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29/03/1989 | FRANCE | N°88-82843

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 29 mars 1989, 88-82843


ACTION PUBLIQUE ETEINTE et CASSATION PARTIELLE sans renvoi sur les pourvois formés par :
- X...,
- Y...,
- Z...,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Caen, chambre correctionnelle, en date du 25 mars 1988 qui, sur renvoi après cassation, les a condamnés chacun à 100 francs d'amende pour infraction à la réglementation du faucardement et s'est prononcé sur les réparations civiles.
LA COUR,
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Attendu que les contraventions reprochées sont amnistiées par l'effet de l'article 1er de la loi du 20 juillet 1988 ; que

, toutefois, l'amnistie ne préjudiciant pas aux droits des tiers, il y a lieu d'...

ACTION PUBLIQUE ETEINTE et CASSATION PARTIELLE sans renvoi sur les pourvois formés par :
- X...,
- Y...,
- Z...,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Caen, chambre correctionnelle, en date du 25 mars 1988 qui, sur renvoi après cassation, les a condamnés chacun à 100 francs d'amende pour infraction à la réglementation du faucardement et s'est prononcé sur les réparations civiles.
LA COUR,
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Attendu que les contraventions reprochées sont amnistiées par l'effet de l'article 1er de la loi du 20 juillet 1988 ; que, toutefois, l'amnistie ne préjudiciant pas aux droits des tiers, il y a lieu d'examiner le mérite des pourvois au regard des intérêts civils ;
Vu les mémoires produits en demande et le mémoire en défense ;
Attendu qu'il ressort de l'arrêt attaqué que les 10 et 11 septembre 1981, X..., Y... et Z... ont, chacun le long de sa propriété, fait faucarder les herbes qui croissaient au bord de la rivière l'Iton et que, en aval, dans la soirée du 12 septembre, des arrivées massives de végétaux coupés, en suspension dans le courant, ont obstrué les canaux d'alimentation en eau de l'établissement piscicole de Setimo, entraînant la mort de nombreuses truites ; que X..., Y... et Z... ont été poursuivis et condamnés pour infraction à la réglementation départementale du faucardement ;
En cet état ;
Sur le premier moyen de cassation commun à X..., Y... et Z..., et pris de la violation des articles 7, 9 et 591 du Code de procédure pénale, R. 26.15° du Code pénal :
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré les prévenus coupables d'infraction à la réglementation sur le faucardement des rivières, à raison d'une opération de faucardement effectuée les 10 et 11 septembre 1981 ;
" alors que les contraventions se prescrivent par 1 année révolue à partir de la date à laquelle les faits qui en sont constitutifs ont été commis ; qu'en l'espèce, les prévenus ont été cités devant le tribunal de police d'Evreux le 21 mars 1983 en ce qui concerne X..., le 25 mars 1983 en ce qui concerne Y... et le 20 avril 1983 en ce qui concerne Z... ; que plus de 1 année s'étant écoulée après l'opération qui leur est reprochée, l'action publique était prescrite ;
" et alors subsidiairement qu'à supposer la prescription non acquise, la contravention reprochée aux demandeurs est nécessairement amnistiée par l'effet de la loi n° 88-828 du 20 juillet 1988 " ;
Attendu que par motifs adoptés la juridiction du second degré constate que si les contraventions reprochées ont été commises en septembre 1981, et si les citations n'ont été délivrées à X..., Y... et Z... que plus de 1 an après, respectivement les 21 et 25 mars et 20 avril 1983, Z... a été entendu par la gendarmerie, sur les faits incriminés, le 5 juillet 1982 ;
Attendu que les juges ont à bon droit considéré que cette audition constituait un acte de poursuite au sens de l'article 7 du Code de procédure pénale, interruptif, à l'égard de toutes les parties, en raison de la connexité, du délai de prescription, lequel n'était pas expiré lors de la délivrance des citations qui avaient régulièrement saisi les juges répressifs compétents ;
Que le moyen, en conséquence, ne peut être admis ;
Sur le deuxième moyen de cassation commun à X..., Y... et Z... et pris de la violation des articles 1, 2 et 3 de l'arrêté préfectoral du 22 juin 1908, 4 et R. 26.15° du Code pénal, 388 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré les prévenus coupables d'infraction à la réglementation relative au faucardement des rivières pour une opération effectuée les 10 et 11 septembre 1981 ;
" alors que le titre de la prévention qui déterminait la saisine du tribunal de police visait une violation des articles 1, 2 et 3 de l'arrêté préfectoral du 22 juin 1908 et l'article R. 26.15° du Code pénal ; que l'arrêté préfectoral précité ne met pas à la charge des riverains l'obligation de retirer du lit de la rivière les produits du faucardement, mais seulement celle de faucher les herbes et de faire enlever les atterrissements qui pourraient s'opposer au libre cours des eaux ;
" que dès lors la cour d'appel, qui relève que l'arrêté du 22 juin 1908 était le seul texte visé à la citation, ne pouvait déclarer les prévenus coupables de n'avoir pas fait retirer du lit de la rivière les produits de faucardement des 10 et 11 septembre 1981 ;
" et alors que la cour d'appel qui ne constate, lorsque les herbes fauchées les 10 et 11 septembre 1981 constituaient des atterrissements qui s'opposaient au libre cours des eaux, n'a pas légalement justifié la déclaration de culpabilité " ;
Sur le troisième moyen de cassation commun à X..., Y... et Z..., et pris de la violation des articles 1, 2 et 3 de l'arrêté préfectoral du 22 juin 1908, 2 de l'arrêté préfectoral du 7 mai 1908, R. 26.15° du Code pénal, 593 du Code de procédure pénale, défaut et insuffisance de motifs, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré les prévenus coupables d'infraction à la réglementation sur le faucardement des rivières à raison d'une opération de faucardement effectuée les 10 et 11 septembre 1981 ;
" aux motifs que le faucardement s'entend non seulement du fait de couper les herbes et joncs qui empêchent l'eau de la rivière de s'écouler normalement mais encore de ramasser ces herbes et joncs, chaque riverain devant effectuer ce travail au droit de sa propriété ;
" que le ramassage des herbes et joncs n'incombait pas à A... qui n'a agi que sur ordre des 3 propriétaires riverains lesquels avaient déclaré qu' habituellement leurs employés se trouvaient en permanence pendant l'opération aux grilles du moulin de Berengeville pour enlever les herbes, et qui avaient reconnu ne pas les avoir fait enlever (Cibid. p. 4, paragraphes 1 à 3) ;
" alors, d'une part, que la Cour, qui affirme que le faucardement s'entend non seulement du coupage des herbes et joncs mais encore de leur ramassage et constate que l'opération avait été confiée à une entreprise spécialisée, ne pouvait, sans se contredire ou s'en expliquer davantage, déclarer que le ramassage des herbes n'incombait pas à l'entreprise chargée du faucardement pour les seuls motifs qu' habituellement " les employés des prévenus se trouvaient aux grilles du moulin de Berengeville pour procéder à leur enlèvement ; que cette contradiction ou cette insuffisance de motifs prive la déclaration de culpabilité de base légale ;
" alors, d'autre part, qu'en ne recherchant pas, ainsi qu'elle y était invitée par les conclusions des prévenus, si A..., entrepreneur général, - qui donc travaillait sous sa propre responsabilité en exécution d'un contrat d'entreprise et non en vertu d'un contrat de travail en qualité de préposé des prévenus - n'avait pas reçu, en septembre 1981, mission d'exécuter le faucardement dans les conditions prévues par l'arrêté préfectoral du 7 mai 1981 - c'est-à-dire coupage et enlèvement des herbes - et en se bornant à énoncer que l'entrepreneur travaillait sous leurs ordres et qu' habituellement leurs employés procédaient à l'enlèvement des herbes coupées, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision " ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu que, pour déclarer constituée l'infraction à la réglementation départementale du faucardement et allouer des dommages-intérêts à la partie civile, les juges retiennent que l'arrêté préfectoral du 22 juin 1908, " seul visé aux poursuites ", impose aux propriétaires riverains d'effectuer cette opération au moins deux fois par an, et que " le faucardement s'entend non seulement du fait de couper les herbes et joncs qui empêchent l'eau de la rivière de s'écouler normalement mais encore de ramasser ces herbes et joncs " ; qu'ils observent également que le ramassage incombait, de par le texte même de la loi, non pas à l'entrepreneur chargé du fauchage, mais aux prévenus, propriétaires ;
Attendu qu'en l'état de ces motifs, qui procèdent de l'analyse exacte des textes visés à la poursuite, la cour d'appel a justifié sa décision ;
D'où il suit que ces moyens doivent eux aussi être écartés ;
Sur le quatrième moyen de cassation commun à X..., Y... et Z..., et pris de la violation des articles 1, 2 et 3 de l'arrêté préfectoral du 22 juin 1908, 2 de l'arrêté préfectoral du 7 mai 1981, R. 26.15° du Code pénal, 1382 du Code civil, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a condamné in solidum les prévenus à réparer le préjudice subi par le pisciculteur à concurrence de 406 979 francs ;
" aux motifs qu'aucun faucardement n'avait été effectué autre que par les auteurs de l'infraction les jours précédant le dommage ;
" alors, d'une part, que la cassation intervenue sur la première branche du premier moyen de cassation entraînera également la cassation de l'arrêt attaqué dans ses dispositions civiles, la juridiction correctionnelle étant incompétente pour connaître des dommages causés par des infractions prescrites ;
" alors, d'autre part, que la cassation intervenue sur le deuxième moyen de cassation proposé entraînera celle de l'arrêt en ses dispositions civiles, aucune infraction n'ayant été commise par les preneurs ;
" alors, de troisième part, qu'à supposer que l'omission de retirer les produits du faucardement fût constitutive de la contravention visée à la citation, la censure intervenue sur le troisième moyen de cassation pour avoir refusé de tenir compte de la délégation de pouvoir qui résultait du contrat d'entreprise passé avec l'entreprise A... pour effectuer le faucardement, délégation d'où il résultait que la responsabilité pénale et civile de l'entrepreneur devait être substituée à celle des prévenus, entraînera la censure de l'arrêt attaqué pour les condamnations civiles mises à leur charge ;
" alors enfin qu'il résulte du procès-verbal de synthèse de la gendarmerie nationale que B... et C..., père et fils, ont faucardé la rivière le samedi 12 septembre entre 18 heures 30 et 19 heures, ainsi que le dimanche matin pour le compte de G... (PV de synthèse du 24 octobre 1981 p. 6 et 7) ; que, dès lors, c'est en contradiction avec les constatations des enquêteurs que la Cour a déclaré qu'aucun faucardement n'avait été réalisé autre que par les auteurs des contraventions les jours précédant le sinistre, c'est-à-dire par X..., Y..., Z... et D... ; que, par conséquent, les prévenus ne pouvaient être tenus de réparer le dommage provenant du faucardement de la propriété de E... dont la responsabilité pénale n'avait pas été recherchée mais qui, seul, pouvait être tenu de le réparer " ;
Sur le cinquième moyen de cassation commun à X..., Y... et Z... et pris de la violation des articles 1, 2, 3 de l'arrêté préfectoral du 22 juin 1908, 2 de l'arrêté préfectoral du 7 mai 1981, R. 26.15° et 55 du Code pénal, 1382 du Code civil, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a condamné les prévenus in solidum à payer au pisciculteur une somme de 406 979 francs en réparation de son préjudice ;
" aux motifs que chacun des prévenus avait contribué par sa faute à la réalisation de l'entier dommage ;
" alors qu'une condamnation solidaire ou in solidum ne peut être prononcée que contre les auteurs d'une même infraction ou s'il y a un lien de connexité entre les infractions distinctes ; qu'en revanche, lorsque des infractions n'ont pas entre elles de rapport établi, les juges sont tenus d'évaluer distinctement le préjudice causé par chacune des infractions et de justifier la réparation octroyée par des motifs distincts ; qu'en l'espèce, il n'y avait aucun rapport établi entre chacune des infractions à la réglementation relative au faucardement commises par chacun des prévenus et le préjudice résultant de ces infractions distinctes subi par F... ; qu'ainsi la cour d'appel ne pouvait condamner les prévenus à une condamnation in solidum mais devait justifier la réparation par des motifs distincts et procéder à une évaluation distincte du dommage " ;
Ces moyens étant réunis ;
Attendu que pour condamner solidairement les prévenus à réparer l'intégralité du préjudice subi par F..., dont ils ont souverainement apprécié le montant, les juges relèvent que chacun d'eux a " contribué par sa faute à la réalisation de l'entier dommage ", lequel " n'a pu se produire que par la conjonction des faits commis par chacun des auteurs des contraventions " ;
Attendu qu'ainsi la cour d'appel a justifié sa décision ;
Mais sur le moyen de cassation pris d'office de la violation de l'article 388-1 du Code de procédure pénale ;
Vu ledit article ;
Attendu que selon l'article susvisé l'intervention ou la mise en cause de l'assureur devant la juridiction répressive n'est admise qu'en cas de poursuites pour infraction d'homicide ou de blessures involontaires ;
Attendu qu'en déclarant recevable l'intervention de la compagnie La Mutuelle d'entraide et de prévoyance militaire-Iard, assureur du dommage de la partie civile, la cour d'appel a violé le principe ci-dessus rappelé ;
Que la cassation est encourue de ce chef ;
Par ces motifs :
DECLARE l'action publique ETEINTE ;
CASSE ET ANNULE l'arrêt de la cour d'appel de Caen, en date du 25 mars 1988, mais seulement en ce qu'il a déclaré recevable l'intervention de la compagnie d'assurances La Mutuelle d'entraide et de prévoyance militaire-Iard, toutes autres dispositions de nature civile étant expressément maintenues ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 88-82843
Date de la décision : 29/03/1989
Sens de l'arrêt : Action publique éteinte et cassation partielle sans renvoi
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

EAUX - Cours d'eau - Réglementation - Faucardement - Définition

PROTECTION DE LA NATURE ET DE L'ENVIRONNEMENT - Cours d'eau - Réglementation - Faucardement - Définition

Le faucardement, imposé par l'administration préfectorale, comprend non seulement l'obligation de faucher les végétaux s'opposant au libre écoulement des eaux, mais aussi celle de retirer du lit des cours d'eau les produits du faucardement.


Références :

Code pénal R26 al. 15

Décision attaquée : Cour d'appel de Caen (chambre correctionnelle), 25 mars 1988


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 29 mar. 1989, pourvoi n°88-82843, Bull. crim. criminel 1989 N° 151 p. 389
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 1989 N° 151 p. 389

Composition du Tribunal
Président : Président :M. Bonneau, conseiller le plus ancien faisant fonction
Avocat général : Avocat général :M. Perfetti
Rapporteur ?: Rapporteur :M. Louise
Avocat(s) : Avocats :la SCP Lesourd et Baudin, M. Vincent

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1989:88.82843
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