
Attendu qu'il est aussi fait grief à l'ordonnance d'avoir méconnu les dispositions de l'article L. 16 B du Livre des procédures fiscales, en ce que, d'une part, l'opération matérielle était entachée d'irrégularité parce que des agents n'ayant pas le grade d'inspecteur avaient participé aux opérations, et que, d'autre part, la rédaction du procès-verbal n'informait pas expressément le contribuable qu'il pouvait refuser de signer ;
Mais attendu qu'il appartient à toute personne intéressée qui entend contester la régularité des opérations de visite et de saisie autorisées par le président du Tribunal de saisir d'une requête à cette fin ce magistrat, dont les pouvoirs de contrôle s'étendent à la constatation de l'irrégularité des opérations lorsqu'elles sont achevées et, en ce cas, à leur annulation ;
Attendu, dès lors, que, faute d'avoir ainsi procédé, la société Roga enseignes demandeur en cassation de l'ordonnance ayant autorisé les visites et saisies litigieuses, n'est pas recevable à mettre en oeuvre pour la première fois devant la Cour de Cassation des moyens critiquant l'exécution des opérations ; que le moyen est donc irrecevable en ses deux branches ;
Mais sur le premier moyen :
Vu l'article L. 16 B du Livre des procédures fiscales ;
Attendu qu'aux termes de ce texte, seuls des agents de l'administration des Impôts, ayant au moins le grade d'inspecteur et habilités à cet effet par le Directeur général des Impôts, peuvent être autorisés à rechercher la preuve des agissements visés par la loi, en effectuant des visites en tous lieux, même privés, où les pièces et documents s'y rapportant sont susceptibles d'être détenus et procéder à leur saisie ;
Attendu qu'en autorisant quatre agents de la Direction générale des Impôts, ayant au moins le grade d'inspecteur, à effectuer les visites et saisies litigieuses, sans constater, pour trois d'entre eux, qu'ils étaient habilités à y procéder dans les conditions prévues par la loi, le président du Tribunal a méconnu les exigences du texte susvisé ;
Et, sur le troisième moyen :
Vu l'article L. 16 B du Livre des procédures fiscales ;
Attendu que l'ordonnance attaquée a autorisé des visites et des saisies, outre dans certains lieux qu'elle indiquait avec précision, dans tous coffres en banque situés dans le ressort du Tribunal appartenant ou mis à la disposition de la société Roga enseignes et dans tout véhicule stationné dans ce ressort lui appartenant ou utilisé par elle ; qu'en statuant ainsi, alors qu'il était tenu d'identifier expressément les lieux où les visites étaient autorisées, sauf à renvoyer les agents à solliciter au cours des opérations les autorisations complémentaires qui leur semblaient nécessaires, le président du Tribunal a méconnu les exigences du texte susvisé ;
Et, sur le quatrième moyen, pris en sa première branche :
Vu l'article L. 16 B du Livre des procédures fiscales ;
Attendu que le juge, qui autorise, en vertu de ce texte, une visite et une saisie à la requête de l'Administration fiscale, doit vérifier de manière concrète, par l'appréciation des éléments d'information que cette Administration est tenue de lui fournir, que la demande d'autorisation qui lui est soumise est bien fondée ;
Attendu que l'ordonnance attaquée retient que les informations fournies laissent présumer que la société Roga enseignes, représentée par sa gérante de droit Mme Y... et son co-gérant de fait M. X..., réalise des achats sans facture payés en espèces de fournitures et matériels divers, procède à la vente sans factures, ou avec factures minorées d'une partie de sa production et verse en espèces des primes et des rétributions d'heures supplémentaires qui ne font pas l'objet de comptabilisation à certains de ses ouvriers ;
Attendu qu'en se déterminant par de tels motifs, sans se référer aux éléments d'information fournis par l'Administration à l'appui de sa demande sur lesquels il fondait son appréciation, le président du Tribunal n'a pas mis la Cour de Cassation en mesure d'exercer son contrôle et n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le deuxième moyen ;
CASSE ET ANNULE, l'ordonnance rendue le 6 juillet 1988, entre les parties, par le président du tribunal de grande instance de Privas ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi