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15/06/1988 | FRANCE | N°86-91151

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 15 juin 1988, 86-91151


REJET de la demande formée par :
- le Garde des Sceaux, ministre de la Justice,
tendant à la révision de l'arrêt rendu le 5 juillet 1950 par la cour d'assises de la Gironde qui a condamné X... Raymond et Y... Gabriel chacun à 15 ans de travaux forcés pour homicide volontaire.
LA COUR,
Vu la dépêche du Garde des Sceaux en date du 19 février 1986 ;
Vu la requête du procureur général près la Cour de Cassation en date du 11 mars 1986 ;
Vu le mémoire en intervention produit, et le mémoire déposé au nom de l'agent judiciaire du Trésor ;
Vu les articles 6

22 et suivants du Code de procédure pénale ;
Sur la recevabilité de la demande en révi...

REJET de la demande formée par :
- le Garde des Sceaux, ministre de la Justice,
tendant à la révision de l'arrêt rendu le 5 juillet 1950 par la cour d'assises de la Gironde qui a condamné X... Raymond et Y... Gabriel chacun à 15 ans de travaux forcés pour homicide volontaire.
LA COUR,
Vu la dépêche du Garde des Sceaux en date du 19 février 1986 ;
Vu la requête du procureur général près la Cour de Cassation en date du 11 mars 1986 ;
Vu le mémoire en intervention produit, et le mémoire déposé au nom de l'agent judiciaire du Trésor ;
Vu les articles 622 et suivants du Code de procédure pénale ;
Sur la recevabilité de la demande en révision :
Attendu que la Cour est saisie par son procureur général, en vertu de l'ordre exprès du Garde des Sceaux, ministre de la Justice, agissant après avoir pris l'avis de la commission instituée par l'article 623 du Code de procédure pénale ; que la demande en révision entre dans les prévisions de l'article 622, 4° de ce Code ; qu'enfin l'arrêt dont la révision est demandée est devenu définitif ;
Que la demande est donc recevable en la forme ;
Sur l'état de la procédure :
Attendu que les pièces produites permettent à la Cour de Cassation de statuer en pleine connaissance de cause ; qu'il n'y a, par suite, pas lieu d'ordonner un plus ample informé ni l'apport de pièces supplémentaires ;
Au fond :
Attendu qu'accusés d'avoir, le 29 décembre 1946, sur le territoire de la commune de Saint-Michel-en-Brenne, volontairement donné, avec préméditation, la mort à Louis Z..., Gabriel Y... et Raymond X... ont été, par arrêt de la cour d'assises de l'Indre du 26 juin 1947, déclarés coupables de meurtre et condamnés l'un et l'autre à 15 ans de travaux forcés et 10 ans d'interdiction de séjour ;
Que cette décision ayant été annulée par arrêt de la Cour de Cassation du 22 mai 1948 et la cause et les parties renvoyées devant la cour d'assises de la Vienne, les deux accusés, déclarés à nouveau coupables de meurtre ont, par arrêt de cette Cour du 3 décembre 1948, été condamnés à 20 ans de travaux forcés ;
Qu'après annulation de cette décision par arrêt de la Cour de Cassation du 9 décembre 1949, la cour d'assises de la Gironde, désignée comme juridiction de renvoi a, par arrêt du 5 juillet 1950, condamné à 15 ans de travaux forcés chacun X... et Y..., déclarés pour la troisième fois coupables de meurtre ;
Que c'est de ce dernier arrêt, devenu définitif, aucun pourvoi n'ayant été formé contre lui, que la révision est demandée ;
Attendu que la dépêche du Garde des Sceaux enjoignant au procureur général près la Cour de Cassation de déférer à ladite Cour cette décision sur le fondement de l'article 622, 4° du Code de procédure pénale se réfère aux éléments contenus dans les deux requêtes en révision successivement présentées dans l'intérêt des condamnés ;
Attendu que parmi les faits invoqués à l'appui de ces requêtes, plusieurs étaient connus des juges qui ont rendu l'arrêt critiqué ;
Qu'il en est ainsi :
- du fait, constaté lors de l'enquête préliminaire, que la montre trouvée sur le cadavre de la victime, qui était arrêtée et marquait 5 heures 05 minutes, se soit remise en mouvement lorsqu'elle eut été remontée ;
- du témoignage de Roland A..., entendu devant les trois cours d'assises qui ont jugé les accusés ;
- de celui de Marcel Y..., entendu lors de l'enquête préliminaire, et qui déclare qu'il ne dispose d'aucun élément nouveau ;
Attendu que la constatation, par une expertise ordonnée en 1954 dans une autre procédure, de l'état mental déficient d'un témoin ne saurait constituer un fait nouveau de nature à établir l'innocence des condamnés, non plus que l'ordonnance de non-lieu rendue la même année au profit d'un autre témoin dans une poursuite exercée contre lui pour faux témoignage, dont le dossier n'a pu être retrouvé ;
Attendu, par ailleurs, que les révélations tardives de Juliette B..., qui se contente de rapporter des propos que lui auraient tenus d'autres personnes, sont démenties par celles-ci ; qu'ordonnée dans le but de " vérifier si les déclarations de Juliette B... sont compatibles avec les constatations du rapport d'autopsie ", l'expertise balistique effectuée 36 ans après les faits, sans que les experts, qui n'étaient pas en possession des armes des condamnés, se soient transportés sur les lieux, ne permet aucune conclusion probante ;
Attendu enfin que Fernand C..., qui était à l'époque des faits gendarme à la brigade de Mézières-en-Brenne, se borne à déclarer que, le 29 décembre 1946, jour de la mort de la victime, il a vu " vers 17 heures ", Gabriel Y... descendre, muni de son fusil de chasse, d'une camionnette, sur la place du monument aux morts de Mézières-en-Brenne ;
Que ce témoignage, si l'on peut admettre qu'il était inconnu lors des débats dans la mesure où aucune pièce le consignant ne figure au dossier de la procédure, ne saurait toutefois être considéré comme étant de nature à établir l'innocence des condamnés ;
Qu'en effet, l'heure de la mort de la victime n'ayant jamais été déterminée avec précision, l'arrêt de renvoi indiquant seulement que le décès a dû se produire vers 16 heures 30 minutes, la présence à 17 heures, à la supposer établie, de Y..., qui disposait d'un véhicule automobile, dans une localité distante de quelques kilomètres des lieux du crime, n'établit nullement qu'il n'ait pas participé à celui-ci ;
Attendu qu'il résulte de ce qui précède que certains des éléments de fait invoqués à l'appui de la demande en révision ne sont pas nouveaux, ayant été connus lors des débats devant la cour d'assises et que ceux qui pourraient être tenus pour nouveaux ne sont pas de nature à établir l'innocence des condamnés ;
Attendu qu'il n'appartient pas à la Cour de Cassation de procéder à un nouvel examen des charges sur lesquelles la Cour et le jury ont fondé leur conviction de la culpabilité des condamnés et moins encore de substituer à cet égard son appréciation à celle de la cour d'assises ;
Attendu, en conséquence, que, les conditions exigées par l'article 622 du Code de procédure pénale n'étant pas réunies, la demande de révision ne peut être admise ;
Par ces motifs :
REJETTE la demande de révision.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 86-91151
Date de la décision : 15/06/1988
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

REVISION - Cas - Fait nouveau - Définition - Fait de nature à établir l'innocence du condamné - Nécessité

Une demande en révision n'est admissible, dans le cas prévu par l'article 622-4° du Code de procédure pénale, qu'autant qu'a été rapportée la preuve de l'existence actuelle d'un fait nouveau de nature à établir l'innocence du condamné. Doit donc être rejetée la demande qui invoque des faits dont les uns ne sont pas nouveaux, ayant été connus dès les débats devant la cour d'assises, et dont les autres, dans la mesure où ils pourraient être considérés comme nouveaux, ne sont pas de nature à établir l'innocence du condamné.


Références :

Code de procédure pénale 622 al. 4

Décision attaquée : Cour d'assises de la Gironde, 05 juillet 1950

CONFER : (1°). Chambre criminelle, 1976-10-21 , Bulletin criminel 1976, n° 297, p. 764 (rejet), et les arrêts cités ;

A rapprocher : Chambre criminelle, 1980-10-28 , Bulletin criminel 1980, n° 280, p. 713 (rejet), et les arrêts cités ;

Chambre criminelle, 1982-01-21 , Bulletin criminel 1982, n° 24, p. 57 (irrecevabilité).


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 15 jui. 1988, pourvoi n°86-91151, Bull. crim. criminel 1988 N° 273 p. 731
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 1988 N° 273 p. 731

Composition du Tribunal
Président : Président :M. Ledoux
Avocat général : Avocat général :M. Galand
Rapporteur ?: Rapporteur :M. Angevin
Avocat(s) : Avocats :la SCP Lyon-Caen, Fabiani et Liard, M. Ancel

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1988:86.91151
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