Sur le moyen unique, pris en ses trois branches :
Attendu, selon les énonciations des juges du fond, que le 15 novembre 1970, Mme Y..., dont le mari, Maurice X..., exploitait une officine de placement et gestion de valeurs, a délivré à M. Z... un reçu constatant la remise de nombreuses pièces d'or désignées et de 40 kilogrammes d'or fin ; que, Maurice X... étant décédé, M. Z... a, le 31 décembre 1981, fait sommer Bernard X..., fils du défunt, de restituer les pièces et lingots, lequel a répondu que les transactions conclues entre les parties avaient été " soldées " ; qu'il a ensuite, le 14 avril 1982, assigné Mme Y..., veuve X..., en restitution de l'or ou, à défaut, en paiement de sa valeur ; qu'en examinant l'original du reçu, initialement produit en photocopie par le demandeur, le tribunal de grande instance a constaté que ce document avait été gratté, que le mot " remboursé " apparaissait encore très légèrement dans la marge ; qu'au cours de la comparution personnelle des parties, M. Z... a soutenu qu'il avait écrit ce mot au moment de partir en voyage, de crainte que la pièce fût utilisée en cas de perte ou de vol et qu'à son retour, il avait effacé cette mention qui n'avait plus de raison d'être ; que l'arrêt confirmatif attaqué (Dijon, 23 octobre 1986) a rejeté sa demande, au motif principal que " malgré sa rature, une telle mention conserve sa force car la preuve de la libération du débiteur lui est acquise, et que le créancier n'a pas le pouvoir de l'en dépouiller d'un trait de plume ou du frottement d'une gomme ", et en retenant, à titre subsidiaire, le caractère dolosif de l'effacement ;
Attendu que M. Z... fait grief à la cour d'appel d'en avoir ainsi décidé, alors, d'une part, que la mention du remboursement d'une dette portée en marge d'un titre resté en la possession du créancier est dépourvue d'effet libératoire si elle a été raturée ou biffée, et qu'en posant le principe contraire, l'arrêt attaqué aurait violé l'article 1332, alinéa 1er, du Code civil ; alors, d'autre part, que, selon le moyen, c'est seulement dans l'hypothèse d'une quittance restée entre les mains du débiteur que le caractère dolosif de son effacement permet de conserver toute sa valeur à cette quittance, en application de l'article 1332, alinéa 2, du même Code ; que la situation envisagée par la juridiction du fond étant étrangère à cette hypothèse, sa décision se trouve privée de base légale au regard de ce texte ; alors, enfin, subsidiairement, que les constatations du tribunal, d'après lesquelles M. Z... a procédé à des " falsifications par grattages ", sont, selon le moyen, insuffisantes pour établir que les grattages sont constitutifs de manoeuvres dolosives et qu'ainsi, l'arrêt attaqué est, en tout état de cause, dépourvu de base légale ;
Mais attendu que si, en principe, la rature ou la cancellation d'une mention libératoire portée sur le titre toujours demeuré en la possession du créancier ne permet pas à cette mention de conserver la force probante prévue par l'article 1332, alinéa 1er, du Code civil, il en est différemment en cas du dol ou de fraude du créancier, cette exception n'étant pas limitée à l'hypothèse définie par le second alinéa du même article, où la mention libératoire a été apposée sur le double qui se trouve entre les mains du débiteur ;
Attendu qu'en l'espèce, la cour d'appel retient, tant par motifs propres qu'adoptés, la falsification par grattages de la mention litigieuse et sa dissimulation, qui n'a été déjouée que par le tribunal, caractérisant ainsi les manoeuvres dolosives ; qu'abstraction faite du motif erroné justement critiqué par la première branche, l'arrêt attaqué se trouve donc légalement justifié et que le moyen doit être écarté ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi