Sur le premier moyen :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 13 septembre 1986), qu'à l'occasion d'une élection cantonale M. X... a fait diffuser des tracts et apposer des affiches relatifs à la gestion municipale de M. Y..., maire de Z..., que celui-ci a assigné M. X... devant le juge des référés en vue d'interdire de poursuivre la diffusion des tracts et d'ordonner le retrait des affiches ;
Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt d'avoir déclaré recevable l'action de M. Y..., alors que l'assignation était exclusivement fondée sur le prétendu caractère diffamatoire, envers un dépositaire de l'autorité et de la force publique, des imputations et allégations litigieuses et que le " trouble manifestement illicite " qui en était résulté n'aurait pu être dissocié de ce caractère diffamatoire, que dans ces conditions la juridiction civile aurait été incompétente pour en connaître, même en référé, et que ce serait en violation de l'article 46 de la loi du 29 juillet 1881 que l'arrêt a déclaré une telle action recevable ;
Mais attendu que l'interdiction faite à la juridiction civile par ce texte de connaître de l'action civile née des faits de diffamation commis envers des fonctionnaires publics ou des citoyens chargés d'un service public en raison de leur fonction ou de leur qualité ne met pas obstacle à ce que le juge des référés prenne, conformément à l'article 809, alinéa 1er, du nouveau Code de procédure civile, les mesures qui s'imposent pour faire cesser le trouble manifestement illicite qui résulterait des faits incriminés ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le second moyen, pris en ses trois branches :
Attendu qu'il est reproché à l'arrêt d'avoir fait défense à M. X... de poursuivre la diffusion de tracts électoraux, alors que, d'une part, en se refusant à rechercher si ces tracts constituaient le délit de diffamation il énonce qu'il ne peut être admis que soient proférées des allégations de nature à porter atteinte à l'honneur et à la considération, ce qui est la définition même du délit de diffamation, d'où il suit qu'il serait entaché de contradiction, alors que, d'autre part, les propos tenus dans les tracts incriminés qui mettent seulement en cause la gestion municipale de M. Y... et ses liens amicaux avec la Russie soviétique ne sont pas par eux-mêmes de nature à porter atteinte à l'honneur et à la considération de l'intéressé et qu'en considérant qu'ils pouvaient faire suspecter celui-ci de connivence avec un pays étranger et de détournement de fonds en faveur de sa propagande et aboutissaient à créer un trouble grave manifestement illicite, il aurait dénaturé et faussement qualifié lesdits propos ; alors qu'enfin, en ne s'expliquant pas sur les conclusions d'appel de M. X... qui apportait la preuve de ses allégations et en ne recherchant pas si celles-ci étaient ou non fondées, il n'aurait pas donné de base légale à sa décision et aurait porté atteinte à la liberté d'expression consacrée par l'article 11 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ;
Mais attendu que c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain en la matière que la cour d'appel qui n'avait pas à répondre à des conclusions tendant à l'application de textes relatifs à la diffamation, a retenu, hors de toute dénaturation et sans se contredire, le caractère manifestement illicite du trouble et pris les mesures nécessaires pour le faire cesser sans porter atteinte à la liberté d'expression ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi