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31/01/1989 | FRANCE | N°87-90947

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 31 janvier 1989, 87-90947


ACTION PUBLIQUE ETEINTE, CASSATION PARTIELLE par voie de retranchement sans renvoi sur le pourvoi formé par :
- X...,
contre l'arrêt de la cour d'appel d'Orléans, chambre des appels correctionnels, du 26 octobre 1987 qui, pour diffamation, l'a condamné à 1 500 francs d'amende et à des réparations civiles.
LA COUR,
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur l'action publique ;
Attendu qu'aux termes de l'article 2.6° de la loi du 20 juillet 1988 sont amnistiés, à l'exclusion de ceux visés à l'article 29.13° de ladite loi, les délits prévus par

la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse lorsque, comme en l'espèce, ...

ACTION PUBLIQUE ETEINTE, CASSATION PARTIELLE par voie de retranchement sans renvoi sur le pourvoi formé par :
- X...,
contre l'arrêt de la cour d'appel d'Orléans, chambre des appels correctionnels, du 26 octobre 1987 qui, pour diffamation, l'a condamné à 1 500 francs d'amende et à des réparations civiles.
LA COUR,
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur l'action publique ;
Attendu qu'aux termes de l'article 2.6° de la loi du 20 juillet 1988 sont amnistiés, à l'exclusion de ceux visés à l'article 29.13° de ladite loi, les délits prévus par la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse lorsque, comme en l'espèce, ils sont antérieurs au 22 mai 1988 ;
Qu'ainsi l'action publique s'est trouvée éteinte à l'égard du prévenu dès la publication de la loi du 20 juillet 1988 ; que toutefois, aux termes de l'article 24 de cette même loi, l'amnistie ne préjudicie pas aux droits des tiers et que la juridiction saisie de l'action publique reste compétente pour statuer sur les intérêts civils ;
Sur les actions civiles ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 23, 29 et 32 de la loi du 29 juillet 1881, de l'article 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré X... coupable du délit de diffamation envers les particuliers ;
" aux motifs que le prévenu a été renvoyé en police correctionnelle pour avoir courant novembre 1984, commis le délit de diffamation publique envers Y..., président-directeur général des laboratoires Z...-Y... en rédigeant et en affichant dans les locaux de la société A... trois exemplaires d'un tract manuscrit contenant les passages suivants relatifs au déménagement de la comptabilité de la société Z...-Y... : les patrons se salissent rarement eux-mêmes les mains. Pour autant les ont-ils propres ? Durant le week-end, la direction avait déménagé la comptabilité comme des voleurs sans en informer l'ensemble du personnel ni même les élus ; celle-ci réagit selon son atavisme en s'adressant à ce qui n'est en fait qu'une agence louant des hommes de main ; que l'élément de publicité voulu par la loi ne fait pas défaut, le tract ayant été affiché du 12 au 22 novembre 1984 dans le hall d'entrée d'un bâtiment de l'entreprise, hall desservant notamment le restaurant de la société, le vestiaire des femmes de ménage, la cuisine, le bureau du cuisinier, le local du comité d'entreprise, la réserve alimentaire, les vestiaires, douches et sanitaires ; que pouvaient avoir accès à ce hall des personnes étrangères au personnel, tels que clients ou fournisseurs ;
" 1°) alors que ni le personnel de l'entreprise, ni les clients ou fournisseurs qui s'y rendent sur rendez-vous ou dans l'exercice de leur profession ne constituent le public au sens de l'article 23 de la loi du 29 juillet 1881 qui suppose un public anonyme et imprévisible ; qu'en déclarant établi l'élément de publicité du tract affiché sur le panneau réservé à la CGT dans le bâtiment social de l'entreprise, au seul motif que des clients et fournisseurs pouvaient avoir accès à ce hall, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
" et aux motifs qu'il est constant que Y... était visé puisque l'une des phrases du tract le nomme Y... est bien notre patron et nous sommes tous concernés ; qu'il est constant d'autre part que B..., président de la société A... qui emploie X... a été mis en cause par le tract affiché dans les locaux de A... qui vise les patrons et souhaite qu'il n'y ait plus d'hommes armés par les employeurs ni à C... ni à A..., faisant ainsi un rapprochement se voulant très significatif ;
" que les termes retenus sont diffamatoires, mettant en cause l'honneur et la considération des parties civiles ; que l'intervention d'une société de gardiennage destinée à veiller au déroulement du déménagement a été présentée comme l'appel à des hommes de mains alors que le transfert s'est déroulé sans incident et que le rapport établi dans le tract avec le meurtre d'un ouvrier turc par un vigile à C... ne se justifie aucunement, même s'il se peut que la présence de vigiles ait été mal ressentie ;
" 2°) alors que des attaques vagues et générales dirigées contre une collectivité indéterminée ne sauraient constituer le délit de diffamation ; qu'en décidant dès lors que B..., président de la société A... était mis en cause par le tract visant les patrons et le patronat , la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
" 3°) alors que la bonne foi du prévenu, qui justifie sa relaxe, doit être largement appréciée lorsque la polémique intervient dans le cadre d'une action syndicale ; qu'en se bornant à considérer que le rapport fait par le tract avec le meurtre d'un ouvrier turc par des vigiles armés à l'intérieur de l'entreprise ne se justifiait pas, sans relever, comme l'y invitait le prévenu, que le tract avait été rédigé au cours d'une journée d'action et de solidarité, qui avait recueilli la participation de 60 % du personnel, l'arrêt a privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés " ;
Sur la première branche ;
Attendu que pour retenir X... comme auteur de diffamation publique, le jugement dont l'arrêt attaqué adopte les motifs, énonce que le tract a été affiché pendant une dizaine de jours dans le hall d'entrée du bâtiment social de l'entreprise ; que les clients, les fournisseurs et visiteurs devaient nécessairement traverser ce hall ; qu'il en a été ainsi pour les personnes appartenant à 17 entreprises extérieures ; que la cour d'appel relève encore que les représentants de commerce, les livreurs et les employés des sociétés de sous-traitance devaient obligatoirement y passer ;
Attendu que ces énonciations mettent la Cour de Cassation en mesure de s'assurer que les juges ont caractérisé l'élément constitutif de la publicité exigé par les articles 23 et 32 de la loi du 29 juillet 1881 ; qu'en effet si le personnel d'une entreprise, quelque nombreux qu'il soit, ne constitue pas le public au sens desdits articles, il en va autrement lorsqu'ont accès au lieu de l'affichage, des personnes étrangères à l'établissement, quel que soit le motif de leur présence ;
Sur la troisième branche ;
Attendu qu'il ne saurait être fait grief aux juges de ne pas avoir relevé que le tract incriminé aurait été rédigé au cours d'une journée d'action syndicale ; qu'il ne résulte pas des conclusions déposées au nom de X..., lequel s'est borné devant la cour d'appel à prétendre ne pas avoir dépassé les limites de la polémique syndicale, que le prévenu ait invoqué l'existence de faits justificatifs de nature à faire admettre sa bonne foi ;
Qu'en effet, les imputations diffamatoires étant, de droit, réputées émises avec intention de nuire, il appartient à l'auteur de ces imputations d'apporter la preuve de sa bonne foi, ce que le demandeur n'a pas fait en l'espèce ;
Mais sur la deuxième branche ;
Vu les articles dont la violation est ci-dessus alléguée, ensemble les articles 50, 53, 48-1 de la loi du 29 juillet 1881, 2 et 3 du Code de procédure pénale ;
Attendu qu'en matière de diffamation, l'acte initial de poursuite fixe irrévocablement la nature, l'étendue et l'objet de celle-ci ainsi que les points sur lesquels le prévenu aura à se défendre ; qu'il s'ensuit qu'aucune personne ne saurait être admise à intervenir comme partie civile dans la procédure déjà engagée dans l'intérêt d'une autre ;
Attendu que pour condamner X... à des réparations envers B..., président de la société A..., partie civile intervenante au cours des débats dans les poursuites engagées du chef de diffamation, sur plainte avec constitution de partie civile de Y..., président de la société " Laboratoires Z...-Y... " et administrateur de la société A..., l'arrêt énonce qu'il n'est pas contesté par la partie adverse que ladite intervention soit recevable en la forme bien qu'elle n'apparaisse dans la procédure qu'à son stade terminal ;
Mais attendu qu'en prononçant ainsi, les juges ont méconnu le sens et la portée des principes ci-dessus énoncés ;
Que dès lors la cassation est encourue de ce chef ;
Par ces motifs :
DECLARE l'action publique éteinte ;
CASSE ET ANNULE, par voie de retranchement, l'arrêt de la cour d'appel d'Orléans du 26 octobre 1987 en ses seules dispositions civiles concernant l'intervention de B... ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 87-90947
Date de la décision : 31/01/1989
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

PRESSE - Procédure - Action publique - Mise en mouvement - Diffamation ou injures envers les particuliers - Plainte de la victime - Intervention d'une autre partie civile - Possibilité (non)

En matière de diffamation, l'acte initial de poursuite fixe irrévocablement la nature, l'étendue et l'objet de celle-ci : il s'en déduit qu'aucune personne ne saurait être admise à intervenir comme partie civile dans la procédure déjà engagée dans l'intérêt d'une autre.


Références :

Code de procédure pénale 2, 3
Loi du 29 juillet 1881 art. 48-1, 50, 53

Décision attaquée : Cour d'appel d'Orléans (chambre correctionnelle), 26 octobre 1987


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 31 jan. 1989, pourvoi n°87-90947, Bull. crim. criminel 1989 N° 38 p. 112
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 1989 N° 38 p. 112

Composition du Tribunal
Président : Président :M. Le Gunehec
Avocat général : Avocat général :Mme Pradain
Rapporteur ?: Rapporteur :M. Milleville
Avocat(s) : Avocats :MM. Guinard, Cossa

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1989:87.90947
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