Attendu que la société de droit français IPI Trade International (Ipitrade) a été déclarée adjudicataire, à la suite d'un appel d'offres du service d'approvisionnement égyptien relatif à l'achat de volailles congelées ; que le marché comportait une clause prévoyant que les litiges seraient tranchés conformément aux règles de l'arbitrage Uncitral ; que la marchandise, chargée sur quatre navires frigorifiques, a été vérifiée au départ de la France tant par les services vétérinaires que par la société SGS, agréée par l'acheteur, laquelle a attesté qu'elle était conforme aux conditions du marché ; qu'aucune réserve sur la qualité marchande n'a été faite, au déchargement en Egypte, par la société The Authority for Supply Commodities Cairo Estram (Estram), établissement public égyptien, mais qu'à l'expiration de quinze jours à un mois suivant la réception des différentes cargaisons, cet organisme s'est plaint, soit de la présence de " salmonelles " contaminant la volaille, soit d'un taux d'humidité anormal ; qu'Ipitrade s'étant vue imposer soit une réduction de prix, soit une reprise totale de la marchandise, a saisi le président du tribunal de commerce, juge des référés, d'une demande de provision, après expertise précédemment ordonnée ; que l'arrêt attaqué (Paris, 10 juin 1986) a confirmé l'ordonnance de référé rejetant les exceptions d'incompétence soulevées par Estram, qui se prévalait notamment de la clause compromissoire incluse dans le marché, et a alloué à Ipitrade, à titre de provision, la somme de 746 116,75 dollars des Etats-Unis d'Amérique ou sa contrevaleur en francs français au jour du paiement ;
Sur le premier moyen :
Attendu qu'Estram fait grief à la cour d'appel de l'avoir condamnée à payer une provision à Ipitrade, alors, selon le moyen, qu'il résulte de l'article 1458, alinéa 2, du nouveau Code de procédure civile que la présence dans un contrat d'une clause d'arbitrage exclut nécessairement la compétence du juge des référés pour allouer une provision, que l'instance arbitrale ait été ou non ouverte, de sorte qu'en statuant comme il a fait, l'arrêt attaqué a violé le texte précité ;
Mais attendu que l'article 1458, alinéa 2, du nouveau Code de procédure civile ne doit recevoir application que dans le cas où une juridiction étatique est saisie du fond du litige, malgré l'existence d'une convention d'arbitrage ; que le juge des référés, dont les décisions ont un caractère provisoire et qui ne peuvent préjudicier au principal, peut, en application de l'article 809, alinéa 2, du même Code, connaître d'une demande de provision lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable ; que seule la saisine du tribunal arbitral fait obstacle à sa compétence ; d'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
LE REJETTE ;
Mais sur le second moyen, pris en sa seconde branche :
Vu l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
Attendu que, pour retenir la compétence de la juridiction française des référés, l'arrêt attaqué énonce que la convention franco-égyptienne du 15 mars 1982 n'exclut pas cette compétence parce que son article 31 prévoit " qu'en cas d'urgence constatée, les tribunaux de chacun des deux Etats, quel que soit le tribunal compétent sur le fond du litige, ont la faculté d'ordonner des mesures de caractère provisoire ou conservatoire sur le territoire de leur Etat " ;
Attendu cependant que l'article 31 de la convention précitée, inclus sous le titre " Reconnaissance et exécution des décisions judiciaires ", est destiné au juge de l'exequatur ; que si, à défaut d'application de cette disposition, l'urgence peut justifier la compétence des tribunaux français pour ordonner des mesures provisoires ou conservatoires, notamment lorsque la sécurité des personnes ou la conservation de leurs biens est en péril, la cour d'appel qui, en l'espèce, n'a pas caractérisé l'urgence, a privé sa décision de motifs ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la première branche du second moyen :
CASSE ET ANNULE, en son entier, l'arrêt rendu, le 10 juin 1986, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles