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14/02/1989 | FRANCE | N°87-13719

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 14 février 1989, 87-13719


Attendu qu'il résulte des énonciations de l'arrêt infirmatif attaqué (Angers, 16 mars 1987), rendu en matière de référé, que la Banque hypothécaire européenne (BHE) a assigné la SOFRIM afin de lui faire désigner un administrateur provisoire recevant la mission de terminer une opération de lotissement ; que la BHE a exposé qu'elle avait consenti à la SOFRIM un crédit destiné à la réalisation de ces travaux, assorti d'une garantie d'achèvement ; que le gérant s'était désintéressé de l'opération et que la garantie consentie risquait d'être mise en jeu par la direction g

énérale de l'équipement ; qu'en conséquence, la BHE avait le plus grand in...

Attendu qu'il résulte des énonciations de l'arrêt infirmatif attaqué (Angers, 16 mars 1987), rendu en matière de référé, que la Banque hypothécaire européenne (BHE) a assigné la SOFRIM afin de lui faire désigner un administrateur provisoire recevant la mission de terminer une opération de lotissement ; que la BHE a exposé qu'elle avait consenti à la SOFRIM un crédit destiné à la réalisation de ces travaux, assorti d'une garantie d'achèvement ; que le gérant s'était désintéressé de l'opération et que la garantie consentie risquait d'être mise en jeu par la direction générale de l'équipement ; qu'en conséquence, la BHE avait le plus grand intérêt à faire désigner un administrateur provisoire ; que le juge des référés a accueilli cette demande ;

Sur le premier moyen, pris en ses deux branches :

Attendu que la BHE fait grief à l'arrêt d'avoir déclaré recevable l'appel formé par la SOFRIM à l'encontre de l'ordonnance de référé rendue par le président du tribunal de commerce, alors, selon le pourvoi, d'une part, qu'une ordonnance de référé ayant désigné un administrateur provisoire à une société - en assortissant d'ailleurs cette désignation de l'exécution provisoire -doit être déclaré irrecevable l'appel formé par ladite société à l'encontre de cette décision sans mettre en cause l'administrateur provisoire ainsi désigné, en raison de l'indivisibilité du litige, de sorte que c'est en méconnaissance des dispositions des articles 542 et suivants du nouveau Code de procédure civile, qu'en l'espèce, l'arrêt attaqué a admis la recevabilité de l'appel formé par la SOFRIM à l'encontre de l'ordonnance de référé qui avait désigné M. Di X... en qualité d'administrateur provisoire de ladite société, tandis que la SOFRIM n'avait pas mis en cause cet administrateur ainsi désigné, et alors que, dans ses conclusions d'appel, la BHE faisait valoir que le litige était indivisible entre la SOFRIM, la banque et M. Di X... et qu'il n'était pas envisageable qu'il fût mis fin à la mission de ce dernier qui avait commencé à l'exécuter, sans que l'intéressé se trouvât à la procédure d'appel et mis en mesure de faire valoir ses moyens, de sorte que méconnaît aussi les dispositions de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile l'arrêt qui a admis la recevabilité de l'appel de la SOFRIM en l'absence de toute mise en cause de l'administrateur provisoire, sans s'expliquer sur ce moyen des conclusions d'appel de la BHE ;

Mais attendu que la cour d'appel, qui a relevé que M. Di X... n'était pas partie en première instance puisqu'il avait été désigné par la décision déférée rendue entre la BHE et la SOFRIM, a retenu que l'ordonnance de référé nommant un administrateur provisoire n'avait pas pour effet en l'absence de disposition particulière, de priver les organes légaux de la société de leur droit d'agir en justice sans l'assistance de cet administrateur ; que par ces motifs, répondant aux conclusions invoquées, elle a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Et sur le second moyen, pris en ses trois branches :

Attendu que la BHE fait grief à l'arrêt d'avoir déclaré irrecevable son action tendant à faire désigner un administrateur provisoire à la SOFRIM, alors, selon le pourvoi, d'une part, que dans ses conclusions d'appel, la BHE insistait sur le fait que la désignation d'un administrateur provisoire sollicitée avait pour seul objectif " de permettre enfin la réalisation effective du lotissement auquel la SOFRIM s'était depuis si longtemps engagée " et que " c'est cette seule et unique mission qui avait été confiée à M. Di X... à l'exclusion de toute autre ; qu'ainsi, la SOFRIM et ses dirigeants sociaux conservaient leur entière indépendance et la liberté d'action contrairement à ce qu'ils tentent d'alléguer.. ; que la BHE n'entend ni s'ingérer dans la vie sociale, ni surveiller la gestion sociale, ni faire remplacer les organes sociaux ", de sorte que c'est en méconnaissance des termes du litige et en violation des dispositions des articles 4 et 5 du nouveau Code de procédure civile que la cour d'appel a débouté la BHE de cette demande en l'interprétant comme ayant eu pour objet de " faire dessaisir le débiteur de l'administration de son affaire ", alors, d'autre part, qu'il résulte des articles 872 et 873 du nouveau Code de procédure civile que le président du tribunal de commerce peut prescrire en référé les mesures conservatoires que justifie l'existence d'un différend pour prévenir un dommage imminent, que méconnaît donc ces textes l'arrêt qui, statuant en référé, déboute la BHE de sa demande tendant à la nomination d'un administrateur provisoire à la SOFRIM avec la seule mission d'assurer la réalisation effective du lotissement litigieux, en ajoutant une condition non prévue par la loi et en considérant que la juridiction des référés ne peut substituer, même temporairement, un administrateur, mandataire de justice, aux organes d'administration d'une société que dans des conditions exceptionnelles, lorsque le fonctionnement normal de la société n'est plus assuré, qu'il est entravé par des dissentiments graves entre les associés ou que la société est menacée de ruine ; qu'aucun texte légal ou réglementaire ne pose cette condition ainsi ajoutée par la cour d'appel de sorte que, s'agissant d'une société à responsabilité limitée, méconnaît aussi les dispositions de l'article 49 de la loi du 24 juillet 1966 l'arrêt qui refuse par principe la désignation d'un administrateur provisoire à la demande d'une banque créancière et caution avec la mission étroite d'assurer la réalisation effective du lotissement dont la banque garantissait l'achèvement, et alors, enfin, que la convention relative à l'ouverture du crédit et à la garantie d'achèvement liant la banque et la SOFRIM prévoyait notamment que " même en l'absence de poursuite, la banque se réserve, en cas d'interruption des travaux ou de non-exécution des travaux selon le programme et dans les délais prévus, sauf cas d'intempérie ou de force majeure, et d'une manière générale, en cas de défaillance du client même avant l'expiration des délais prévus pour l'achèvement du programme, le droit .. de prendre toutes mesures utiles en vue d'assurer l'exécution de ces travaux, ceci pour la sauvegarde des intérêts des acheteurs, des créanciers et de la banque .. ", qu'une telle formule très générale permettait à la banque de mettre en oeuvre toutes mesures légales " utiles en vue d'assurer l'exécution de ces travaux ", comme par exemple de solliciter en justice la désignation

d'un administrateur provisoire à l'effet précisément de réaliser les travaux litigieux, de sorte que c'est au prix d'une dénaturation de ces termes clairs et précis de ladite clause contractuelle, en violation des dispositions de l'article 1134 du Code civil, que l'arrêt a considéré que ces dispositions contractuelles " n'autorisent pas ladite BHE à faire substituer un mandataire de justice au gérant de la SOFRIM " ;

Mais attendu, en premier lieu, qu'après avoir relevé que le fonctionnement de la SOFRIM était normal et que cette société ne rencontrait pas de difficultés financières, la cour d'appel a énoncé exactement qu'il n'appartenait pas dès lors à un de ses créanciers de demander la nomination d'un administrateur provisoire aux motifs que la carence des dirigeants au regard d'un chantier menaçait ses intérêts et qu'il n'appartenait pas non plus à ce créancier de se faire juge des intérêts de la société et de ses associés et d'agir en leur nom pour les préserver ;

Attendu, en second lieu, qu'après avoir relevé que la clause de l'acte relative à l'ouverture du crédit prévoyait que " .. la banque se réserve, en cas d'interruption des travaux ou de non-exécution des travaux.. le droit de faire poursuivre directement ou par toute personne ou tout organisme de son choix, les travaux.. ", la cour d'appel a pu considérer que cette disposition permettait à la BHE de faire exécuter elle-même les travaux nécessaires à l'achèvement du programme mais ne l'autorisait pas à demander la désignation d'un mandataire de justice se substituant aux organes d'administration de la société ; Qu'en l'état de ces énonciations et constatations, sans méconnaître les termes du litige, ni la portée de la clause contractuelle invoquée, la cour d'appel, hors toute dénaturation, a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 87-13719
Date de la décision : 14/02/1989
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Analyses

1° SOCIETE (règles générales) - Administrateur provisoire - Pouvoirs - Limite - Ordonnance de nomination sans disposition particulière - Organes sociaux - Perte de leur droit d'agir en justice (non).

1° ADMINISTRATEUR PROVISOIRE - Pouvoirs - Etendue - Ordonnance de nomination sans disposition particulière - Organes sociaux - Perte de leur droit d'agir en justice (non) 1° REFERE - Applications diverses - Administrateur provisoire - Pouvoirs - Limite - Ordonnance de nomination sans disposition particulière - Organes sociaux - Perte de leur droit d'agir en justice (non).

1° L'ordonnance de référé nommant un administrateur provisoire n'a pas pour effet, en l'absence de disposition particulière, de priver les organes légaux de la société de leur droit d'agir en justice sans l'assistance de cet administrateur .

2° SOCIETE (règles générales) - Administrateur provisoire - Nomination - Référé - Demande d'un créancier - Irrecevabilité - Société fonctionnant normalement et ne rencontrant pas de difficultés financières.

2° ADMINISTRATEUR PROVISOIRE - Nomination - Référé - Société - Demande d'un créancier - Irrecevabilité - Société fonctionnant normalement et ne rencontrant pas de difficultés financières 2° REFERE - Applications diverses - Administrateur provisoire - Nomination - Société - Demande d'un créancier - Irrecevabilité - Société fonctionnant normalement et ne recontrant pas de difficultés financières.

2° Dès lors que le fonctionnement d'une société est normal et que celle-ci ne rencontre pas de difficultés financières, il n'appartient pas à un de ses créanciers de demander la nomination d'un administrateur provisoire au motif que la carence du dirigeant menace ses intérêts, et il ne lui appartient pas plus de se faire juge des intérêts de la société et de ses associés et d'agir en leur nom pour les préserver .


Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Angers, 16 mars 1987


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 14 fév. 1989, pourvoi n°87-13719, Bull. civ. 1989 IV N° 66 p. 43
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 1989 IV N° 66 p. 43

Composition du Tribunal
Président : Président :M. Baudoin
Avocat général : Avocat général :M. Jeol
Rapporteur ?: Rapporteur :M. Peyrat
Avocat(s) : Avocat :M. Célice .

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1989:87.13719
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