CASSATION PARTIELLE par voie de retranchement sans renvoi sur le pourvoi formé par :
- X... André,
- Y... Maurice,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris, 20e chambre B, en date du 24 novembre 1988, qui, dans la procédure suivie contre eux du chef d'homicide involontaire, les a condamnés à des réparations civiles.
LA COUR,
Vu le mémoire produit ;
Sur le premier moyen de cassation proposé au nom d'André X... et pris de la violation des articles 593 et 679 et suivants du Code de procédure pénale, 681 du même Code, défaut de motifs et manque de base légale :
" en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a retenu la responsabilité civile de M. X..., maire-adjoint de Longjumeau, sans respecter la procédure des articles 679 et suivants du Code de procédure pénale ;
" alors que lorsqu'un maire, ou l'élu municipal le suppléant, est susceptible d'être inculpé d'un crime ou d'un délit commis dans l'exercice de ses fonctions, la seule juridiction pouvant être chargée de l'instruction est, d'après l'article 681 du Code de procédure pénale, la chambre d'accusation désignée à cet effet par la chambre criminelle de la Cour de Cassation ; que l'inobservation de ces prescriptions entraîne la nullité absolue de la procédure ; qu'en l'espèce, ces prescriptions n'ont pas été respectées en sorte que la procédure est nulle " ;
Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué et du jugement dont il adopte les motifs non contraires, ainsi que les pièces de procédure, mettent la Cour de Cassation en mesure de s'assurer que, contrairement aux allégations du moyen, l'instruction suivie notamment contre André X..., adjoint au maire de Longjumeau, du chef d'homicide involontaire commis dans l'exercice de ses fonctions, a été diligentée par la chambre d'accusation de la cour d'appel de Paris désignée à cet effet conformément à l'article 681 du Code de procédure pénale par arrêt du 13 avril 1983 ;
D'où il suit que le moyen ne peut qu'être écarté ;
Sur le deuxième moyen de cassation proposé au nom d'André X... et pris de la violation des articles 319 du Code pénal, 1382 et 1383 du Code civil, 2, 3, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a condamné X..., adjoint au maire de la commune de Longjumeau, à réparer les conséquences dommageables de ses fautes ;
" aux motifs que le demandeur a été définitivement relaxé des fins de la poursuite ; que cependant, il est certain que les fautes relevées à son encontre et qui ont justifié son renvoi devant le Tribunal sont établies ; que le délit d'homicide involontaire était constitué à son encontre ; que, faute d'appel du ministère public, la Cour ne peut lui infliger de sanctions ; que les fautes de l'article 319 du Code pénal sont aussi celles prévues à l'article 1383 du Code civil ; que certes, le matériel utilisé était récent, réglementaire et conforme aux normes AFNOR ; qu'il n'en demeure pas moins que X..., en sa qualité de responsable, donne des instructions particulières et précises au contremaître Y..., pour que la vérification des installations soit effectuée régulièrement après chaque remise en place des buts par les associations sportives, utilisatrices de ces installations en dehors des horaires scolaires ; que le demandeur a admis que les installations qui auraient dû être fixées, étaient en fait amovibles ; que le changement dans l'utilisation des installations exigeait de sa part un surcroît de prudence ; qu'ainsi les fautes qu'il a commises ont un lien direct et certain avec la survenance de l'accident ;
" alors que le principe de l'unité des fautes civile et pénale exclut, en cas de relaxe, toute condamnation civile sur le fondement d'une faute quasi délictuelle ; qu'ainsi en l'état de la relaxe dont avait bénéficié X..., décision définitive, la cour d'appel ne pouvait retenir une faute de négligence à la charge du demandeur " ;
Attendu qu'il appert de l'arrêt attaqué et du jugement dont il adopte les motifs non contraires que le jeune A..., au cours d'une rencontre sportive à laquelle il participait dans le cadre de sa scolarité, dans un gymnase de la ville de Longjumeau, a été mortellement blessé par la chute d'une cage métallique constituant le but qu'il gardait ;
Attendu que, renvoyé avec d'autres devant le tribunal correctionnel du chef d'homicide involontaire, André X... a été relaxé, mais que, sur appel à son encontre des seules parties civiles, les consorts A..., la cour d'appel, constatant que le délit précité, qu'elle a caractérisé, était constitué à sa charge, l'a condamné solidairement avec deux autres prévenus à des dommages-intérêts ;
Attendu qu'en cet état, l'arrêt n'encourt pas le grief allégué ; qu'en effet, si une cour d'appel ne peut, en l'absence de recours du ministère public, prononcer aucune peine contre le prévenu relaxé, elle n'en est pas moins tenue, saisie par l'appel de la partie civile, de rechercher si le fait qui lui est déféré constitue, ou non, une infraction pénale ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le troisième moyen de cassation proposé au nom d'André X... et de Maurice Y... et pris de la violation des articles 319 du Code pénal, 1382 du Code civil, 2, 3, 593 du Code de procédure pénale, violation de la loi des 16 et 24 août 1790, défaut de motifs, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a déclaré recevable l'action civile à l'encontre de X... et de Y... ;
" au seul motif que cette action est recevable à l'encontre de tous les prévenus et de X... ;
" alors que ne justifie pas sa décision la cour d'appel qui condamne un adjoint au maire et un contremaître de la ville de Longjumeau à réparer personnellement les conséquences dommageables du délit d'homicide involontaire dont ils ont été déclarés coupables, les énonciations du juge du fond ne permettant pas de considérer que les fautes commises soient détachables du service " ;
Vu lesdits articles ;
Attendu que l'agent d'un service public n'est personnellement responsable des conséquences dommageables de l'acte délictueux qu'il a commis que si celui-ci constitue une faute détachable de sa fonction ;
Attendu qu'il ressort des constatations de l'arrêt attaqué que les faits qui ont donné lieu à la déclaration de culpabilité d'André X... et Maurice Y... du chef d'homicide involontaire sur la personne du jeune A... ont été commis par eux dans l'accomplissement de leurs missions respectives de service public d'adjoint au maire de la ville de Longjumeau, chargé des affaires scolaires et sportives, et de contremaître de cette commune, et que, tels qu'ils ont été exposés par les juges du fond, ils ne peuvent être considérés comme détachables desdites fonctions ;
Que, dès lors, si la constitution de parties civiles des consorts A... était recevable en tant qu'elle tendait à établir la culpabilité des prévenus, la réparation des conséquences dommageables du délit ne pouvait être mise à la charge des deux demandeurs au pourvoi ;
Qu'il n'importe que ceux-ci n'aient pas opposé devant les juges du fond l'exception dont ils pouvaient se prévaloir, l'incompétence des juridictions étant en pareil cas d'ordre public ;
D'où il suit que la cassation est encourue de ce chef ;
Et attendu que les prévenus étant dégagés de toute responsabilité civile personnelle, il n'y a plus rien à juger devant les juridictions de l'ordre judiciaire ; que la cassation doit être prononcée sans renvoi ;
Par ces motifs :
CASSE ET ANNULE, par voie de retranchement, l'arrêt de la cour d'appel de Paris, en date du 24 novembre 1988, en celles de ses dispositions ayant condamné André X... et Maurice Y... à des dommages-intérêts, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi.