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08/11/1988 | FRANCE | N°85-44830

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 08 novembre 1988, 85-44830


Sur les trois premiers moyens réunis, pris de la violation des articles L. 761-5 du Code du travail, 1134 du Code civil et 17 de la convention collective nationale des journalistes du 1er novembre 1976 et du manque de base légale :

Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir décidé que la rupture du contrat de travail de M. X..., journaliste à la rédaction parisienne de la société Delaroche, éditeur du journal Le Progrès de Lyon, était imputable au salarié, en conséquence, d'avoir, en retenant la compétence de la juridiction judiciaire, débouté ce dernier

de ses demandes en paiement d'indemnités de préavis et de licenciement e...

Sur les trois premiers moyens réunis, pris de la violation des articles L. 761-5 du Code du travail, 1134 du Code civil et 17 de la convention collective nationale des journalistes du 1er novembre 1976 et du manque de base légale :

Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir décidé que la rupture du contrat de travail de M. X..., journaliste à la rédaction parisienne de la société Delaroche, éditeur du journal Le Progrès de Lyon, était imputable au salarié, en conséquence, d'avoir, en retenant la compétence de la juridiction judiciaire, débouté ce dernier de ses demandes en paiement d'indemnités de préavis et de licenciement et de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors, d'une part, que la cour d'appel, qui relève que l'employeur devait respecter les prescriptions de l'article L. 122-14 du Code du travail, établit ainsi que la rupture du contrat provenait du fait de l'employeur, que, dès lors, en application de l'article L. 761-5 du même Code, seule la commission arbitrale était compétente pour décider si cette rupture trouvait son origine dans une attitude fautive du journaliste, justifiant que soit réduite ou supprimée l'indemnité de licenciement et, par voie de conséquence, l'indemnité de préavis, alors, d'autre part, que les termes de la lettre du 31 décembre 1979 n'autorisaient aucune interprétation ni surtout aucune adjonction, que, dès lors, en affirmant que constituaient une clause claire et précise de mobilité géographique les termes d'une lettre qui, à l'occasion d'une modification juridique des modes de gestion du personnel, prévoyaient seulement la possibilité d'une mutation dans " n'importe quel autre service, établissement ou société ayant des liens juridiques avec la société " Delaroche " et assuraient par ailleurs à l'intéressé que les conditions actuelles de son emploi étaient garanties, la cour d'appel a dénaturé le texte contractuel, alors, enfin, que la cour d'appel, en reprochant au salarié " journaliste confirmé " d'avoir négligé de s'informer sur la " portée de la clause ", n'établit nullement qu'un accord précis soit intervenu entre les parties sur l'introduction d'une clause de mobilité géographique dans le contrat, et, en s'estimant liée par la clause prétendument claire, s'est en réalité abstenue d'exercer son pouvoir d'interprétation et de rechercher, au-delà des termes de la lettre elle-même, quelle était la volonté des parties et l'exacte signification de l'acceptation du salarié ;

Mais attendu, d'abord, que si l'article 17 de la convention collective susvisée dispose, au paragraphe a, que les conditions de mutation dans le territoire national feront l'objet d'un accord précis dans la lettre d'engagement du journaliste, et au paragraphe c qu'un échange de lettres sera nécessaire chaque fois qu'interviendra une modification du contrat de travail, ces dispositions ne font pas obstacle à ce que, en cours de contrat, par un accord exprès les parties conviennent que le journaliste acceptera un changement d'affectation sur une portion quelconque du territoire national ;

Attendu, ensuite, que les juges du fond ont constaté que le président-directeur général du journal Le Progrès de Lyon avait, le 31 décembre 1979, adressé à M. X... une lettre contenant le passage suivant : " cette affectation pourra être modifiée selon les nécessités du service et vos aptitudes professionnelles, et vous pourrez être muté dans n'importe quel autre service, établissement ou société, ayant des liens juridiques avec la société Delaroche ", et que M. X... avait fait retour d'un exemplaire de cette lettre revêtu de sa signature précédée de la mention manuscrite " lu et approuvé " ;

Et attendu que, nonobstant un motif surabondant relatif à la prétendue obligation de l'employeur de respecter les prescriptions de l'article L. 122-14 du Code du travail, la cour d'appel, qui n'a pas dénaturé les clauses claires et précises de la convention des parties et qui a estimé que la preuve n'était pas apportée que la mutation de M. X... de Paris à Lyon constituât une modification substantielle du contrat de travail, a justement décidé qu'en refusant de rejoindre son nouveau poste le journaliste avait commis un manquement grave à ses obligations le rendant responsable la rupture des relations contractuelles et excluant, par voie de conséquence, l'application des dispositions de l'article L. 761-5 du Code du travail relatives à l'intervention de la commission arbitrale ;

Qu'aucun des trois premiers moyens n'est fondé ;

Mais sur le quatrième moyen :

Vu l'article L. 143-4 du Code du travail ;

Attendu que l'arrêt a également débouté M. X... de sa demande en paiement d'un complément de salaire au motif qu'il ne justifiait pas d'un droit acquis à la somme réclamée qui lui était versée sous la qualification de pige, qui donnait lieu à l'établissement d'une attestation séparée de cotisations de sécurité sociale et contre la suppression de laquelle il n'avait pas protesté entre avril 1980 et novembre 1981 ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses propres constatations que la somme réclamée avait été versée mensuellement jusqu'en avril 1980 et que l'acceptation sans protestation ni réserve d'un bulletin de paie par le salarié ne peut valoir, de la part de celui-ci, renonciation au paiement de tout ou partie du salaire et des indemnités et accessoires qui lui sont dus, la cour d'appel, qui n'a pas recherché si le complément de salaire, peu important la qualification qui lui était prêtée et le mode de versement des cotisations de sécurité sociale auquel il donnait lieu, ne résultait pas de la convention des parties, d'un accord collectif ou d'un usage dans l'entreprise, n'a pas donné de base légale à sa décision ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a débouté M. X... de sa demande en paiement de complément de salaire, l'arrêt rendu le 26 juin 1985, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 85-44830
Date de la décision : 08/11/1988
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Analyses

1° CONTRAT DE TRAVAIL - RUPTURE - Imputabilité - Modification du contrat par l'employeur - Modification du lieu de travail - Refus du salarié - Convention collective - Convention fixant les conditions de mutation - Accord exprès en cours de contrat - Effet.

1° CONVENTIONS COLLECTIVES - Presse - Convention nationale des journalistes du 1er novembre 1976 - Journaliste professionnel - Mutation - Conditions - Accord exprès en cours de contrat - Effets 1° PRESSE - Journal - Journaliste professionnel - Contrat de travail - Rupture - Imputabilité - Modification du contrat par l'employeur - Changement du lieu de travail - Refus du salarié - Convention collective fixant les conditions de mutation - Accord exprès en cours de contrat - Effets 1° CONTRAT DE TRAVAIL - EXECUTION - Modification - Modification imposée par l'employeur - Mutation - Refus du salarié - Convention collective - Convention fixant les conditions de mutation - Accord exprès en cours de contrat - Effet 1° PRESSE - Journal - Journaliste professionnel - Commission arbitrale des journalistes - Compétence - Mutation - Refus du salarié.

1° Si l'article 17 de la convention collective nationale des journalistes du 1er novembre 1976 dispose au paragraphe a, que les conditions de mutation dans le territoire national feront l'objet d'un accord précis dans la lettre d'engagement du journaliste, et au paragraphe c qu'un échange de lettres sera nécessaire chaque fois qu'interviendra une modification du contrat de travail, ces dispositions ne font pas obstacle à ce que en cours de contrat, par un accord exprès, les parties conviennent que le journaliste acceptera un changement d'affectation sur une portion quelconque du territoire national . Les juges du fond ayant constaté que le président-directeur général d'un journal avait adressé à un journaliste une lettre contenant le passage suivant : " cette affectation pourra être modifiée selon les nécessités du service et vos aptitudes professionnelles, et vous pourrez être muté dans n'importe quel autre service, établissement ou société ayant des liens juridiques avec la société qui vous emploie ", et que l'intéressé avait fait retour d'un exemplaire de cette lettre revêtu de sa signature précédée de la mention manuscrite " lu et approuvé ", n'ont pas dénaturé les clauses claires et précises de la convention des parties et, ayant estimé que la preuve n'était pas apportée que la mutation de ce journaliste dans une autre ville constituât une modification substantielle du contrat de travail, ont justement décidé qu'en refusant de rejoindre son nouveau poste le journaliste avait commis un manquement grave à ses obligations le rendant responsable de la rupture des relations contractuelles et excluant, par voie de conséquence, l'application des dispositions de l'article L. 761-5 du Code du travail relatives à l'intervention de la commission arbitrale .

2° CONTRAT DE TRAVAIL - EXECUTION - Salaire - Paiement - Renonciation - Constatations nécessaires.

2° CONTRAT DE TRAVAIL - EXECUTION - Salaire - Bulletin de salaire - Délivrance - Acceptation sans réserves - Portée.

2° Ne donne pas de base légale à sa décision la cour d'appel qui déboute un journaliste de sa demande en paiement d'un complément de salaire au motif qu'il ne justifiait pas d'un droit acquis à la somme réclamée qui lui était versée sous la qualification de pige, qui donnait lieu à l'établissement d'une attestation séparée de cotisations de sécurité sociale et contre la suppression de laquelle il n'avait pas protesté pendant dix-neuf mois, alors qu'il résultait de ses propres constatations que la somme réclamée avait été versée mensuellement jusqu'à une certaine date et que l'acceptation sans protestation ni réserve d'un bulletin de paie par le salarié ne peut valoir, de la part de celui-ci, renonciation au paiement de tout ou partie du salaire et des indemnités et accessoires qui lui sont dus, sans rechercher si le complément de salaire, peu important la qualification qui lui était prêtée et le mode de versement des cotisations de sécurité sociale auquel il donnait lieu, ne résultait pas de la convention des parties, d'un accord collectif ou d'un usage dans l'entreprise .


Références :

Code du travail L143-4
Code du travail L761-5
Convention collective nationale des journalistes du 01 novembre 1976 Par. a, Par. c art. 17

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 26 juin 1985


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 08 nov. 1988, pourvoi n°85-44830, Bull. civ. 1988 V N° 573 p. 369
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 1988 V N° 573 p. 369

Composition du Tribunal
Président : Président :M. Le Gall, conseiller le plus ancien faisant fonction
Avocat général : Avocat général :M. Gauthier
Rapporteur ?: Rapporteur :M. Caillet
Avocat(s) : Avocats :M. Cossa, la SCP Guiguet, Bachellier et Potier de la Varde .

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1988:85.44830
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