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23/01/1989 | FRANCE | N°86-96803

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 23 janvier 1989, 86-96803


CASSATION PARTIELLE sans renvoi sur le pourvoi formé par :
- X... Morand,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Colmar, chambre correctionnelle, en date du 14 novembre 1986, qui, pour fraude fiscale et omission de passation d'écritures en comptabilité, l'a condamné à 2 ans d'emprisonnement avec sursis et mise à l'épreuve, a ordonné la publication et l'affichage de la décision, et a prononcé sur la demande de l'administration des impôts, partie civile.
LA COUR,
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le premier moyen de cassation pris de la violat

ion de l'article 1649 septies du Code général des impôts dans sa rédaction i...

CASSATION PARTIELLE sans renvoi sur le pourvoi formé par :
- X... Morand,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Colmar, chambre correctionnelle, en date du 14 novembre 1986, qui, pour fraude fiscale et omission de passation d'écritures en comptabilité, l'a condamné à 2 ans d'emprisonnement avec sursis et mise à l'épreuve, a ordonné la publication et l'affichage de la décision, et a prononcé sur la demande de l'administration des impôts, partie civile.
LA COUR,
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le premier moyen de cassation pris de la violation de l'article 1649 septies du Code général des impôts dans sa rédaction issue de l'article 4 de la loi n° 77-1453 du 23 décembre 1977, par refus d'application, de l'alinéa 3 de l'article L. 47 du Livre des procédures fiscales dans sa rédaction issue de la loi de finances du 29 décembre 1982 par fausse application, violation des articles 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a rejeté l'exception de nullité de la procédure de vérification soulevée in limine litis par M. Morand X... ;
" aux motifs que l'administration des impôts fait valoir que les agents verbalisateurs se sont bornés à des constatations purement matérielles qui entraient dans les prévisions de l'alinéa 3 de l'article L. 47 du Livre des procédures fiscales, dans sa rédaction de la loi de finances du 29 décembre 1982, texte à caractère interprétatif, donc applicable à une vérification antérieure.. ; que la Cour dispose de tous les éléments pour considérer que les inspecteurs des impôts ont agi régulièrement dans le cadre du texte susvisé (arrêt p. 8, alinéa 3, et p. 10, alinéa 3) ;
" alors que la cour d'appel ne pouvait faire application de l'alinéa 3 de l'article L. 47 du Livre des procédures fiscales dans sa rédaction issue de la loi de finances n° 82-1126 du 29 décembre 1982 ; qu'en effet, au jour où a été entreprise la vérification litigieuse, sur laquelle se fondent les poursuites, le 25 novembre 1981, les dispositions applicables étaient celles de l'article 1649 septies du Code général des impôts, dans sa rédaction issue de l'article 4 de la loi n° 77-1453 du 29 décembre 1977 ; qu'en conséquence, la disposition ajoutée à l'article L. 47 du Livre des procédures fiscales par la loi du 29 décembre 1982- fût-elle interprétative-ne pouvait s'étendre au-delà du texte même qui fait l'objet de la loi qui le complète, c'est-à-dire l'article L. 47 susvisé du Livre des procédures fiscales, de sorte qu'elle n'était pas applicable à la vérification litigieuse et qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel l'a violée par fausse application " ;
Sur le second moyen de cassation pris de la violation de l'article 1134 du Code civil, des articles 1741 et 1743 du Code général des impôts, de l'article L. 47 du Livre des procédures fiscales, des articles 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale, ensemble, violation des droits de la défense :
" en ce que l'arrêt attaqué a rejeté l'exception de nullité de la procédure de vérification soulevée in limine litis par Morand X... ;
" aux motifs, d'une part, que la formule figurant en tête du procès-verbal du 30 novembre 1981 nous nous sommes présentés... pour y procéder à la vérification de cette entreprise ne permet pas à elle seule de caractériser les opérations qui ont été effectuées en particulier le 25 novembre 1981 entre 18 heures et 19 heures 10 ; que cette formule revêt un caractère général qui tend à définir la finalité du contrôle entrepris, mais qu'il ne saurait en être déduit que, dès le 25 novembre 1981, les vérificateurs ont entrepris l'examen au fond des documents comptables ; en effet que le déroulement des investigations des inspecteurs des Impôts est explicité et précisé dans la suite du procès-verbal et qu'il en ressort suffisamment qu'elles n'ont pas dépassé le stade de la constatation matérielle des éléments physiques de l'exploitation ou de l'existence de l'état des documents comptables ;
" alors que, contrairement aux énonciations de l'arrêt attaqué, le procès-verbal établi le 30 novembre 1981 mentionne bien que les agents vérificateurs se sont présentés dans le restaurant à l'enseigne " La Drôle de baraque " pour y procéder à la vérification de la comptabilité de cette entreprise ; qu'il résulte encore des mentions mêmes de ce procès-verbal que les inspecteurs ont rappelé au demandeur qu'il avait la faculté de se faire assister d'un conseil de son choix pour discuter les propositions de l'Administration faisant suite au présent acte, d'où il ressort suffisamment que celui-ci constituait la première phase de la procédure de vérification de comptabilité engagée à l'encontre du contribuable visité de sorte qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a dénaturé tant les termes clairs et précis que la portée dudit procès-verbal en violation de l'article 1134 du Code civil ;
" aux motifs, d'autre part, que le prévenu fait plaider que les vérificateurs ne se sont pas limités à l'inventaire des marchandises en stock et que le rapprochement de la valeur quantitative du stock avec la comptabilité, même irrégulière, permettait de chiffrer la valeur du stock et l'appréciation par le vérificateur, cas par cas, de la validité au fond des factures ; que ces allégations sont purement gratuites ; que ni dans le procès-verbal initial, ni dans la procédure ultérieure il n'a été fait la moindre allusion à un inventaire du stock assorti des prix d'achat (étant précisé que s'agissant d'un restaurant et non d'un magasin de détail, le prix de vente ne peut pas être déterminé pour chaque élément de stock) ; que l'hypothèse avancée par la défense, d'ailleurs sous forme dubitative, est d'autant moins vraisemblable que les vérificateurs ont disposé de 35 minutes pour réaliser toutes les investigations dont ils se sont rendu compte, de sorte qu'il est matériellement exclu qu'ils aient pu collationner l'inventaire et les factures " ;
" alors que dans ses écritures d'appel, le demandeur avait expressément fait valoir que les investigations des vérificateurs ne s'étaient pas limitées à l'inventaire des marchandises en stock, et qu'il avait demandé à titre de supplément d'information que fussent produits leurs documents de travail et spécialement l'inventaire afin de vérifier si oui ou non les valeurs des marchandises inventoriées avaient été relevées sur la base des documents comptables fournis ; que les juges du fond-qui étaient tenus de rechercher si la procédure de vérification critiquée avait été faite dans des conditions régulières-avaient l'obligation, à peine de nullité, de répondre à cette demande de supplément d'information, de sorte qu'en s'en abstenant totalement la cour d'appel a encore méconnu les textes visés au moyen " ;
Les moyens étant réunis ;
Vu lesdits articles ;
Attendu que si une loi à caractère interprétatif a un effet rétroactif et doit recevoir application dans les procédures non encore définitivement jugées, elle ne saurait rétroagir au-delà de l'entrée en vigueur du texte qu'elle entend interpréter et qui a justifié son intervention ;
Attendu qu'il appert de l'arrêt attaqué et du jugement qu'il confirme que Morand X..., gérant de fait de la SARL BPM Loisirs, a été cité devant le tribunal correctionnel pour fraude fiscale en matière d'impôt sur les sociétés, de TVA et d'impôt sur le revenu, et pour omission de passation d'écritures en comptabilité ; que le prévenu a régulièrement invoqué, avant toute défense au fond, la nullité de la procédure de vérification de comptabilité en soutenant qu'il n'avait pu disposer d'un délai raisonnable pour se faire assister d'un conseil ;
Attendu que pour écarter cette exception les juges, après avoir relevé que lors de la remise de l'avis de vérification, le 25 novembre 1981, les agents de l'Administration ont recueilli des renseignements sur les conditions d'exploitation du fonds de commerce et ont procédé à l'inventaire des marchandises en stock, énoncent que les constatations ainsi opérées entrent dans les prévisions du dernier alinéa de l'article L. 47 du Livre des procédures fiscales ;
Mais attendu que l'article 74- II de la loi du 29 décembre 1982, texte à caractère interprétatif complétant l'article L. 47 du Livre des procédures fiscales et qui permet aux agents de l'Administration de procéder à de simples constatations matérielles des éléments physiques de l'exploitation, de l'existence des documents comptables et de leur état, ne saurait rétroagir antérieurement au 1er janvier 1982, date d'entrée en vigueur du décret de codification du 15 septembre 1981 qui, en les transférant à l'article L. 47 du Livre précité, a irrégulièrement ajouté aux dispositions de l'article 1649 septies du Code général des impôts pour permettre les contrôles fiscaux sans l'envoi d'un avis préalable ; que, dès lors, en faisant application dudit texte à un contrôle effectué avant le 1er janvier 1982, les juges ont méconnu le sens et la portée du principe sus-rappelé ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Par ces motifs :
CASSE ET ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Colmar du 14 novembre 1986, dans ses seules dispositions concernant Morand X... ;
Et attendu qu'il ne reste rien à juger ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 86-96803
Date de la décision : 23/01/1989
Sens de l'arrêt : Cassation partielle sans renvoi
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

1° LOIS ET REGLEMENTS - Application dans le temps - Loi interprétative - Rétroactivité - Limite.

1° Voir le sommaire suivant.

2° IMPOTS ET TAXES - Impôts directs et taxes assimilées - Procédure - Infractions - Constatation - Vérifications ou contrôle - Contrôle inopiné - Article L - 47 du Livre des procédures fiscales - Légalité - Loi du 29 décembre 1982 - Loi interprétative - Application dans le temps.

2° Si une loi à caractère interprétatif a un effet rétroactif et doit recevoir application dans les procédures non encore définitivement jugées, elle ne saurait rétroagir au-delà de l'entrée en vigueur du texte qu'elle entend interpréter et qui a justifié son intervention. C'est ainsi que la loi du 29 décembre 1982, dont l'article 74-II a complété l'article L. 47 du Livre des procédures fiscales, ne rétroagit que jusqu'au 1er janvier 1982, date d'entrée en vigueur du décret de codification du 15 septembre 1981 qui, en les transférant à l'article L. 47 précité, a irrégulièrement ajouté aux dispositions de l'article 1649 septies du Code général des impôts pour permettre les contrôles fiscaux inopinés, sans l'envoi d'un avis préalable.


Références :

CGI L47, 1649 septies
Décret 81-859 du 15 septembre 1981
Loi 82-1126 du 29 décembre 1982 art. 74-II

Décision attaquée : Cour d'appel de Colmar (chambre correctionnelle), 14 novembre 1986


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 23 jan. 1989, pourvoi n°86-96803, Bull. crim. criminel 1989 N° 25 p. 78
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 1989 N° 25 p. 78

Composition du Tribunal
Président : Président :M. Le Gunehec
Avocat général : Avocat général :M. Galand
Rapporteur ?: Rapporteur :M. Gondre
Avocat(s) : Avocats :la SCP Vier et Barthélémy, M. Foussard

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1989:86.96803
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