CASSATION PARTIELLE sur le pourvoi formé par :
- X... Robert,
contre l'arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, 5e chambre, en date du 7 décembre 1987 qui, pour fraude fiscale, complicité de fraudes fiscales et pour complicité d'omissions d'écritures comptables l'a condamné à 4 ans d'emprisonnement avec sursis et 100 000 francs d'amende, et qui, à la demande de l'administration des Impôts, l'a déclaré solidairement tenu avec les auteurs desdits délits au paiement des impôts fraudés et des pénalités y afférentes, et a ordonné la publication de sa décision.
LA COUR,
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le premier moyen de cassation pris de la violation des articles L. 228 du Livre des procédures fiscales, 173, 593 et 802 du Code de procédure pénale, défaut de motif, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a rejeté l'exception de nullité des poursuites engagées contre le demandeur ;
" aux motifs que la plainte visant nommément le demandeur pour s'être soustrait personnellement au paiement de l'impôt sur le revenu ne sera déposée que par un mémoire en date du 27 décembre 1984, sans que soit pris un réquisitoire supplétif ; qu'en droit la plainte préalable de l'Administration visée à l'article L. 228 du Livre des procédures fiscales est une formalité substantielle sans laquelle le Parquet ne saurait d'office mettre en mouvement l'action publique ; que cette plainte doit être antérieure à la poursuite et se réalise par voie de citation directe ou d'ouverture d'une information judiciaire ; qu'à bon droit les premiers juges ont dit que les plaintes de l'Administration déposées contre les 5 autres prévenus valaient également à l'encontre de ce dernier du chef de complicité dès lors qu'il y était nommément dénoncé comme complice des agissements incriminés et que les plaintes visaient expressément tous coauteurs ou complices ;
" alors que, d'une part, la plainte préalable de l'Administration visée à l'article L. 228 du Livre des procédures fiscales est une formalité substantielle sans laquelle le Parquet ne saurait d'office mettre en mouvement l'action publique ; qu'en l'espèce, la plainte visant nommément le demandeur pour s'être soustrait personnellement au paiement de l'impôt sur le revenu n'a été déposée que le 27 décembre 1984 en sorte que le ministère public ne pouvait, le 19 décembre 1984, saisir le magistrat instructeur par un réquisitoire introductif et qu'un magistrat instructeur ne pouvait être désigné ce même jour, la plainte, formalité substantielle, étant postérieure à ces deux actes ; qu'ainsi la nullité est encourue ;
" alors, d'autre part, et en tout état de cause que le demandeur n'était pas nommément désigné dans les 5 plaintes déposées le 17 décembre 1984 à l'encontre des autres prévenus ; que, dès lors, la plainte du 27 décembre 1984 n'a pu mettre en mouvement l'action publique et couvrir la nullité du réquisitoire introductif pris le 19 décembre 1984 ainsi que la désignation du magistrat instructeur ;
" alors, enfin, que l'irrecevabilité visée par l'article L. 228 du Livre des procédures fiscales vicie la procédure et ne peut être couverte par une quelconque régularisation ; qu'en l'espèce, la plainte intervenue le 27 décembre 1984 du chef de fraude fiscale, postérieurement au réquisitoire introductif daté du 19 décembre 1984 et à la désignation du magistrat instructeur, était irrecevable et ne pouvait couvrir la nullité des actes de procédure antérieurs peu important que le premier acte d'information ne soit intervenu que le 14 février 1985 dès lors que des actes d'instruction étaient antérieurs à la plainte " ;
Sur la deuxième branche du moyen ;
Attendu qu'en refusant d'annuler la procédure en ce qu'elle était suivie contre Robert X..., pris en qualité de complice du délit de fraude fiscale commis par d'autres, la cour d'appel n'a pas encouru le grief allégué ;
Qu'en effet, si les articles 1741 du Code général des impôts et L. 228 et suivants du Livre des procédures fiscales subordonnent l'exercice de la poursuite en matière de fraude fiscale à une plainte préalable de l'Administration, cette exigence, à laquelle il a été satisfait en l'espèce, ne concerne que le redevable de l'impôt ou son représentant légal, et non les coauteurs ou complices de l'infraction que le juge d'instruction a toujours pouvoir d'inculper en vertu de l'article 80, alinéa 3, du Code de procédure pénale ;
D'où il suit que le moyen pris en cette branche n'est pas fondé ;
Mais sur les autres branches du moyen :
Vu les articles précités ;
Attendu qu'il résulte des textes combinés des articles L. 1741 du Code général des impôts et L. 228 et suivants du Livre des procédures fiscales, que, sous peine d'irrecevabilité, les poursuites des chefs de fraude fiscale et des délits assimilés ne peuvent être engagées par le ministère public que sur plainte préalable de l'administration fiscale ; que ces dispositions sont substantielles ;
Attendu qu'il appert de l'arrêt attaqué que le 17 décembre 1984 la direction des services fiscaux a porté 5 plaintes contre 5 commissaires priseurs et contre Robert X..., leur comptable salarié, des chefs de fraude fiscale et complicité ; que le 19 du même mois le procureur de la République a requis l'ouverture d'une information unique de ces chefs contre les 6 personnes ainsi mises en cause ; que le réquisitoire visait, en outre, " la plainte avec constitution de partie civile portée par le directeur des services fiscaux des Alpes-Maritimes (plainte à venir) " ; que cette sixième plainte concernant personnellement X... à titre de redevable de l'impôt sur le revenu a été déposée le 27 décembre 1984 et que l'information s'est déroulée ensuite sans qu'intervienne de réquisitoire supplétif ;
Attendu que pour infirmer partiellement le jugement en ce qu'il avait accueilli l'exception de nullité de la procédure au motif que la poursuite du chef de cette dernière infraction n'avait pas été régulièrement engagée par le ministère public, l'arrêt attaqué a énoncé que l'irrecevabilité n'est que temporaire ; que les juges en déduisent, aucun acte d'instruction n'ayant été effectué entre la signature du réquisitoire et la réception de la plainte, qu'aucune nullité n'était résultée de l'irrégularité commise ;
Mais attendant qu'en prononçant ainsi, la cour d'appel a méconnu le principe ci-dessus énoncé ;
Qu'il s'ensuit que la cassation est encourue de ce chef ;
Par ces motifs et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le second moyen :
CASSE ET ANNULE l'arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence en date du 7 décembre 1987 en ses seules dispositions concernant le demandeur, toutes autres dispositions étant expressément maintenues, et pour qu'il soit jugé à nouveau conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée :
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Lyon.