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13/06/1988 | FRANCE | N°87-85255

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 13 juin 1988, 87-85255


REJET du pourvoi formé par :
- X... Joseph,
contre un arrêt de la cour d'appel de Paris, 9e chambre, en date du 25 février 1987, qui, pour infraction à la réglementation des relations financières avec l'étranger, l'a condamné à la peine de 8 mois d'emprisonnement avec sursis ainsi qu'à une amende et une pénalité douanières.
LA COUR,
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le deuxième moyen de cassation pris de la violation des articles 60, 64, 65, 324 et suivants du Code des douanes, 454 du même Code, 3, 4, 5 de l'ordonnance du 30 mai 1945, 5

6, 57, 76 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base ...

REJET du pourvoi formé par :
- X... Joseph,
contre un arrêt de la cour d'appel de Paris, 9e chambre, en date du 25 février 1987, qui, pour infraction à la réglementation des relations financières avec l'étranger, l'a condamné à la peine de 8 mois d'emprisonnement avec sursis ainsi qu'à une amende et une pénalité douanières.
LA COUR,
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le deuxième moyen de cassation pris de la violation des articles 60, 64, 65, 324 et suivants du Code des douanes, 454 du même Code, 3, 4, 5 de l'ordonnance du 30 mai 1945, 56, 57, 76 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a rejeté l'exception tirée de la nullité de certains procès-verbaux établis par les fonctionnaires de l'administration des Douanes ;
" aux motifs, d'une part, qu'il résulte de l'examen du procès-verbal contesté que manifestement celui-ci comporte une erreur de date (20 avril 1980) quant au jour de l'intervention des fonctionnaires des Douanes, qui est celui du 23 avril 1980 ; que cependant, le demandeur ne démontre nullement que cette erreur matérielle lui ait porté préjudice ; que de plus, il ressort de l'examen des énonciations du procès-verbal critiqué que les documents en cause ont été découverts par les agents des douanes lors de la visite des bagages et de la voiture automobile de X... ; que, dès lors les agents ayant opéré par application des dispositions de l'article 60 du Code des douanes, la Cour ne peut qu'écarter l'argumentation de X... sur ce point ;
" que, d'autre part, aux motifs adoptés des premiers juges le 23 avril 1980, une visite domiciliaire a été effectuée, en application des articles 64 et 454 du Code des douanes, dans l'appartement du demandeur à un moment où lui-même se trouvait " retenu " au poste frontière de Prevession où il venait le jour même d'être interpellé ; que divers documents ont été découverts et emportés par les agents des Douanes ; que, notamment, les articles 324 et suivants du Code des douanes n'imposent pas que la saisie à domicile soit effectuée en présence de l'occupant des lieux visités ; que les procès-verbaux de constat doivent, pour être réguliers et ne pas porter préjudice aux droits de la défense, rendre compte des contrôles, enquêtes et interrogatoires des agents des Douanes tels qu'ils se sont déroulés ; que le paragraphe 2 de ce texte ne fait qu'énoncer les précisions qui doivent être données s'il y a lieu dans ces documents ; que ce texte n'impose pas la présence du prévenu lors de ces diverses opérations ; qu'enfin, le Code des douanes ne rend pas obligatoire la présence d'un officier de police judiciaire lors de l'ouverture des scellés constatée par procès-verbal dit de constat ; que cette ouverture a été réalisée régulièrement en présence du demandeur qui a lui-même pu s'assurer que les scellés apposés le 23 avril 1980 étaient encore intacts ;
" alors que, d'une part, si les agents habilités à constater des infractions à la réglementation sur les relations financières avec l'étranger sont autorisés à effectuer des visites domiciliaires dans les conditions prévues par l'article 64 du Code des douanes, aucun texte ne leur étend la faculté, prévue par l'article 60 dudit Code, de procéder à la visite des marchandises, des moyens de transport et des personnes, laquelle ne leur est accordée que " pour l'application des dispositions dudit Code et en vue de la recherche de la fraude " ; qu'en considérant que la visite de la voiture automobile du demandeur et des bagages en vue de la recherche de documents susceptibles de faire la preuve d'infractions à la législation des changes était licite, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
" alors, d'autre part, que si les agents habilités à constater les infractions à la réglementation des changes sont autorisés à effectuer des visites domiciliaires dans les conditions prévues par l'article 64 du Code des douanes, les procès-verbaux de constat doivent répondre aux conditions prévues par les articles 324 et suivants du Code des douanes ; qu'en l'espèce, il est constant que les formalités prévues à peine de nullité par le Code des douanes n'ont pas été respectées ; qu'en effet, le prévenu n'a pas été informé de la saisie, qu'il n'y a pas eu davantage sommation ou affichage, que des documents ont été emportés en vrac, mis globalement dans un carton, sans aucune description ni inventaire, ni identification ; que le procès-verbal de constat dressé le 23 avril 1980 est irrégulier ; que les agents verbalisateurs ont procédé à une véritable substitution du prévenu, en l'absence du prévenu, à son domicile, en présence d'un tiers ; qu'en considérant que les garanties accordées au contrevenant par le Code des douanes ont été respectées, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
" alors enfin que les agents des Douanes sont sans pouvoir pour procéder, en l'absence de l'assentiment recueilli dans les conditions prescrites par l'article 76 du Code de procédure pénale, à une perquisition ou une visite domiciliaire, si ce n'est pour la recherche de marchandises à l'exclusion de tout document ; qu'en l'espèce, il résulte des propres constatations de l'arrêt attaqué que les agents des Douanes ont découvert lors de la perquisition du véhicule et des bagages du demandeur, un certain nombre de documents qu'ils ont saisis ; qu'ils ont procédé, en l'absence du prévenu, à une perquisition à son domicile pour y saisir des documents ; qu'en déclarant à tort que les agents des Douanes ont agi régulièrement les juges du fond ont violé les textes précités " ;
Sur le moyen en ses première et troisième branches :
Attendu qu'il ne résulte ni des mentions de l'arrêt attaqué, ni de celles du jugement, ni d'aucunes conclusions régulièrement déposées que le prévenu ait invoqué devant les premiers juges, avant toute défense au fond, les exceptions, reprises au moyen, tendant à la nullité des procès-verbaux de Douanes du 23 avril 1980 et tirée, d'une part, d'une prétendue non-habilitation des agents des Douanes à opérer la visite des moyens de transport et des bagages en matière de législation sur les changes et, d'autre part, d'une prétendue irrégularité des opérations de visite douanière effectuées sans avoir recueilli l'assentiment de l'intéressé dans les conditions prescrites par l'article 76 du Code de procédure pénale ;
Qu'il s'ensuit que, bien que la cour d'appel ait cru devoir répondre à la dernière de ces exceptions de nullité de procédure, alors qu'elle n'était pas tenue de le faire s'agissant d'une exception proposée pour la première fois devant elle, le moyen qui se borne, en ses première et troisième branches, à présenter lesdites exceptions devant la Cour de Cassation, est irrecevable en vertu des dispositions de l'article 385 du Code de procédure pénale ;
Sur la deuxième branche du moyen :
Attendu que pour écarter l'exception reprise à la deuxième branche du moyen, tendant à la nullité du procès-verbal des Douanes du 23 avril 1980 et tirée d'une prétendue méconnaissance des formalités prévues par les articles 324 et suivants du Code des douanes, les juges du fond, après avoir noté que la visite au domicile de X... et la saisie subséquente avaient été effectuées par les agents douaniers en présence notamment d'un officier de police judiciaire, relèvent que tout procès-verbal dit de " visite domiciliaire " doit relater les opérations telles qu'elles se sont déroulées ; que si l'article 325 du Code des douanes prescrit certaines énonciations, en particulier, dans l'hypothèse où le prévenu assiste à la visite domiciliaire, la mention de sa présence lors de la description des objets saisis ou de la sommation qui lui a été faite d'y assister, les dispositions du Code des douanes n'imposent pas que la saisie à domicile soit effectuée en présence de l'occupant des lieux visités ; que s'agissant de la saisie des documents, le prévenu a reconnu que leur mise sous scellés avait été effectuée en présence de l'officier de police judiciaire assistant aux opérations et que l'ouverture des scellés s'était faite en sa présence le 25 septembre 1980 ; que les juges en déduisent que les garanties accordées aux contrevenants par le Code des douanes ont bien été respectées et que le procès-verbal critiqué est régulier ;
Attendu qu'en prononçant ainsi, la cour d'appel, loin de méconnaître les textes visés à la deuxième branche du moyen, en a fait au contraire l'exacte application ;
Que, dès lors, le moyen ne saurait être accueilli ;
Sur le troisième moyen de cassation (sans intérêts) ;
Sur le premier moyen de cassation pris de la violation des articles 451 à 459 du Code des douanes, du décret n° 68-1021 du 24 novembre 1968, 24- II de la loi du 8 juillet 1987, 4 du Code pénal, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré X... coupable d'infraction à la législation et à la réglementation des relations financières avec l'étranger ;
" aux motifs adoptés des premiers juges que les documents saisis sur X... font état de manipulations de capitaux importants ; que l'agenda du demandeur mentionne diverses positions du compte bancaire suisse " 8 97-40- S " ; que la dernière datée du 21 avril 1980 est de 1 032 000 francs français et la précédente du 18 août 1980, de 416 993 francs suisses ; que sont, en outre, mentionnées des remises de 145 000 francs ou 150 000 francs français en janvier 1980 et 116 100 francs français en avril 1980 ; que le demandeur n'a pu donner aucune explication satisfaisante au cours de l'instruction concernant les nombreuses mentions portées de sa main sur son agenda et en particulier ses relations avec David Y... et la banque genevoise Ferrier-Lullin ; que l'information n'a pas permis de découvrir l'origine de l'essentiel des capitaux dont X... a disposé ; qu'il résulte de l'ensemble des éléments graves, précis et concordants, la preuve, en dépit des dénégations du demandeur, qu'entre avril 1978 et avril 1980, celui-ci a effectué des transferts tendant à la constitution d'avoirs à l'étranger et a ainsi contrevenu à la législation et à la réglementation des changes ;
" alors qu'en l'absence de prévisions contraires expresses, une loi nouvelle qui comporte des dispositions pénales ou cambiaires plus douces s'applique aux faits commis avant son entrée en vigueur et non définitivement jugés ; qu'en l'espèce, l'article 24- II de la loi n° 87-502 du 8 juillet 1987 institue pour la constitution ou la détention d'avoirs à l'étranger, délit continu, une assiette plus restreinte des avoirs considérés comme irrégulièrement transférés ou détenus hors du territoire national, élément matériel de l'infraction servant de base aux poursuites et au calcul des pénalités ; que, dès lors, l'arrêt attaqué manque de base légale et doit être annulé " ;
Attendu que par l'arrêt attaqué, et au vu de procès-verbaux dressés le 23 avril 1980, base des poursuites, la cour d'appel a condamné Joseph X... pour avoir, étant résident français, effectué, sans autorisation, d'avril 1978 à avril 1980, des transferts de fonds tendant à la constitution d'avoirs à l'étranger pour un montant total de 1 032 000 francs français, en application des articles 451 à 459 du Code des douanes, de la loi n° 66-1008 du 22 décembre 1966 et des textes subséquents, notamment l'article 101 de la loi de finances n° 81-1160 du 30 décembre 1981 ;
Attendu que l'article 101 de la loi précitée ayant été abrogé par l'article 24- I de la loi n° 87-502 du 8 juillet 1987, l'article 24- II de la même loi a cependant maintenu l'obligation pour les résidents français continuant de détenir des avoirs à l'étranger après le 31 janvier 1987 ou qui en constituent après cette date, de justifier, sous les sanctions de l'article 459 du Code des douanes, de leur origine régulière au regard de la réglementation des changes ; que ledit article 24- II n'exige désormais une telle justification que pour les avoirs constitués et détenus à l'étranger pendant le délai de dix ans qui précède la vérification administrative ;
Attendu que s'il est vrai que la législation nouvelle a ainsi institué, au regard de l'incrimination litigieuse, une assiette plus restrictive des avoirs considérés comme irrégulièrement transférés ou détenus hors du territoire national, élément matériel de l'infraction servant de base aux poursuites et aux calculs des pénalités, ces dispositions nouvelles plus douces ne visent que les avoirs constitués ou détenus à l'étranger au-delà du délai de dix ans précédant le jour du contrôle ; que tel n'est pas le cas en l'espèce, les faits incriminés, commis d'avril 1978 à avril 1980 et contrôlés en avril 1980, demeurant punissables au regard de la nouvelle loi ;
Que, dès lors, le moyen ne saurait être accueilli ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 87-85255
Date de la décision : 13/06/1988
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

1° CHANGES - Constatation des infractions - Agents habilités - Agents des Douanes - Pouvoirs - Pouvoir de perquisition et de saisie - Visite domiciliaire - Saisie - Présence de l'occupant des lieux - Nécessité (non).

1° Aucune disposition du Code des douanes n'impose que la saisie douanière à domicile soit effectuée en présence de l'occupant des lieux visités. Dès lors, justifie légalement sa décision une cour d'appel qui déclare régulière une saisie douanière à domicile opérée en l'absence du maître des lieux en relevant notamment qu'en l'espèce les agents des Douanes se sont présentés au domicile de l'intéressé accompagnés d'un officier de police judiciaire, que la saisie et la mise sous scellés de documents se sont effectuées en la présence constante de cet officier de police judiciaire et que l'ouverture des scellés s'est faite ultérieurement en présence du contrevenant

2° CHANGES - Relations financières avec l'étranger - Infraction à la législation - Constitution ou détention irrégulière d'avoirs à l'étranger - Loi du 8 juillet 1987 modifiant les procédures fiscales et douanières - Application dans le temps - Loi plus douce - Loi modifiant l'élément matériel d'une infraction - Effet - Limites.

2° Voir le sommaire suivant.

3° LOIS ET REGLEMENTS - Réglementation cambiaire - Rétroactivité - Loi plus douce - Loi modifiant l'élément matériel d'une infraction - Effet - Limites.

3° S'il est vrai que la loi n° 87-502 du 8 juillet 1987 a institué en son article 24-II, pour la constitution ou la détention irrégulière d'avoirs à l'étranger, une assiette plus restreinte des avoirs considérés comme irrégulièrement transférés ou détenus hors du territoire national, élément matériel servant de base aux poursuites et au calcul des pénalités cambiaires, ces dispositions nouvelles plus douces ne visent que les avoirs constitués ou détenus à l'étranger au-delà du délai de 10 ans précédant le jour du contrôle ; il s'ensuit qu'une condamnation du chef de cette infraction cambiaire pour des faits, selon les termes du procès-verbal des Douanes, base de la poursuite, commis d'avril 1978 à avril 1980 et contrôlés en avril 1980, est justifiée tant au regard des textes alors applicables qu'à celui des dispositions de la loi du 8 juillet 1987.


Références :

Code des douanes 451, 459
Code des douanes 64, 324, 325
Loi 81-1160 du 30 décembre 1981 art. 101
Loi 87-502 du 08 juillet 1987 art. 24 al. 2

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 25 février 1987

CONFER : (3°). A rapprocher : Chambre criminelle, 1987-11-16 , Bulletin criminel 1987, n° 406, p. 1069 (annulation partielle).


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 13 jui. 1988, pourvoi n°87-85255, Bull. crim. criminel 1988 N° 267 p. 709
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 1988 N° 267 p. 709

Composition du Tribunal
Président : Président :M. Ledoux
Avocat général : Avocat général :M. Lecocq
Rapporteur ?: Rapporteur :M. Bayet
Avocat(s) : Avocats :M. Choucroy, la SCP Boré et Xavier

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1988:87.85255
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