REJET du pourvoi formé par :
- X... Rosendo,
- la Mutuelle assurance des travailleurs mutualistes (MATMUT), partie intervenante,
contre un arrêt de la cour d'appel de Besançon, chambre correctionnelle, en date du 16 octobre 1987 qui, après condamnation de X... des chefs de blessures involontaires et de défaut de maîtrise, s'est prononcé sur les réparations civiles.
LA COUR,
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation de l'article 3, alinéa 1er, de la loi du 5 juillet 1985, ensemble violation des articles 485 et 593 du Code de procédure pénale :
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Rosendo X..., prévenu relaxé, entièrement responsable des dommages causés à la partie civile, Christelle Y... ;
" aux motifs que les circonstances de l'accident étant connues, il y a lieu de rechercher si le comportement de Mlle Y... est constitutif d'une faute inexcusable ayant été la cause exclusive de l'accident au sens de l'article 3 de la loi du 5 juillet 1985 ; que dans une série d'arrêts du 20 juillet 1987, la Cour de Cassation a donné de la faute inexcusable la définition suivante : " seule est inexcusable la faute volontaire, d'une exceptionnelle gravité, exposant sans raison valable son auteur à un danger dont il aurait dû avoir conscience " ; que l'analyse des circonstances des accidents soumis à l'appréciation de la Cour Suprême révèle que, dans ces différentes espèces, la victime surgissait brutalement devant l'automobiliste qui n'avait pas la possibilité d'éviter l'accident et que la faute inexcusable doit présenter un certain nombre de caractéristiques énumérées qui n'existent manifestement pas dans la présente espèce où la faute de Mlle Y... n'était pas volontaire ; qu'en effet, il s'agissait uniquement d'une imprudence grave, plus exactement d'une faute d'inattention couramment commise par des piétons et des conséquences de laquelle le législateur a précisément voulu les protéger au niveau de la réparation de leur préjudice ; qu'ainsi Mlle Y... n'a pas commis de faute inexcusable ayant été la cause exclusive de l'accident (arrêt p. 3) ;
" alors que, d'une part, en fondant sa recherche du comportement inexcusable ou non de la victime, piéton, sur une exégèse théorique de la jurisprudence et d'après les voeux supposés du législateur sans examiner concrètement et objectivement le cas d'espèce qui lui était soumis, l'arrêt a statué par une motivation d'ordre général et abstraite, violant ainsi les articles 485 et 593 du Code de procédure pénale ;
" alors que, d'autre part, l'arrêt est en tous cas entaché d'un défaut de base légale par violation de l'article 3, alinéa 1er, de la loi du 5 juillet 1985, pour n'avoir pas recherché de manière concrète si le comportement de la victime n'était pas de nature à caractériser les conditions citées de la faute inexcusable ; qu'en effet, comme il le constate par ailleurs, ce comportement consistait à s'élancer en courant, vêtu de vêtements sombres, une capuche sur la tête pour traverser de nuit, sans aucune précaution, sans regarder ni d'un côté ni de l'autre, et hors passages protégés alors que les feux de signalisation se trouvaient au vert pour les véhicules roulant sur la voie de circulation de X... dont le comportement a été irréprochable ;
" alors que, enfin et de toutes manières, l'arrêt a directement violé l'article 3, alinéa 1er, de la loi du 5 juillet 1985, en ne déduisant pas de ce comportement de la victime les quatre conditions légales de la faute inexcusable, cause exclusive de l'accident ; qu'en effet la faute volontaire de Mlle Y... était caractérisée par le fait, rappelé aux conclusions, que le piéton qui connaissait les lieux s'était engagé de nuit, hors du passage protégé, sur une place à circulation importante, en courant et dans l'obscurité, bien qu'il vît que les feux étaient au vert pour l'automobiliste ; que cette faute était d'une extrême gravité, le piéton prenant le risque de ne regarder, ni à droite, ni à gauche pour traverser à un endroit dangereux et interdit à la circulation des piétons ; que ce risque ne pouvait être raisonnablement détaché du danger dont Mlle Y... aurait dû avoir nécessairement conscience ; et que le piéton n'avait aucune excuse sérieuse, car il aurait pu s'engager dans le passage réservé aux piétons situé à faible distance ou attendre que les feux de circulation soient au rouge " ;
Attendu qu'il résulte de la décision des premiers juges, dont les motifs afférents aux circonstances de l'accident ont été expressément adoptés par la cour d'appel, que Christelle Y... a été heurtée et grièvement blessée par l'automobile de X... alors que, de nuit, elle traversait en courant, en dehors d'un passage pour piétons, un carrefour où fonctionnait l'éclairage public ; qu'il est encore indiqué que le piéton, qui portait des vêtements sombres et une capuche, " n'a regardé ni sur sa gauche, ni à droite ", et que l'automobiliste s'est engagé dans le carrefour au feu vert ;
Attendu que, pour décider que l'imprudence ainsi commise par la victime ne revêtait pas un caractère inexcusable, les juges énoncent que cette faute " n'était pas volontaire ; qu'en effet, il s'agissait uniquement d'une imprudence grave, plus exactement d'une faute d'inattention couramment commise par des piétons " ;
Attendu qu'en l'état de ces motifs, d'où il résulte que la faute imputable à la victime n'était ni volontaire, ni d'une exceptionnelle gravité, la cour d'appel, qui ne s'est pas déterminée par des considérations d'ordre général et abstrait, a justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi.