CASSATION sur le pourvoi formé par :
- X... Patrick,
contre l'arrêt n° 70 de la cour d'appel d'Amiens, chambre correctionnelle, en date du 4 mars 1987, qui l'a condamné, pour infraction à l'article L. 221-17 du Code du travail, à 19 amendes de 500 francs chacune.
LA COUR,
Vu le mémoire produit ;
Sur le premier moyen de cassation pris de la violation des articles L. 221-17 et R. 262-1 du Code du travail, de l'arrêté préfectoral du 2 mai 1979 et de l'article 593 du Code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale :
" en ce que la cour d'appel, saisie d'une poursuite ayant pour base légale un arrêté préfectoral pris en application de l'article L. 221-17 du Code du travail, a refusé de surseoir à statuer jusque soient connus les résultats du supplément d'information qu'elle avait prescrit par un arrêt avant dire droit du 22 avril 1981 aux fins de vérification de la légalité dudit arrêté et déclaré le prévenu coupable de l'infraction à l'arrêté qui lui était reprochée ;
" aux motifs que le prévenu, régulièrement cité, comparaît assisté de son avocat qui dépose des conclusions tendant à l'infirmation du jugement entrepris étant précisé que la Cour remarque qu'elles sont identiques dans l'exposé des moyens à celles déposées devant le Tribunal ; que les faits de contravention à l'arrêté préfectoral du 2 mai 1979 interdisant l'ouverture dominicale des magasins d'ameublement qui sont reprochés au prévenu qui y fait travailler des salariés et qu'il reconnaît dans leur matérialité ainsi qu'il résulte des pièces de la procédure et des débats, sont amplement décrits et pertinemment établis par le premier juge en des motifs que la Cour adopte, étant en outre précisé que devant la Cour, au moyen soulevé de l'article L. 221-17 du Code du travail, le prévenu ne donne aucune preuve des données concrètes qu'il allègue quant au nombre d'entreprises de la branche et de leur répartition par spécialités ;
" alors que, d'une part, lorsqu'à l'occasion de deux poursuites successives, toutes les deux ayant pour base un arrêté préfectoral pris en application de l'article L. 221-17 du Code du travail, la légalité dudit arrêté, régulièrement contestée, a donné lieu à un complément d'information aux termes d'un arrêt avant dire droit, la cour d'appel, qui a prescrit ce complément d'information dans le cadre de la première poursuite, ne peut, sans contradiction, dans le cadre de la seconde poursuite, écarter une demande de sursis à statuer jusqu'à ce que soient connus les résultats de ce supplément d'information, soit au motif adopté des premiers juges que la régularité en la forme de l'arrêté litigieux rendait inutile la vérification de sa légalité au fond, soit au motif propre qu'aucune preuve des données concrètes alléguées au soutien du moyen tiré de l'illégalité au fond de l'arrêté n'était produite devant la Cour, la mesure d'instruction précédemment ordonnée établissant par elle-même que ces preuves avaient déjà été rapportées et jugées suffisantes, par une décision dont la cour d'appel ne pouvait méconnaître l'autorité ;
" et alors que, d'autre part, l'illégalité de fond alléguée étant tirée de la non-représentativité de la majorité des professionnels concernés par le syndicat patronal ayant pris l'initiative de la procédure instituée par l'article L. 221-17 du Code du travail et signé l'accord au vu duquel l'arrêté préfectoral avait été pris, la cour d'appel avait, en toute hypothèse, l'obligation de rechercher ou de faire rechercher si les conditions ci-dessus spécifiées avaient été bien respectées " ;
Vu lesdits articles ;
Attendu que tout jugement ou arrêt doit contenir les motifs propres à justifier la décision ; que l'insuffisance des motifs équivaut à leur absence ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et du jugement qu'il confirme sur la culpabilité que X..., directeur régional de la société Cofrem, a été poursuivi pour avoir les 17 mars, 5 mai, 30 juin, 4 août, 18 août, 17 novembre et 22 décembre 1985 ainsi que le 26 janvier 1986 contrevenu à un arrêté du 2 mai 1979 du préfet de la Somme prescrivant la fermeture le dimanche des magasins de ventes de meubles au détail ;
Attendu que pour rejeter les conclusions du prévenu qui contestait la légalité de l'arrêté préfectoral en prétendant que cet arrêté avait, en méconnaissance de l'article L. 221-17 du Code du travail, entériné un accord intersyndical sans qu'il fût établi que ce dernier exprimât la volonté de la majorité des professionnels intéressés, la juridiction du second degré énonce, tant par motifs propres que par des motifs adoptés des premiers juges, que, selon l'arrêté, " l'accord du 19 avril 1979 est intervenu dans le cadre d'une large concertation et que les organisations signataires sont représentatives de la majorité des syndicats intéressés " ; qu'elle en déduit qu'une présomption de régularité s'attache à cet arrêté ; qu'elle observe encore que le prévenu ne rapporte pas la preuve qu'une majorité de professionnels de la vente de meubles au détail était hostile à la fermeture des magasins le dimanche ni que les syndicats patronaux signataires de l'accord n'aient pas représenté le plus grand nombre de professionnels concernés ;
Mais attendu qu'en se déterminant ainsi alors qu'il lui incombait de rechercher si l'accord intervenu exprimait l'opinion de la majorité des membres de la profession ou si, à défaut, l'arrêté avait été pris après une consultation des intéressés, syndiqués ou non, ayant permis de constater l'existence d'une majorité favorable à la fermeture le dimanche des commerces en cause, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;
Que la cassation est donc encourue de ce chef ;
Par ces motifs, et sans qu'il y ait lieu d'examiner les autres moyens proposés :
CASSE ET ANNULE l'arrêt rendu le 4 mars 1987 par la cour d'appel d'Amiens, en toutes ses dispositions, et pour qu'il soit à nouveau jugé conformément à la loi :
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Rouen.