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28/11/1988 | FRANCE | N°87-82052

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 28 novembre 1988, 87-82052


CASSATION PARTIELLE sur les pourvois formés par :
- X... Charles,
- Y... Didier,
- Y... Marc,
- la société anonyme Ressorts Y...,
- la société anonyme Ressorts français,
contre un arrêt de la cour d'appel de Douai, chambre correctionnelle, en date du 13 mars 1987, qui, pour fausses déclarations en douane, les a condamnés Charles X... et Marc et Didier Y... solidairement sur la demande de l'Administration à des amendes douanières et au paiement de sommes pour tenir lieu de confiscation des marchandises et a déclaré les sociétés Pierre X..., Ressorts frança

is et Ressorts Y... solidairement responsables des amendes et des pénalités.
LA ...

CASSATION PARTIELLE sur les pourvois formés par :
- X... Charles,
- Y... Didier,
- Y... Marc,
- la société anonyme Ressorts Y...,
- la société anonyme Ressorts français,
contre un arrêt de la cour d'appel de Douai, chambre correctionnelle, en date du 13 mars 1987, qui, pour fausses déclarations en douane, les a condamnés Charles X... et Marc et Didier Y... solidairement sur la demande de l'Administration à des amendes douanières et au paiement de sommes pour tenir lieu de confiscation des marchandises et a déclaré les sociétés Pierre X..., Ressorts français et Ressorts Y... solidairement responsables des amendes et des pénalités.
LA COUR,
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu les mémoires produits tant en demande qu'en défense ;
Sur le moyen de cassation proposé par Charles X... et pris de la violation de l'article 343, 1° et 2°, 410, 412 et 435 du Code des douanes, 6 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motif, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a prononcé la confiscation de marchandises importées d'Autriche ayant fait l'objet, par l'agence en douane X..., au cours des années 1977 à 1979, de 24 déclarations pour le compte de la société " Ressorts Français " et de quatorze déclarations pour celui de la société " Ressorts Y... ", et condamné en conséquence X...à payer à l'administration des Douanes la contre-valeur de ces marchandises, soit les sommes de 238 291 francs et 387 057 francs ;
" aux motifs que l'expertise ordonnée par le magistrat instructeur confiée à la Commission de conciliation et d'expertise douanière a reconnu que les fils d'acier fabriqués par " Felten und Guilleame " importés d'Autriche par les sociétés " Ressorts Y... " et " Ressort français " entraient sans discussion possible en raison de leur composition dans la position 73-15 du tarif douanier concernant les fils d'acier fin au carbone et non pas dans la position 73-14, dans laquelle ils avaient été déclarés, que les conclusions de cette expertise ont été régulièrement communiquées le 30 mai 1985 à X..., et qu'un délai de 1 mois lui a été accordé pour demander éventuellement une contre-expertise au cas où il n'accepterait pas les conclusions de la Commission, que faute pour les prévenus d'avoir demandé une contre-expertise, dans le délai qui leur était imparti, force est de constater qu'ils ont acquiescé auxdites conclusions, que l'acquiescement et la reconnaissance par les prévenus des infractions commises résultent également du fait qu'ils ont réglé dès 1980 les droits et taxes éludés d'un montant de 40 707, 50 francs pour les " Ressorts français " et d'un montant de 23 653, 29 francs pour les " Ressorts Y... ", et qu'ils n'ont pas interjeté appel du jugement du tribunal de police de Tourcoing du 18 septembre 1986 qui a reconnu leur culpabilité, que les contestations soulevées par les prévenus devant la Cour relatives à leur culpabilité sont tardives et ne peuvent être accueillies, que c'est à tort que les premiers juges ont dit qu'il n'y avait lieu, en l'espèce, à confiscation, puisqu'en vertu des dispositions formelles de l'article 435 du Code des douanes, cette Administration était fondée à demander aux prévenus la contre-valeur des marchandises litigieuses remises à leurs propriétaires ;
" alors que, si en matière économique et douanière l'abrogation d'un texte réglementaire n'affecte pas rétroactivement sauf dispositions contraires les infractions qui étaient l'objet d'une poursuite en cours, tel n'est pas le cas lorsque lors du procès-verbal de poursuite, lors du réquisitoire introductif, ou de la saisine par voie de citation directe de la juridiction pénale, les textes invoqués servant de support effectif et nécessaire aux poursuites n'ont plus d'existence légale en raison de leur abrogation ; qu'en l'espèce, il n'était pas contesté qu'à compter de l'année 1980 les droits de douanes portant sur les marchandises litigieuses avaient été supprimés entre la France et l'Autriche ; que, en raison de l'abrogation de cette réglementation qui, au cours des années 1977 et 1979 rendait, en application de l'article 412 du Code des douanes, toutes fausses déclarations punissables d'une amende et de la confiscation de la marchandise lorsqu'elles éludaient un droit de douane, les infractions reprochées en l'espèce au prévenu à l'époque des poursuites exercées contre lui (procès-verbal de verbalisation du 25 juillet 1980, acte introductif d'action fiscale du 15 juillet 1983, réquisitoire introductif du 18 juillet 1983) n'étaient passibles que des sanctions prévues par l'article 410 du Code des douanes punissant d'une simple amende et non pas de la confiscation, toutes fausses déclarations lorsque celles-ci n'ont aucune influence sur l'application des droits de douane, que l'action intentée contre X... pour l'application des peines prévues par l'article 412 du Code des douanes ne pouvait valablement être exercée au jour où elle a été mise en mouvement, qu'en condamnant X... à la peine complémentaire de la confiscation pour des faits qui ne constituaient plus une infraction punissable de la confiscation, la cour d'appel a violé les textes susmentionnés " ;
Et sur le même moyen relevé d'office en faveur des autres demandeurs ;
Les moyens étant réunis ;
Vu les articles cités ;
Attendu qu'en matière douanière, le juge répressif doit examiner les faits qui lui sont soumis, sous l'incrimination qui leur est spécialement applicable à la date de l'engagement des poursuites ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué, du jugement dont il adopte les motifs et du procès-verbal, base des poursuites, que dans le courant des années 1977, 1978 et 1979 Charles X..., président de la société Pierre X..., commissionnaire en douane, a souscrit au nom de la société Ressorts Y... et de la société Ressorts français dont Marc et Didier Y... sont respectivement présidents, 14 et 24 déclarations d'importations de fils d'acier en provenance d'Autriche ; que ces déclarations se référaient à la position tarifaire 73-14 du tarif douanier commun ; que l'Administration estimant que les marchandises relevaient en réalité de la position 73-15, laquelle entraînait l'exigibilité de droits et de taxes de douane plus élevés, a le 25 juillet 1980 dressé procès-verbal à l'encontre du déclarant pour fausses déclarations dans l'espèce de marchandises importées ; puis le 15 juillet 1983 a adressé au Parquet de Lille un acte introductif d'instance visant Charles X... déclarant, ainsi que les dirigeants des deux sociétés importatrices ; qu'au vu de cet acte une information a été ouverte suivant réquisitoire du 18 juillet 1983 ; que, par ordonnance du 26 mars 1986, Charles X... et ses coprévenus ont été renvoyés devant le tribunal de police de Tourcoing sous la prévention, notamment, de fausses déclarations dans l'espèce de marchandises importées, infractions prévues et réprimées par l'article 412 du Code des douanes ; qu'ils ont été condamnés sur le fondement de ce texte solidairement entre eux et avec les sociétés qu'ils dirigeaient à des amendes fiscales ainsi qu'au paiement de la valeur des marchandises pour tenir lieu de la confiscation de celles-ci ;
Mais attendu qu'à la date des procès-verbaux constatant les faits reprochés comme à celle à laquelle a été mise en mouvement l'action fiscale, l'accord préférentiel intervenu entre la CEE et l'Autriche avait abouti à la suppression à compter de 1980 des droits de douane précédemment exigibles à la date des importations objet des fausses déclarations ; qu'ainsi en prononçant la confiscation des marchandises prévue par le seul article 412 du Code des douanes, alors que les droits prétendument compromis n'étaient plus exigibles et que les faits poursuivis ne relevaient, le cas échéant, que de l'article 410 du même Code, la cour d'appel a méconnu le principe susrappelé ;
Que la cassation est encourue de ce chef ;
Et sur le moyen additionnel de cassation proposé par Charles X... et pris de la violation des articles 369 dans sa rédaction résultant de la loi du 8 juillet 1987, 396, 392, 399, 395, 412, paragraphe 2, 435 du Code des douanes, 515 et 593 du Code de procédure pénale, manque de base légale, défaut de motifs :
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré X... coupable d'avoir courant 1977, 1978 et 1979, fait 14 et 24 fausses déclarations d'espèce, de valeur, d'origine de marchandises importées ayant ainsi compromis la perception des droits de douanes, et courant 1980 omis de porter toutes les indications requises sur 6 déclarations de marchandises importées sans que ces irrégularités aient une influence sur l'application des droits de douanes ;
" aux motifs que le 13 juin 1980, l'agence en douane X... déposa au bureau des douanes d'Halluin-Reckem une déclaration d'importation pour 34 rouleaux de fil d'acier originaire d'Autriche et destinés à la société " Les Ressorts Y... ", que la marchandise a été déclarée à la position 73-14 du tarif douanier, que les services douaniers ont contesté cette position et estimé que le produit devait être classé en 73-15 comme fil d'acier pris au carbone, qu'une analyse du laboratoire central des Douanes sur les fils importés le 13 juin 1980 a révélé le 10 septembre 1980 que leur composition les faisait entrer dans la position tarifaire 73-15, que cette analyse a été confirmée par la Commission de conciliation et d'expertise des Douanes qui a rendu son avis le 26 mars 1985, que cette expertise a été régulièrement portée à la connaissance des prévenus, que faute d'avoir demandé une contre-expertise, force est de reconnaître qu'ils ont acquiescé à ses conclusions, que leur acquiescement et la reconnaissance par les prévenus des infractions commises résultent également du fait qu'ils ont réglé dès 1980 et qu'ils n'ont pas interjeté appel du jugement du tribunal de police de Tourcoing du 18 septembre 1986, qui a reconnu leur culpabilité ; que les contestations soulevées par les prévenus devant la Cour relatives à leur culpabilité sont donc tardives et ne peuvent être accueillies ;
" alors que, d'une part, en présence d'un appel non limité du ministère public, la Cour peut soit confirmer le jugement, soit l'infirmer en tout ou partie dans un sens favorable ou défavorable au prévenu, qu'en l'espèce si les prévenus n'avaient pas fait appel du jugement du tribunal de police de Tourcoing du 18 septembre 1986 et si l'administration des Douanes avait fait un appel limité à la confiscation des marchandises litigieuses, la cour d'appel, saisie de l'entier litige, par l'appel non limité du ministère public, devait néanmoins statuer sur la culpabilité des prévenus, même en présence d'un acquiescement, au demeurant inopérant de ce dernier, qu'en refusant de se prononcer sur ce point la cour d'appel a violé l'article 515 du Code de procédure pénale ;
" alors que, d'autre part, lorsqu'une loi déterminant autrement que les textes précédents les éléments d'une infraction, est intervenue après une condamnation et avant l'arrêt qui statue sur le pourvoi en cassation, il y a lieu à l'application de cette loi nouvelle, que la loi du 8 juillet 1987 modifiant la procédure fiscale et douanière a abrogé en son article 23 le paragraphe 2 de l'article 369 du Code des douanes interdisant aux tribunaux de relaxer les contrevenants pour défaut d'intention, que cette loi est entrée en vigueur le 9 juillet 1987 ; qu'à compter de cette date la condamnation de X... du chef de fausse déclaration d'espèce de valeur et d'origine de marchandises importées ayant compromis la perception des droits de douanes, contravention prévue et réprimée par l'article 412 du Code des douanes, et d'omission de porter toutes les indications requises sur des déclarations de marchandises importées sans que ces irrégularités aient eu une influence sur l'application des droits de douane, infraction prévue et réprimée par l'article 410 du Code des douanes, est dépourvue de base légale à défaut de constatation par l'arrêt attaqué de l'intention frauduleuse du prévenu " ;
Et sur le même moyen relevé d'office en faveur des autres demandeurs ;
Les moyens étant réunis ;
Vu les textes cités ;
Attendu qu'en l'absence de prévisions contraires expresses, une loi nouvelle répressive qui abroge une incrimination ou qui comporte des dispositions favorables s'applique aux faits commis avant son entrée en vigueur et non définitivement jugés ;
Attendu que Charles X...et ses coprévenus ont été renvoyés devant le tribunal de police pour diverses fausses déclarations dans l'espèce de marchandises importées souscrites, d'une part de 1977 à 1979, d'autre part en 1980, contraventions respectivement visées aux articles 412 et 410 du Code des douanes ; que la cour d'appel faisant l'exacte application de l'article 369-2 du Code des douanes alors en vigueur a écarté sans les examiner les conclusions arguant de la bonne foi ;
Mais attendu que la loi du 8 juillet 1987 en son article 23, alinéa 1er, a abrogé l'article 369-2 du Code des douanes ; que si cette loi n'a pas eu pour objet d'introduire dans la rédaction de l'article 410 du même Code un quelconque élément intentionnel dans les incriminations douanières ressortissant au juge pénal, il n'en demeure pas moins que par l'effet de cette abrogation il n'est plus interdit au contrevenant de rapporter la preuve de sa bonne foi ; que cette modification s'analyse en une disposition favorable ;
Que, dès lors, l'arrêt attaqué doit être annulé et l'affaire renvoyée devant les juges du fond afin de procéder à un nouvel examen de la poursuite au regard des dispositions de la loi nouvelle ;
Par ces motifs :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions concernant les cinq demandeurs, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Douai, en date du 13 mars 1987, et pour qu'il soit à nouveau jugé conformément à la loi nouvelle, dans la limite de la cassation prononcée :
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Paris.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 87-82052
Date de la décision : 28/11/1988
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

1° LOIS ET REGLEMENTS - Réglementation douanière - Abrogation - Abrogation antérieure à l'engagement des poursuites - Conséquences.

1° DOUANES - Procédure - Action des Douanes - Abrogation de la réglementation pénale et des sanctions fiscales - Conséquences.

1° Voir le sommaire suivant.

2° JURIDICTIONS CORRECTIONNELLES - Disqualification - Douanes - Pouvoirs du juge - Abrogation de la réglementation antérieure à l'engagement des poursuites.

2° En matière douanière, le juge répressif doit examiner les faits qui lui sont soumis, sous l'incrimination qui leur est spécialement applicable à la date de l'engagement des poursuites. Encourt la cassation l'arrêt qui condamne le contrevenant au paiement de la valeur des marchandises de fraude pour tenir lieu de confiscation de celles-ci, par application de l'article 412 du Code des douanes, alors qu'à la date d'engagement des poursuites les droits compromis par la déclaration inexacte avaient été supprimés et que les faits visés à la prévention ne relevaient, le cas échéant, que des dispositions de l'article 410 dudit Code (1).

3° DOUANES - Contraventions - Lois et règlements - Application dans le temps - Loi nouvelle - Loi plus douce - Rétroactivité - Loi du 8 juillet 1987 modifiant les procédures fiscales et douanières - Loi abrogeant l'interdiction de la relaxe pour défaut d'intention - Effet - Pourvoi en cours.

3° Voir le sommaire suivant.

4° LOIS ET REGLEMENTS - Réglementation douanière - Rétroactivité - Loi plus douce - Loi abrogeant l'interdiction de la relaxe pour défaut d'intention - Effet - Pourvoi en cours.

4° Sauf prévision contraire expresse, une loi qui abroge une incrimination ou qui comporte des dispositions pénales ou douanières favorables, s'applique aux faits commis antérieurement à son entrée en vigueur et non définitivement jugés. Tel est le cas pour la loi du 8 juillet 1987 en son article 23, alinéa 1er, qui, en abrogeant l'article 369.2° du Code des douanes permet au prévenu d'infraction douanière de rapporter la preuve de sa bonne foi. Cette disposition nouvelle s'applique aux contraventions comme aux délits douaniers (2).


Références :

Code des douanes 369 al. 2
Code des douanes 410, 412
Loi 87-502 du 08 juillet 1987 art. 23 al. 1

Décision attaquée : Cour d'appel de Douai (chambre correctionnelle), 13 mars 1987

CONFER : (2°). Chambre criminelle, 1975-12-17 , Bulletin criminel 1975, n° 288, p. 757 (cassation partielle) ;

Chambre criminelle, 1983-01-03 , Bulletin criminel 1983, n° 1, p. 1 (cassation) ;

Chambre criminelle, 1986-11-12 , Bulletin criminel 1986, n° 334, p. 857 (rejet) ;

Chambre criminelle, 1988-11-07 , Bulletin criminel 1988, n° 377, p. 1000 (cassation) CONFER : (4°). Chambre criminelle, 1988-02-29 , Bulletin criminel 1988, n° 102, p. 260 (annulation).


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 28 nov. 1988, pourvoi n°87-82052, Bull. crim. criminel 1988 N° 399 p. 1055
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 1988 N° 399 p. 1055

Composition du Tribunal
Président : Président :M. Le Gunehec
Avocat général : Avocat général :M. Rabut
Rapporteur ?: Rapporteur :M. Souppe
Avocat(s) : Avocats :la SCP Delaporte et Briard, la SCP Boré et Xavier

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1988:87.82052
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