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20/03/1989 | FRANCE | N°86-18890

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 20 mars 1989, 86-18890


Attendu, selon les énonciations des juges du fond, qu'une information pénale a été ouverte contre les époux X... pour le délit de discrédit porté contre un acte ou une décision judiciaire, prévu et réprimé par l'article 226 du Code pénal ; que le juge d'instruction a ordonné une expertise psychiatrique des inculpés ; que ceux-ci ont refusé de se soumettre à cette mesure ; que, le 6 novembre 1979, le magistrat instructeur a rendu en leur faveur une ordonnance de non-lieu fondée sur l'article 64 du Code pénal ; que les époux X... ont alors assigné l'Etat français, représen

té par l'agent judiciaire du Trésor, pour qu'il soit condamné à leur p...

Attendu, selon les énonciations des juges du fond, qu'une information pénale a été ouverte contre les époux X... pour le délit de discrédit porté contre un acte ou une décision judiciaire, prévu et réprimé par l'article 226 du Code pénal ; que le juge d'instruction a ordonné une expertise psychiatrique des inculpés ; que ceux-ci ont refusé de se soumettre à cette mesure ; que, le 6 novembre 1979, le magistrat instructeur a rendu en leur faveur une ordonnance de non-lieu fondée sur l'article 64 du Code pénal ; que les époux X... ont alors assigné l'Etat français, représenté par l'agent judiciaire du Trésor, pour qu'il soit condamné à leur payer des dommages-intérêts, à raison des fautes lourdes commises par le magistrat instructeur ; que, selon eux, ces fautes résultaient de ce que ce magistrat avait énoncé dans son ordonnance qu'ils étaient atteints de " déséquilibre " alors qu'il n'avait procédé à aucun interrogatoire au fond et qu'aucune expertise psychiatrique n'avait eu lieu ; que le tribunal de grande instance a déclaré cette demande irrecevable au motif que la responsabilité de l'Etat ne pouvait être engagée dès lors que le préjudice allégué avait sa source dans un acte juridictionnel, et mal fondée en l'absence de toute faute lourde au sens de l'article L. 781-1 du Code de l'organisation judiciaire ; .

Sur le premier moyen, pris en ses deux branches :

Attendu que les époux X... reprochent à l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 15 septembre 1986) d'avoir confirmé le jugement, alors, selon le moyen, d'une part, que la cour d'appel, ayant, contrairement aux premiers juges, estimé que la responsabilité de l'Etat pour faute lourde du service public de la justice pouvait être recherchée, même si cette faute résultait d'un acte juridictionnel, ne pouvait, sans contradiction entre les motifs et le dispositif, confirmer en toutes ses dispositions le jugement qui avait notamment déclaré irrecevable la demande des époux X... ; et alors, d'autre part, que le juge qui déclare une action irrecevable ne peut, sans refuser de tirer les conséquences légales de ses propres constatations, déclarer ensuite l'action mal fondée de sorte qu'en déclarant l'action des époux X... tant irrecevable que mal fondée, les juges du fond ont violé l'article 30 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu qu'il résulte des motifs de l'arrêt attaqué que la cour d'appel a jugé que la demande des époux X... était, contrairement à ce qu'avaient estimé les premiers juges, recevable puisqu'" un acte juridictionnel, même définitif, peut donner lieu à une mise en oeuvre de la responsabilité de l'Etat ", mais n'était pas fondée en l'absence de toute faute lourde et de tout déni de justice ; qu'il s'ensuit que les termes du dispositif selon lesquels la cour d'appel " confirme, en toutes ses dispositions, le jugement du tribunal de grande instance de Draguignan en date du 21 avril 1983 " sont manifestement entachés d'une erreur matérielle ; qu'il y a lieu, dès lors, en application de l'article 462 du nouveau Code de procédure civile qui permet à la juridiction à laquelle il est déféré de réparer, même d'office, les erreurs matérielles affectant un jugement, de dire que la demande des époux X... était recevable ;

Sur le deuxième moyen, pris en ses deux branches, et le troisième moyen, réunis :

Attendu qu'il est encore fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir statué comme il a été dit, alors, selon le deuxième moyen, que la cour d'appel a dénaturé l'ordonnance de non-lieu en décidant que les motifs de celle-ci permettaient d'affirmer que le juge d'instruction aurait relevé, pour appliquer l'article 64 du Code pénal, l'existence d'une contrainte morale à laquelle les époux X... auraient été soumis bien que cette ordonnance ne fasse allusion à aucune contrainte, mais à l'absence de responsabilité due à leur déséquilibre ; et alors, d'autre part, que devant le refus des inculpés de s'expliquer, le juge d'instruction a la faculté et même l'obligation d'examiner les éléments recueillis et de rechercher s'ils peuvent constituer une infraction à la charge des inculpés ; que les émotions et les sentiments, si forts soient-ils, ne pouvant constituer une contrainte au sens de l'article 64 du Code pénal, le juge d'instruction " aurait commis " une faute lourde dans la mesure où elle aurait eu pour effet d'empêcher les époux X... de s'expliquer au cours d'une audience publique ; qu'en un troisième moyen, il est soutenu qu'aux termes de l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales tout justiciable a droit à un traitement équitable ; que le droit français en tant qu'il permet à un magistrat de prendre une décision sur l'état mental d'un justiciable sans que l'avis d'un médecin spécialiste soit obligatoire " devrait être considéré " comme contraire au principe posé par l'article précité et écarté par application de l'article 55 de la Constitution ; qu'en reconnaissant à un magistrat instructeur la possibilité de se former une conviction en dehors de tout examen médical, la cour d'appel a violé les textes précités ;

Mais attendu, d'abord, que la cour d'appel retient que l'ordonnance énonce que, " gravement traumatisés par la perte de leur fils, les époux X..., par ailleurs personnes honorables, ne sont d'évidence pas responsables des excès commis par eux en relation avec le décès de leur enfant " ; qu'en estimant, par ailleurs, que l'ordonnance de non-lieu mettait en lumière " l'absence de liberté dans le comportement des époux X... ", la cour d'appel n'a pas dénaturé ladite ordonnance ;

Attendu, ensuite, que les personnes inculpées au cours d'une information pénale qui a été clôturée par une ordonnance de non-lieu ne peuvent, en l'absence de voie de recours contre une telle ordonnance, être entendues au cours d'une audience publique ;

Attendu enfin, qu'ayant énoncé que le magistrat instructeur n'avait pas retenu que les époux X... présentaient un état de démence, la cour d'appel a pu estimer que ce magistrat, qui s'était conformé aux règles du Code de procédure pénale, n'avait commis aucune faute lourde affectant le fonctionnement du service public de la justice ; d'où il suit qu'aucun des griefs des deuxième et troisième moyens n'est fondé ;

PAR CES MOTIFS :

Vu l'article 462 du nouveau Code de procédure civile ;

Dit que le dispositif de l'arrêt rendu par la cour d'appel de Lyon le 15 septembre 1986 est rectifié en ce sens que la demande des époux X... est déclarée recevable ;

REJETTE le pourvoi


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 86-18890
Date de la décision : 20/03/1989
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Analyses

JUGEMENTS ET ARRETS - Rectification - Erreur matérielle - Pouvoirs des juges

POUVOIRS DES JUGES - Jugements et arrêts - Rectification - Erreur matérielle - Rectification d'office

L'article 462 du nouveau Code de procédure civile permet à la juridiction, à laquelle est déféré un jugement entaché d'une erreur matérielle, de la réparer, même d'office .


Références :

nouveau Code de procédure civile 462

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 15 septembre 1986


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 20 mar. 1989, pourvoi n°86-18890, Bull. civ. 1989 I N° 131 p 86
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 1989 I N° 131 p 86

Composition du Tribunal
Président : M Ponsard
Avocat général : M Dontenwille
Rapporteur ?: M Viennois
Avocat(s) : MM Ryziger, Ancel .

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1989:86.18890
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