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08/11/1988 | FRANCE | N°87-83909

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 08 novembre 1988, 87-83909


CASSATION PARTIELLE sur le pourvoi formé par :
- X... Jean-Marc,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Reims, chambre correctionnelle, en date du 3 avril 1987, qui, pour escroquerie, l'a condamné à 20 000 francs d'amende et à des réparations civiles.
LA COUR,
Vu le mémoire produit ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation de l'article 405 du Code pénal, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motif, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré constitué, à l'encontre de X..., le délit d'escroquerie et l'a condamné à

une amende de 20 000 francs ;
" aux motifs que X... qui, en 1981, à la création de l...

CASSATION PARTIELLE sur le pourvoi formé par :
- X... Jean-Marc,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Reims, chambre correctionnelle, en date du 3 avril 1987, qui, pour escroquerie, l'a condamné à 20 000 francs d'amende et à des réparations civiles.
LA COUR,
Vu le mémoire produit ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation de l'article 405 du Code pénal, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motif, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré constitué, à l'encontre de X..., le délit d'escroquerie et l'a condamné à une amende de 20 000 francs ;
" aux motifs que X... qui, en 1981, à la création de l'" Association des consommateurs et usagers de Champagne-Ardennes ", association à but non lucratif ayant pour objet la défense du consommateur, en était vice-président, n'a plus fait partie du bureau de l'association mais a été désigné " expert conseil en bâtiment " suivant le document modificatif déposé à la sous-préfecture de Reims en juillet 1985, que toutefois selon les déclarations de l'intéressé et l'attestation du président Y... en date du 1er septembre 1982, qu'il ressort de l'enquête préliminaire et des déclarations mêmes des responsables de l'association que X... en était, à l'époque, des faits visés par la prévention le principal animateur voire le dirigeant de fait, que le trésorier n'avait pas la signature sur les comptes bancaires de l'association dont X... disposait toujours, que le prévenu exerce son activité personnelle de maître d'oeuvre en bâtiment dans des locaux sis 147, rue du Barbâtre, où aboutit la ligne téléphonique affectée à l'ACUCA et où le secrétaire de l'association dispose d'un bureau, qu'en dehors des permanences tenues un jour par semaine au siège de l'association, 122, rue du Barbâtre, il est arrivé à X... de recevoir au n° 147 des consommateurs recherchant les services de l'association, que M. Z... qui avait un litige avec un constructeur de maison individuelle rencontra le prévenu au siège de l'association et après avoir versé à l'ordre de l'ACUCA les sommes de 50 francs d'adhésion et 824 francs de frais de dossier, versa à X... la somme de 1 176 francs de frais d'expertise, que cette expertise fut concrétisée par un rapport d'une page, que les démarches de X... ne furent pas couronnées de succès, que M. Z... a dû ultérieurement recourir aux services d'un avocat, que fin février 1983 M. A... s'est adressé à l'ACUCA où il rencontra M. X... pour obtenir le remboursement de la somme de 10 800 francs qu'il avait versé à la société Ribourel pour la réservation d'un appartement qu'il avait décidé en fin de compte de ne pas acquérir, que X... lui demande 50 francs d'adhésion et 200 francs de cotisation destinés à l'association ainsi que 800 francs à lui remettre personnellement que ce consommateur régla les 50 francs mais considérant comme excessives les autres sommes, renonça à recourir à ses services, et réclama son dossier, que le prévenu commença par refuser avant de consentir à le restituer, qu'ultérieurement grâce à l'intervention gratuite de " BP 5000 " M. A... fut remboursé par le constructeur à hauteur de 8 000 francs, que X... demanda à M. B... 3 000 francs pour intervenir dans le litige l'opposant à la société " Le Toit ", que si à la suite de l'intervention de X... la société " Le Toit " a remboursé aux époux B... la somme de 4 000 francs qu'ils lui avaient réglée, et si ces derniers ont adressé à X... une lettre de remerciement, ils ont considéré après mûre réflexion que la somme versée à X... ne correspondait pas au service rendu, que c'est également à l'occasion d'un litige avec un constructeur que M. C... qui souhaitait résilier son contrat avec la société CAT a rencontré X... qui lui a demandé de lui régler la somme de 2 609 francs à titre personnel ;
que les démarches du prévenu auprès de la société CAT n'ont pas abouti mais qu'il a par la suite, en tant que maître d'oeuvre, assuré la construction du pavillon de C... à la satisfaction de celui-ci, que Mme Sonia D...qui s'était adressée à l'ACUCA pour régler un litige l'opposant aux " maisons familiales " fut adressée à X... qui lui a demandé 1 779 francs d'honoraires, et ne fit pas d'autres démarches que de rédiger une lettre qu'il fit signer et expédier par la requérante au groupe " maisons familiales " sans aucun résultat, qu'il ressort de ce qui précède que X..., à la fois maître d'oeuvre et expert conseil de l'ACUCA dont il apparaît en fait comme le principal animateur, qui arbitre dans ses locaux professionnels le secrétariat et la ligne téléphonique de l'association, et qui reçoit les consommateurs en difficulté soit à son bureau, a bien par ces manoeuvres et par un abus de sa qualité vraie d'expert agréé par l'association, escroqué partie de la fortune d'autrui dans les termes visés au premier chef de la prévention, en se faisant remettre des honoraires par des personnes qui demandaient l'assistance d'une association de consommateurs à but non lucratif ;
