CASSATION PARTIELLE sur le pourvoi formé par :
- X... Geneviève, partie civile,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Versailles, 7e chambre, du 28 septembre 1987 qui, après avoir relaxé Y... Belkacem du chef, notamment, du délit de blessures involontaires, l'a déboutée de ses demandes en estimant inapplicables en l'espèce les dispositions de la loi du 5 juillet 1985.
LA COUR,
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 1 et 3 de la loi du 5 juillet 1985, 593 du Code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a débouté Geneviève X... de sa demande en indemnisation des dommages corporels qu'elle a subis, dans l'accident du 16 juin 1984 ;
" aux motifs que " si, aux termes des articles 1 et 3 de la loi du 5 juillet 1985, les victimes (non conductrices) de dommages corporels subis par suite d'un accident de la circulation dans lequel est impliqué un véhicule terrestre à moteur, sont indemnisées de leurs dommages, dans la mesure où elles sont âgées de plus de 70 ans (ce qui est le cas de Mme X...), c'est à la condition que soit démontrée l'implication du véhicule dont le conducteur est recherché comme débiteur de l'indemnisation ; qu'à cet égard, aucun texte, ni aucun principe de droit n'autorise les juges du fond, à déduire de la concomitance de la chute de la victime avec le passage du véhicule, une présomption de participation de celui-ci à ladite chute, en mettant, à la charge du conducteur recherché, la preuve du caractère spontané de la chute de la victime ; que c'est donc à tort que le premier juge a, en appliquant l'article 470-1 du Code de procédure pénale, cru devoir déclarer Belkacem Y... responsable civilement des conséquences dommageables subies par la partie civile " ;
" alors que la concomitance de la chute de la victime avec le passage d'un véhicule établit, à elle seule, l'implication du véhicule dans la réalisation du dommage de la victime ; qu'il résulte des constatations des juges du fond que le véhicule, gêné par une file de voitures en stationnement sur la gauche, rasait le trottoir de droite, et que la victime était tombée au moment précis où la voiture la dépassait ; d'où il suit que l'implication du véhicule dans la réalisation du dommage de la victime était ainsi caractérisée, et qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
" alors qu'un véhicule est " impliqué " dans un accident, dès lors qu'il est intervenu dans la réalisation du dommage de la victime, de quelque façon que ce soit ; qu'en se bornant dès lors à relever que l'absence de contact entre la victime et le véhicule établissait l'absence d'implication de ce dernier, la cour d'appel, qui n'a pas recherché si le simple passage de ce véhicule au bord du trottoir n'avait pas provoqué la chute de la victime, âgée de 87 ans, et qui a subi de ce chef d'importantes blessures, a privé sa décision de base légale " ;
Vu lesdits articles ;
Attendu que tout jugement ou arrêt doit contenir les motifs propres à justifier la décision ; que l'insuffisance des motifs équivaut à leur absence ;
Attendu qu'il appert de l'arrêt attaqué qu'au moment où, roulant sur la partie droite de la chaussée, l'automobile conduite par Belkacem Y... parvenait à sa hauteur, Geneviève X..., âgée de 87 ans, qui marchait sur le trottoir, a fait une chute et a été blessée ; que le prévenu a été poursuivi du chef, notamment, du délit de blessures involontaires ;
Attendu qu'après avoir relaxé le premier nommé, la juridiction du second degré, pour écarter les demandes de la partie civile se borne à indiquer que les fonctionnaires de police n'ont relevé aucune trace de la collision sur la voiture, la blessée ou la chaussée, puis à énoncer que pour l'application des articles 1 et 3 de la loi du 5 juillet 1985 " aucun texte ni aucun principe de droit n'autorise les juges du fond à déduire de la concomitance de la chute de la victime avec le passage du véhicule une présomption de participation de celui-ci à cette chute en mettant la preuve du caractère spontané de celle-ci à la charge du conducteur recherché " ;
Mais attendu que la cour d'appel, si elle a écarté à bon droit la présomption d'implication résultant de la concomitance entre le passage de la voiture et la chute du piéton, ne pouvait, sans analyser à son tour les éléments de fait retenus par le Tribunal, dont elle infirmait sur ce point le jugement, estimer qu'en l'absence de preuve d'un contact entre l'automobile et la victime, le véhicule concerné ne se trouvait pas impliqué dans l'accident survenu ; qu'en ne s'expliquant pas davantage, alors que les premiers juges avaient notamment souligné l'étroitesse du trottoir où circulait Mme X..., elle n'a pas mis la Cour de Cassation en mesure de contrôler la légalité de la décision et que dès lors la cassation est encourue ;
Par ces motifs :
CASSE ET ANNULE en ses dispositions civiles l'arrêt précité de la cour d'appel de Versailles en date du 28 septembre 1987, et pour qu'il soit jugé à nouveau, conformément à la loi :
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Versailles autrement composée.