CASSATION sur le pourvoi formé par :
- X... Franky,
contre un arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, 5e chambre, en date du 25 février 1987 qui, dans des poursuites suivies contre lui du chef d'infraction au Code de l'urbanisme, l'a condamné à 2 000 francs d'amende et a ordonné, au-delà du dixième véhicule, l'enlèvement des voitures se trouvant dans le dépôt irrégulièrement exploité.
LA COUR,
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation de l'article 4 du Code pénal, 2 du Code civil, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a condamné le requérant pour infraction au Code de l'urbanisme, interdisant les dépôts de véhicules lorsqu'ils sont susceptibles de contenir au moins dix unités ;
" aux motifs que le prévenu est mal fondé à invoquer un droit acquis ou à se prévaloir du principe de la non-rétroactivité de la loi pénale, dès lors que l'infraction incriminée constitue un délit continu, qui se renouvelle chaque fois que sont stationnés sur le terrain litigieux plus de dix véhicules automobiles ;
" alors que la Cour, qui constate par ailleurs que le texte réglementant le stationnement de véhicules est très postérieur à l'utilisation du jardin de la propriété du requérant, dans les conditions aujourd'hui à lui reprochées, ne pouvait se fonder sur la notion de " délit continu " pour sanctionner un fait qui, au départ n'était pas délictueux et ne pouvait donc plus le devenir en vertu du principe de la non-rétroactivité de la loi " ;
Vu lesdits articles ;
Attendu que le juge ne peut prononcer condamnation pour des faits qui n'étaient pas punissables lorsqu'ils ont été commis ;
Attendu que tout jugement ou arrêt doit être motivé ; que l'insuffisance des motifs équivaut à leur absence ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que Franky X... qui exploite depuis 1970 dans une commune dotée d'un plan d'occupation des sols un garage et un commerce de voitures d'occasion, utilise depuis lors le jardin de sa maison d'habitation pour y entreposer des véhicules ; qu'une enquête a révélé en 1982 la présence dans ce jardin de trente automobiles ; que X... a été poursuivi en application de l'article R. 442-2 du Code de l'urbanisme pour ne pas avoir demandé l'autorisation exigée par ce texte pour la réalisation d'installations ou de travaux concernant l'utilisation d'un terrain pour un dépôt de véhicules susceptible de contenir au moins dix unités ;
Attendu que pour confirmer la décision des premiers juges sur la culpabilité et pour rejeter l'argumentation du prévenu qui observait que les dispositions de l'article R. 442-2 précité, avaient été introduites dans le Code de l'urbanisme par le décret du 7 juillet 1977, c'est-à -dire après la création de son dépôt, et ne lui étaient en conséquence pas applicables, la juridiction du second degré énonce " que le prévenu est mal fondé à invoquer un droit acquis ou à se prévaloir de la non-rétroactivité de la loi pénale dès lors que l'infraction... constitue un délit continu qui se renouvelle chaque fois que sont stationnés sur le terrain litigieux plus de dix véhicules automobiles " ;
Mais attendu qu'aucune disposition du Code de l'urbanisme n'impose la nécessité d'une autorisation au propriétaire du terrain ou à toute personne en ayant la jouissance qui, avant l'entrée en vigueur du décret du 7 juillet 1977, avait déjà utilisé le terrain pour l'installation d'un dépôt de voitures ; qu'une infraction aux dispositions dudit décret n'aurait pu être reprochée à X... que si, après leur mise en vigueur, celui-ci avait modifié son installation et réalisé des travaux ;
Qu'en se déterminant comme elle l'a fait sans rechercher si le prévenu avait procédé à de telles modification et réalisation, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Par ces motifs :
CASSE ET ANNULE l'arrêt du 25 février 1987 de la cour d'appel d'Aix-en-Provence en toutes ses dispositions, et pour qu'il soit à nouveau jugé conformément à la loi :
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Nîmes.