Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Vu les articles 17-4 paragraphe C et 18-2 de la convention relative au contrat de transport international de marchandises par route, dite CMR ;
Attendu que, selon le premier de ces textes, le transporteur est libéré de sa responsabilité lorsque la perte ou l'avarie résulte d'un risque particulier inhérent au chargement effectué par l'expéditeur ; qu'aux termes du second, lorsqu'il est établi que, eu égard aux circonstances de fait, la perte ou l'avarie a pu résulter d'un risque particulier de cette sorte, il y a présomption qu'elle en résulte, le demandeur d'indemnité conservant toutefois la possibilité de faire la preuve que le dommage n'a pas eu pour cause totalement ou partiellement le dit risque ;
Attendu selon l'arrêt attaqué qu'à la fin d'un transport de produits alimentaires surgelés, exécuté de Paris à Mossul (Irak), au moyen d'un véhicule réfrigéré par la société SOMAT, substituée à la société Hesnault, il a été constaté des avaries ; que la société Le Groupe Drouot et les quatre autres compagnies d'assurance (les assureurs), subrogées aux droits de l'expéditeur qu'elles ont indemnisé, ont engagé une action en réparation du dommage contre la société Hesnault et la société SOMAT ; qu'il a été soutenu par la société SOMAT que les avaries avaient pu provenir d'un mauvais chargement ayant empêché une circulation satisfaisante de l'air réfrigéré ;
Attendu que pour condamner le transporteur à payer des dommages-intérêts, la cour d'appel a énoncé que, pour se décharger de la présomption de responsabilité pesant sur lui, ce dernier devait rapporter la preuve que le dommage résultait du risque particulier visé par l'article 17 de la CMR qu'il invoquait, soit en l'espèce un mauvais chargement exécuté par l'expéditeur et établir non seulement que le chargement était défectueux et que cette circonstance était à l'origine du dommage, mais également que lui-même n'avait pu s'en rendre compte au moment de la prise en charge ou encore que les réserves qu'il avait émises avaient été acceptées par l'expéditeur, puis a retenu qu'en fait la cause des avaries n'était pas établie avec certitude, que les réserves étaient sans valeur et n'avaient pas été acceptées et qu'enfin il n'était pas prouvé que le système frigorifique fonctionnait correctement, ce dont elle a déduit que le transporteur ne s'exonérait pas de sa responsabilité ;
Attendu qu'en obligeant ainsi le transporteur à établir qu'une défectuosité du chargement était la cause effective des avaries pour lui permettre de bénéficier de la présomption d'irresponsabilité qu'il invoquait, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve et violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 28 octobre 1987, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Rouen