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04/10/1988 | FRANCE | N°87-80084

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 04 octobre 1988, 87-80084


CASSATION sur le pourvoi formé par :
- l'union départementale de la CFDT des Côtes-du-Nord, partie civile,
contre un arrêt de la cour d'appel de Rennes, chambre correctionnelle, en date du 10 décembre 1986, qui, dans la procédure suivie sur sa plainte contre Jean-Jacques X... du chef d'opposition à l'accomplissement des devoirs d'un inspecteur du Travail, a déclaré la constitution de partie civile irrecevable.
LA COUR,
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 1, 2, 3 et 388 du Code de p

rocédure pénale, des articles L. 411-1, L. 411-23, L. 611-1, L. 611-10 et...

CASSATION sur le pourvoi formé par :
- l'union départementale de la CFDT des Côtes-du-Nord, partie civile,
contre un arrêt de la cour d'appel de Rennes, chambre correctionnelle, en date du 10 décembre 1986, qui, dans la procédure suivie sur sa plainte contre Jean-Jacques X... du chef d'opposition à l'accomplissement des devoirs d'un inspecteur du Travail, a déclaré la constitution de partie civile irrecevable.
LA COUR,
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 1, 2, 3 et 388 du Code de procédure pénale, des articles L. 411-1, L. 411-23, L. 611-1, L. 611-10 et L. 631-1 du Code du travail, de l'article 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré l'organisation syndicale exposante irrecevable à mettre en mouvement l'action publique du chef d'obstacle à l'accomplissement de la mission de contrôleur et inspecteur du Travail ;
" aux motifs que le procureur de la République, saisi d'un rapport et de deux procès-verbaux d'un inspecteur du Travail avait fait procéder à une enquête de gendarmerie et avait classé sans suite ; que le ministère public est le seul à pouvoir décider de la nécessité de l'ordre public ou de l'opportunité de la poursuite ou de la non-poursuite ; qu'il est le seul chargé de décider si les nécessités de l'ordre public ou du respect de la loi vont entraîner une poursuite devant une juridiction pénale ; que c'est à juste titre que le Tribunal avait estimé que l'organisation exposante ne pouvait mettre en mouvement l'action publique alors que le ministère public s'était refusé à le faire, la preuve de l'infraction à l'encontre des contrôleurs du Travail n'étant pas établie et que ceux-ci, personnellement, n'estimant pas avoir subi de dommages ne s'étaient pas constitués parties civiles ;
" et aux motifs adoptés des premiers juges que l'infraction poursuivie concernait exclusivement les intérêts publics et le dommage avait été, en réalité, subi par la collectivité entière puisque c'est l'autorité de l'Etat qui avait été ainsi bafouée, si tant est que l'on puisse tenir pour exacte la version des faits donnée par la partie civile ; qu'il y avait lieu, dès lors, sans examen au fond, de déclarer irrecevable l'organisation exposante à mettre en mouvement l'action publique, étant précisé que compte tenu de la nature de l'infraction poursuivie, il en eût été de même si le syndicat CFDT des fonctionnaires avait pris l'initiative des poursuites ;
" alors qu'aux termes de l'article 1er du Code de procédure pénale, le ministère public n'est pas seul à pouvoir mettre l'action publique en mouvement, cette possibilité étant ouverte, également, à la partie lésée par l'infraction ;
" alors surtout que les inspecteurs et contrôleurs du Travail assurant par l'accomplissement de leur mission le respect des dispositions protectrices des travailleurs, tout obstacle apporté à cet accomplissement porte nécessairement préjudice aux intérêts collectifs de ces travailleurs, préjudice distinct de l'atteinte portée à l'intérêt général comme à l'intérêt personnel du fonctionnaire ; que, par suite, s'ils participent ainsi à la défense d'un intérêt général, cette circonstance ne saurait faire obstacle à l'application des articles L. 411-11 et L. 411-23 du Code du travail autorisant les syndicats professionnels et les unions syndicales à exercer devant toutes les juridictions les droits réservés à la partie civile relativement aux faits portant un préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif de la profession qu'ils représentent ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a méconnu les principes ci-dessus rappelés et violé les textes visés au moyen " ;
Vu lesdits articles ;
Attendu qu'il résulte de la combinaison des articles 1, 2, 3 et 392 du Code de procédure pénale que toute personne qui prétend avoir été directement lésée par un délit est autorisée à saisir de cette infraction le tribunal correctionnel par une citation délivrée directement au prévenu ; qu'en vertu des articles L. 411-11 et L. 411-23 du Code du travail ce droit appartient également aux syndicats et unions de syndicats relativement aux faits portant un préjudice même indirect à l'intérêt collectif de la profession qu'ils représentent ;
Attendu en outre que les dispositions de l'article L. 631-1 du Code du travail, même si elles touchent à l'ordre public, ont été édictées en vue de permettre aux inspecteurs et contrôleurs du Travail d'assurer, par l'accomplissement de leur mission, le respect des dispositions protectrices tant de l'ensemble des travailleurs que du personnel de chaque entreprise ; que dès lors l'opposition mise à l'exécution de cette mission peut être de nature à préjudicier à l'intérêt collectif de la profession à laquelle appartient ce personnel et par suite à autoriser l'action civile des syndicats qui la représentent ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et du jugement qu'il confirme que, le procureur de la République ayant classé sans suite un procès-verbal de l'inspecteur du Travail établi à l'encontre de Jean-Jacques X... pour opposition à l'accomplissement des devoirs d'un inspecteur et d'un contrôleur du Travail, l'union départementale CFDT des Côtes-du-Nord a cité directement X... devant le tribunal correctionnel du chef de cette infraction ;
Attendu que pour déclarer la partie civile " irrecevable à mettre en mouvement l'action publique " la juridiction du second degré énonce notamment tant par des motifs propres que par des motifs adoptés du jugement confirmé, que " l'infraction poursuivie concerne exclusivement les intérêts publics ", que " le dommage a été en réalité subi par la collectivité entière puisque c'est l'autorité de l'Etat qui a été ainsi bafouée ", que " le ministère public est le seul à pouvoir décider de la nécessité ou de l'opportunité de la poursuite " ;
Mais attendu qu'en se déterminant ainsi, la cour d'appel a méconnu les textes susvisés et les principes ci-dessus rappelés ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Et attendu que si, en application de l'article 567 du Code de procédure pénale, la partie civile peut se pourvoir seulement quant aux dispositions relatives aux intérêts civils, cette restriction aux effets du pourvoi n'a pas lieu lorsque, comme en l'espèce, il n'a été statué que sur la recevabilité de l'action civile dont l'exercice tendait à la mise en mouvement de l'action publique ;
Par ces motifs :
CASSE ET ANNULE l'arrêt du 10 décembre 1986 de la cour d'appel de Rennes, et pour qu'il soit à nouveau jugé conformément à la loi, tant sur l'action publique que sur l'action civile :
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Caen.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 87-80084
Date de la décision : 04/10/1988
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

1° ACTION PUBLIQUE - Mise en mouvement - Partie civile - Syndicat - Syndicat représentant la profession du personnel d'une entreprise - Intérêts collectifs de la profession - Délit d'obstacle à l'accomplissement des devoirs d'un inspecteur ou d'un contrôleur du Travail.

1° ACTION CIVILE - Recevabilité - Syndicat - Intérêts collectifs de la profession - Syndicat représentant la profession du personnel d'une entreprise - Délit d'obstacle à l'accomplissement des devoirs d'un inspecteur ou d'un contrôleur du Travail 1° SYNDICAT - Action civile - Intérêts collectifs de la profession - Préjudice - Préjudice direct ou indirect - Syndicat représentant la profession du personnel d'une entreprise - Délit d'obstacle à l'accomplissement des devoirs d'un inspecteur ou d'un contrôleur du Travail.

1° Voir le sommaire suivant.

2° TRAVAIL - Inspection du Travail - Délit d'obstacle à l'accomplissement des devoirs d'un inspecteur ou d'un contrôleur du Travail - Action publique - Mise en mouvement - Partie civile - Syndicat représentant la profession du personnel d'une entreprise - Intérêts collectifs de la profession.

2° La circonstance qu'un texte a été édicté dans un intérêt général ne peut faire obstacle à l'application de l'article L. 411-11 du Code du travail autorisant les syndicats professionnels à exercer devant toutes les juridictions les droits réservés à la partie civile quant aux faits portant un préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif de la profession qu'ils représentent. Le délit d'opposition à l'accomplissement des devoirs d'un inspecteur du Travail commis par un chef d'entreprise est de nature à porter atteinte à l'intérêt collectif de la profession du personnel de l'entreprise. Peut, en conséquence, se constituer partie civile et mettre en mouvement l'action publique le syndicat représentant cette profession (1).


Références :

Code de procédure pénale 1, 2, 3
Code du travail L411-11, L411-23, L631-1

Décision attaquée : Cour d'appel de Rennes (chambre correctionnelle), 10 décembre 1986

CONFER : (2°). Chambre criminelle, 1980-01-08 , Bulletin criminel 1980, n° 11, p. 26 (cassation), et les arrêts cités ;

Chambre criminelle, 1985-03-19 , Bulletin criminel 1985, n° 113, p. 297 (rejet et cassation partielle), et les arrêts cités.


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 04 oct. 1988, pourvoi n°87-80084, Bull. crim. criminel 1988 N° 328 p. 883
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 1988 N° 328 p. 883

Composition du Tribunal
Président : Président :M. Berthiau, conseiller doyen faisant fonction
Avocat général : Avocat général :M. Lecocq
Rapporteur ?: Rapporteur :M. Dumont
Avocat(s) : Avocats :la SCP Masse-Dessen et Georges, M. Choucroy

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1988:87.80084
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