REJET des pourvois formés par :
- X... Alain,
- la société L'Arche de Saint-Benoît,
parties civiles,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Colmar, chambre correctionnelle du 11 mars 1988 qui, après avoir relaxé Y... Werner, du chef d'usage d'une marque sans autorisation de l'intéressé, les a déboutés de leurs demandes et les a condamnés, par application de l'article 472 du Code de procédure pénale, à verser des dommages-intérêts au dernier nommé.
LA COUR,
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 422. 2° du Code pénal, 4 de la loi du 31 décembre 1964, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale :
" en ce que la cour d'appel a relaxé Werner Y... du délit d'usage de marque, sans autorisation de l'intéressé ;
" aux motifs que, malgré un certain flottement dans son appellation, la recette du docteur Z... paraît avoir été connue des amateurs de plantes médicinales et que, dès 1983, le livre de Maria Treben désignait cette boisson sous le nom générique de la " Liqueur du Suédois " ou " L'Elixir Suédois " ; qu'en déposant la marque " Elixir du Suédois " après mise au point de la recette formulée dans le livre, X... n'ajoutait au terme générique que la préposition " du ", simplement destinée à faire perdre à la prétendue marque son caractère déceptif et qu'ainsi, la marque déposée par X... apparaît dépourvue de nouveauté et d'originalité ;
" alors, d'une part, que la multiplicité des dépôts de marques tombées en désuétude par absence de renouvellement, n'affecte aucunement l'originalité de la marque ultérieurement déposée, de sorte que la Cour qui se borne à faire état de dépôts antérieurs de marques similaires et de connaissance de cette recette par un public spécialisé, n'a pas, par ces seuls motifs, caractérisé l'absence de nouveauté et a, par là même, privé sa décision de base légale ;
" alors, d'autre part, que le caractère générique d'une marque qui entraîne sa nullité suppose que le terme déposé constitue l'unique moyen de désigner le produit vendu ; que, dès lors, la cour d'appel ne pouvait, sans se contredire, faire état de trois appellations différentes pour désigner le produit issu de la recette de Maria Treben et néanmoins dénier l'originalité de la marque déposée " ;
Attendu qu'il appert de l'arrêt attaqué qu'ayant composé en 1984, à partir de la recette d'un médecin suédois qu'il avait trouvée dans un livre traduit de l'allemand et édité en France, une boisson aux vertus prétendument médicinales Alain X..., après avoir dénommé celle-ci " Elixir du Suédois ", l'a déposée, en tant que marque, à l'Institut national de la propriété industrielle où elle a été enregistrée le 13 septembre 1984 ; qu'ayant constaté qu'en 1985 Werner Y..., gérant de la société Europ-Labo, commercialisait également un " Elixir du Suédois " il a porté plainte contre ce concurrent, du chef d'usage d'une marque sans autorisation de l'intéressé et a fait pratiquer une saisie-contrefaçon sur le stock de la marchandise considérée, détenu par ladite société ;
Attendu que pour déclarer cette marque " nulle et sans effet ", parce qu'étant dépourvue de nouveauté et d'originalité, puis renvoyer le prévenu des fins de la poursuite, la juridiction du second degré note tout d'abord que, " malgré un certain flottement dans son appellation ", la " recette du docteur Z... paraît avoir été connue des amateurs de plantes médicinales ", ainsi que l'atteste la multiplicité des marques déposées où l'on relève le mot suédois, avant même la diffusion en France du livre précité, cette recette constituant, à côté du " vin des cardiaques ", la principale des préparations décrites dont sont vantés les effets bénéfiques ; qu'elle souligne que dans ces conditions la " Liqueur du Suédois " ou " L'Elixir du Suédois ", dénominations les plus fréquentes, " étaient dès 1983 présents dans le public, " tout au moins dans celui des adeptes des " simples ", comme le nom générique donné à la boisson inventée par le médecin susnommé ;
Attendu que les juges relèvent ensuite, outre les énonciations reproduites au moyen, que le terme Elixir est en la matière aussi bien utilisé que celui de liqueur pour s'appliquer à une même préparation à base d'alcool ;
Attendu qu'en l'état de ces motifs, exempts d'insuffisance ou de contradiction, la cour d'appel a justifié sa décision sans encourir les griefs allégués dès lors qu'au vu des éléments de preuve soumis à son appréciation elle a souverainement estimé que, constituant, malgré l'adjonction d'une préposition dénuée d'incidence en l'espèce, une appellation générique employée pour désigner une composition déjà connue du public, la marque revendiquée par la partie civile ne présentait pas les caractères propres à la rendre protégeable en vertu des dispositions de l'article 422. 2° du Code pénal ;
D'où il suit que le moyen ne saurait être admis ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE les pourvois.