" alors, d'une part, que l'abus de qualité vraie n'est constitutif de manoeuvres frauduleuses que lorsque la qualité invoquée est de nature à donner une apparence de sincérité à des allégations mensongères et à commander la confiance de la victime, qu'il résulte des constatations de l'arrêt attaqué que X... était expert en bâtiment agréé par une association de consommateur, qu'il avait en conséquence à connaître des difficultés que les adhérents de l'association pouvaient rencontrer avec des entreprises de construction, et qu'il percevait des honoraires en rémunération de ses interventions, que ces constatations ne sauraient caractériser les manoeuvres frauduleuses constitutives d'un abus de qualité vraie, qu'à défaut d'avoir constaté que X... avait perçu des honoraires en formulant des allégations mensongères et en leur donnant une apparence de sincérité en invoquant sa qualité d'expert en bâtiment agréé par l'ACUCA, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
" alors, d'autre part, que, en toute hypothèse, pour que le délit d'escroquerie soit constitué, il ne suffit pas que des manoeuvres frauduleuses aient été employées et qu'il existe une relation de cause à effet entre les manoeuvres et la remise, mais il faut encore que ces manoeuvres aient eu pour but de faire croire à l'existence de fausses entreprises, d'un pouvoir ou d'un crédit imaginaire, ou de faire naître l'espérance ou la crainte d'un succès ou de tout autre événement chimérique, qu'en l'espèce, la cour d'appel a bien constaté que l'ACUCA n'était pas une association fictive et s'est bornée à relever que les démarches de X... qui en sa qualité d'expert-conseil n'était tenu que d'une obligation de moyen n'avaient pas été couronnées de succès dans le cas de M. Z... et de Mme D..., que M. A... avait estimé ne pas devoir lui confier son dossier, que X... avait obtenu pour les époux B... le remboursement par la société " Le Toit " de la somme de 4 000 francs et, qu'il avait à la satisfaction de M. C... assuré la construction de son pavillon, à la place de la société CAT, que ces faits reprochés à X... ne démontraient pas que celui-ci avait fait croire à l'existence de fausses entreprises, d'un pouvoir ou d'un crédit imaginaire ou avait fait naître l'espérance ou la crainte d'un succès, ou de tout événement chimérique, qu'aucune intention frauduleuse ne pouvait dès lors être retenue à son encontre " ;
Vu lesdits articles ;
Attendu que le juge correctionnel ne peut prononcer une peine pour un fait qu'il qualifie délit qu'autant qu'il constate l'existence de toutes les circonstances exigées par la loi pour que ce fait soit punissable ;
Attendu, en outre, que tout jugement ou arrêt doit contenir les motifs propres à justifier la décision ; que l'insuffisance des motifs équivaut à leur absence ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que X..., qui exerce la profession de maître d'oeuvre, a été désigné comme " l'expert-conseil en bâtiment " de l'Association des consommateurs et usagers de Champagne-Ardennes (dite ACUCA) dont il avait été le vice-président et dont il est resté " le principal animateur " ; qu'il a reçu des consommateurs soit au siège de l'association, soit dans ses propres locaux où " aboutit la ligne téléphonique affectée à l'ACUCA et où la secrétaire de l'association dispose d'un bureau " ; qu'à plusieurs personnes désirant être conseillées sur des litiges avec des entrepreneurs de constructions il a demandé de payer la cotisation d'adhésion à l'association et de lui verser en outre, pour son intervention en qualité d'expert, des honoraires que certains des intéressés ont trouvés excessifs pour les services rendus ; qu'il a été poursuivi pour avoir, par l'abus de la qualité d'expert de ladite association ainsi que par des manoeuvres frauduleuses destinées à persuader autrui de l'existence d'une fausse entreprise de défense des consommateurs, en réalité officine de conseils rémunérés, escroqué ou tenté d'escroquer tout ou partie de la fortune d'autrui ; que le Tribunal l'a déclaré coupable ;
Attendu que pour confirmer le jugement sur la culpabilité, la juridiction du second degré, après avoir analysé les démarches faites ou les rapports d'expertise rédigés par le prévenu pour chacune des personnes visées à la prévention et après avoir relevé le montant des honoraires perçus par lui, énonce que X... par les manoeuvres résultant de l'organisation dans ses propres locaux de la réception des adhérents de l'association et par un abus de sa qualité vraie d'expert agréé par celle-ci a " escroqué partie de la fortune d'autrui... en se faisant remettre des honoraires par des personnes qui demandaient l'assistance d'une association de consommateurs à but non lucratif " ;
Mais attendu qu'en statuant ainsi alors que, pour que soit caractérisé le délit d'escroquerie, l'usage abusif d'une qualité vraie ou les manoeuvres tendant à persuader de l'existence d'une fausse entreprise doivent être déterminantes de la remise des sommes escroquées, la cour d'appel qui n'a pas précisé en quoi le fait que les consommateurs aient pu croire à tort qu'ils s'adressaient à une association de défense du consommateur à but non lucratif a pu les déterminer à verser des honoraires au prévenu, a privé sa décision de base légale ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Par ces motifs, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le second moyen de cassation proposé :
CASSE ET ANNULE l'arrêt du 3 avril 1987 de la cour d'appel de Reims, en ce qui concerne la condamnation du chef d'escroquerie, et pour qu'il soit à nouveau jugé conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée :
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Nancy.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 87-83909
Date de la décision : 08/11/1988
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

ESCROQUERIE - Manoeuvres frauduleuses - Caractère déterminant - Constatations nécessaires

ESCROQUERIE - Faux nom ou fausse qualité - Abus d'une qualité vraie - Caractère déterminant - Constatations nécessaires

Les juges ne peuvent considérer que l'abus d'une qualité vraie et l'emploi de manoeuvres frauduleuses constituent le délit d'escroquerie sans constater ou sans qu'il puisse se déduire de leurs constatations que cet abus et ces manoeuvres ont été déterminants de la remise des fonds (1).


Références :

Code pénal 405

Décision attaquée : Cour d'appel de Reims (chambre correctionnelle), 03 avril 1987

CONFER : (1°). Chambre criminelle, 1969-03-24 , Bulletin criminel 1969, n° 127, p. 311 (rejet) ;

Chambre criminelle, 1974-10-22 , Bulletin criminel 1974, n° 300, p. 770 (rejet).


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 08 nov. 1988, pourvoi n°87-83909, Bull. crim. criminel 1988 N° 381 p. 1007
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 1988 N° 381 p. 1007

Composition du Tribunal
Président : Président :M. Berthiau, conseiller doyen faisant fonction
Avocat général : Avocat général :Mme Pradain
Rapporteur ?: Rapporteur :M. Dumont
Avocat(s) : Avocat :la SCP Delaporte et Briard

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1988:87.83909
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