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21/06/1988 | FRANCE | N°88-82743

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 21 juin 1988, 88-82743


CASSATION sur le pourvoi formé par :
- X... Alain, inculpé de vol avec port d'arme, violences avec arme sur agent de la force publique, détention d'armes et munitions de 1re et 4e catégories,
contre un arrêt de la chambre d'accusation de la cour d'appel de Paris, en date du 1er mars 1988, qui, sur renvoi après cassation, a rejeté sa demande de mise en liberté.
LA COUR,
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation pris de la violation des articles 5-1, 3 et 4 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 1

44 à 148-8, 83, 186, alinéas 1 et 3, 186-1, 171, 201, 591 et 593 du Code ...

CASSATION sur le pourvoi formé par :
- X... Alain, inculpé de vol avec port d'arme, violences avec arme sur agent de la force publique, détention d'armes et munitions de 1re et 4e catégories,
contre un arrêt de la chambre d'accusation de la cour d'appel de Paris, en date du 1er mars 1988, qui, sur renvoi après cassation, a rejeté sa demande de mise en liberté.
LA COUR,
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation pris de la violation des articles 5-1, 3 et 4 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 144 à 148-8, 83, 186, alinéas 1 et 3, 186-1, 171, 201, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale :
" en ce que la chambre d'accusation, statuant comme juridiction de renvoi, a rejeté la demande de mise en liberté directement formée par l'inculpé ensemble l'exception de nullité du titre de détention de X... ;
" aux motifs que la chambre d'accusation, saisie par un arrêt de renvoi après cassation, n'est pas tenue de statuer dans le délai imparti par l'article 148 du Code de procédure pénale ; que la nullité tirée de ce que le magistrat chargé de l'information n'aurait pas été désigné régulièrement ne saurait être examinée à l'occasion d'une demande de mise en liberté présentée directement à la chambre d'accusation ; que, par ailleurs, la complexité de l'information résultant notamment du grand nombre des participants, des réticences des personnes mises en cause notamment de X..., des diligences qui ont dû être effectuées pour vérifier les alibis ont considérablement ralenti le cours de l'instruction et ce, malgré les diligences effectuées par le magistrat instructeur ; elle estime en conséquence que la durée de l'instruction doit être considérée comme raisonnable au sens de l'article 5 § 2 de la Convention européenne des droits de l'homme ; que les faits imputés à X... ont gravement perturbé l'ordre public ; que le trouble subsiste ; que X... a été de nombreuses fois condamné ; on peut, dès lors, redouter que s'il était remis en liberté, il ne tente, eu égard à la gravité de la peine encourue, de se soustraire aux poursuites dont il est l'objet ; qu'une mesure de contrôle judiciaire ne saurait être envisagée en l'espèce ; que la détention provisoire de X... est nécessaire pour préserver l'ordre public du trouble causé par l'infraction et garantir son maintien à la disposition de la justice (arrêt analyse p. 3 et 4) ;
" alors que, d'une part, la chambre d'accusation directement saisie d'une demande de mise en liberté dans le cadre des dispositions de l'article 148-4 du Code de procédure pénale doit se prononcer, suivant l'article 148, dernier alinéa, dans les vingt jours de sa saisine faute de quoi l'inculpé est mis d'office en liberté ; que les modalités de la saisine de la chambre d'accusation ne peuvent justifier une extension contra legem dudit délai, lequel reste applicable quand la chambre d'accusation est saisie comme juridiction de renvoi par un arrêt de cassation ; qu'en décidant le contraire, l'arrêt a violé les textes précités ensemble l'article 5-3 et 4 de la Convention ;
" alors que, d'autre part, la nullité tirée de l'illégalité de la décision de mise en détention n'est pas une simple nullité concernant " la régularité de la procédure " mais une nullité d'ordre public que la chambre d'accusation peut examiner directement suivant l'article 201, alinéa 2, du Code de procédure pénale et pour le jugement de laquelle l'inculpé doit pouvoir bénéficier d'une voie de droit directe, rapide et efficace conformément aux dispositions de l'article 5-4 de la Convention ; qu'en déniant à X... le droit d'obtenir une décision sur la légalité de sa détention à l'occasion d'une demande de mise en liberté provisoire, la Cour a violé les textes précités ;
" alors que, de troisième part, le délai prévu par l'article 5-3 de la Convention européenne de sauvegarde relativement au maintien en détention cesse d'être raisonnable en cas de lenteur anormale de l'instruction ; que l'inculpé placé en détention provisoire le 13 septembre 1985 et dont les dernières déclarations tendant à sa mise hors de cause devant le juge d'instruction, le 16 juin 1986, n'avaient fait l'objet d'aucune vérification durant plus d'un an, était fondé, au terme d'une détention longue alors de plus de 22 mois, à solliciter sa mise en liberté ; qu'en se bornant à énoncer que le déroulement de l'instruction avait été " considérablement ralenti " par la complexité de l'information, le grand nombre des participants et la réticence de ceux-ci notamment de X..., nonobstant les " diligences " effectuées par le magistrat instructeur, la chambre d'accusation a statué par voie de pure affirmation sans référence concrète aux faits de la cause et aux circonstances de l'instruction et n'a, en toute hypothèse, pas précisé si et en quoi le retard de l'instruction était exclusivement imputable à l'inculpé ; qu'elle n'a ainsi donné aucune base à sa décision au regard de l'article 5-3 de la Convention ;
" alors que, de quatrième part, la nature des incriminations abstraitement retenues à l'égard de l'inculpé ne suffit pas en l'absence de référence concrète aux éléments de l'espèce, à justifier le maintien en détention pour préserver l'ordre public du seul trouble actuellement causé par l'infraction ; que faute d'avoir recherché en quoi la mise en liberté de X... plus de deux ans après son arrestation et alors même qu'il a toujours protesté de son innocence, pourrait encore troubler l'ordre public, la Cour a privé sa décision de base légale ;
" alors que, de cinquième part, la chambre d'accusation s'est exclusivement fondée sur la gravité de la peine encourue pour apprécier le risque de non-représentation de X... sans autrement s'expliquer sur les garanties offertes par l'inculpé ; qu'en se déterminant comme elle l'a fait, la Cour a violé l'article 144-2° du Code de procédure pénale ensemble l'article 5-3 de la Convention européenne de sauvegarde " ;
Sur la deuxième branche :
Attendu que le moyen a déjà été proposé au soutien du pourvoi par X... contre l'arrêt de la chambre d'accusation de la cour d'appel de Versailles du 23 juillet 1987 ; que si le pourvoi a été accueilli et l'arrêt annulé sur un autre moyen, pris d'une contradiction de motifs relatifs à la durée raisonnable de l'information au regard de l'article 5 § 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, la Cour de Cassation a en revanche déclaré que le moyen à nouveau invoqué ne pouvait être examiné à l'occasion d'un recours concernant une demande de mise en liberté ; d'où il suit que le moyen considéré dans sa deuxième branche n'est pas recevable ;
Sur la première branche :
Vu lesdits articles 148 et 148-4 du Code de procédure pénale et l'article 5 § 3 et 4 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Attendu que si, après cassation de l'arrêt d'une chambre d'accusation ayant rejeté une demande de mise en liberté formée en vertu de l'article 148-4 du Code de procédure pénale, la juridiction de renvoi n'est pas tenue de se prononcer dans le délai prévu au dernier alinéa de l'article 148 du même Code, applicable à un autre état de la procédure, il n'en demeure pas moins qu'elle doit le faire dans les meilleurs délais pour satisfaire aux dispositions de l'article 5 § 4 de la Convention précitée qui imposent qu'il soit statué à bref délai sur la légalité de la détention ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que X..., inculpé de vol avec port d'arme, violences avec arme sur des agents de la force publique et détention d'armes et munitions, détenu, a le 8 juillet 1987, formé une demande de mise en liberté adressée directement à la chambre d'accusation de la cour d'appel de Versailles en vertu de l'article 148-4 du Code de procédure pénale ; que cette juridiction a rejeté cette demande par arrêt du 23 juillet 1987 mais que, sur pourvoi de l'inculpé, la Cour de Cassation, par arrêt du 20 octobre 1987, a prononcé l'annulation de la décision précitée et renvoyé la cause et les parties devant la chambre d'accusation de la cour d'appel de Paris ; que cette juridiction a aussi rejeté la demande de mise en liberté par l'arrêt attaqué du 1er mars 1988 ;
Attendu, en cet état, que le demandeur ayant, dans le mémoire régulièrement déposé auprès de la juridiction de renvoi, fait valoir le retard apporté à la saisine de cette dernière, la chambre d'accusation avait, bien que les dispositions du dernier alinéa de l'article 148 du Code de procédure pénale ne soient pas applicables en cet état de la procédure, l'obligation de rechercher si le bref délai imposé par l'article 5 § 4 de la Convention susvisée avait été observé ;
D'où il suit que le moyen doit être accueilli ;
Par ces motifs :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt de la chambre d'accusation de la cour d'appel de Paris, du 1er mars 1988, et pour qu'il soit statué à nouveau conformément à la loi :
RENVOIE la cause et les parties devant la chambre d'accusation de la cour d'appel de Paris, autrement composée.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 88-82743
Date de la décision : 21/06/1988
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

1° CHAMBRE D'ACCUSATION - Détention provisoire - Demande de mise en liberté - Délai imparti pour statuer - Renvoi après cassation - Délai de l'article 148 dernier alinéa du Code de procédure pénale (non).

1° DETENTION PROVISOIRE - Demande de mise en liberté - Chambre d'accusation saisie sur renvoi après cassation - Délai imparti pour statuer - Délai de l'article 148 dernier alinéa du Code de procédure pénale (non).

1° Voir le sommaire suivant.

2° CONVENTION EUROPEENNE DES DROITS DE L'HOMME - Article 5 - 4 - Détention provisoire - Bref délai - Chambre d'accusation - Demande de mise en liberté - Renvoi après cassation.

2° Si, après cassation de l'arrêt d'une chambre d'accusation ayant rejeté une demande de mise en liberté formée en vertu de l'article 148-4 du Code de procédure pénale, la juridiction de renvoi n'est pas tenue de se prononcer dans le délai prévu au dernier alinéa de l'article 148 du même Code applicable à un autre état de la procédure, il n'en demeure pas moins qu'elle doit le faire dans les meilleurs délais pour satisfaire aux dispositions de l'article 5, paragraphe 4, de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales qui imposent qu'il soit statué à bref délai sur la légalité de la détention.


Références :

Code de procédure pénale 148 al. 6
Code de procédure pénale 148-4
Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 04 novembre 1950 art. 5 al. 4

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris (chambre d'accusation), 01 mars 1988

CONFER : (2°). Chambre criminelle, 1985-10-29 , Bulletin criminel 1985, n° 329, p. 845 (rejet), et les arrêts cités.


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 21 jui. 1988, pourvoi n°88-82743, Bull. crim. criminel 1988 N° 282 p. 752
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 1988 N° 282 p. 752

Composition du Tribunal
Président : Président :M. Berthiau, conseiller doyen faisant fonction
Avocat général : Avocat général :M. Galand
Rapporteur ?: Rapporteur :M. Zambeaux
Avocat(s) : Avocat :M. Bouthors

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1988:88.82743
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