Attendu, selon les énonciations des juges du fond, que Guy de Glos est décédé le 11 juin 1971 laissant Mme Marie-Françoise de Y... son épouse contractuellement séparée de biens et légataire de l'usufruit de la totalité des biens composant sa succession et les quatre filles issues de son mariage, Sabine, épouse A..., Alixe, épouse B... de Saint-Just, Isabelle, épouse Pineau et Stéphanie, épouse Danzel d'Aumont ; qu'il dépend de sa succession notamment un domaine agricole comprenant une propriété à usage d'habitation dénommée " Château d'Hornoy ", des bois, des bâtiments d'habitation et d'exploitation et de nombreuses parcelles de terre ; que par acte notarié du 2 novembre 1974, Mme veuve de Glos et ses quatre filles ont constitué un groupement foncier agricole, GFA dénommé " du Château d'Hornoy " auquel elles ont apporté ce domaine agricole, Mme veuve de Glos étant nommée gérante statutaire ; qu'en outre, cette dernière, agissant en qualité de mandataire de ses filles, a vendu entre 1973 et 1978 divers biens, meubles et immeubles dépendant de la succession de son mari ; qu'en 1981, Mme A... a assigné sa mère et ses trois soeurs pour faire prononcer la nullité de l'acte constitutif du groupement foncier agricole du Château d'Hornoy, ordonner les opérations de liquidation et de partage de la succession de son père, la conversion de l'usufruit de sa mère en rente viagère et la reddition de son compte de gestion ; que l'arrêt confirmatif attaqué (Amiens, 11 avril 1986) a débouté Mme A... de toutes ses demandes, à l'exception de celle en reddition de compte sur le mérite de laquelle il a ordonné une mesure d'instruction ;
Sur le premier moyen du pourvoi principal, pris en ses deux branches :
Attendu que Mme A... reproche à la cour d'appel d'avoir déclaré irrecevable sa demande en nullité du GFA du Château d'Hornoy, aux motifs que l'assignation n'avait pas été publiée conformément aux dispositions des articles 28 et 30-5 du décret du 4 janvier 1955 et que la demande était atteinte par la prescription quinquennale de l'article 1304 du Code civil, alors que, d'une part, l'exception tirée du défaut de publication de l'assignation ne pouvait, selon le moyen, être opposée pour la première fois en cause d'appel et alors que, d'autre part, la juridiction du second degré n'aurait pas répondu aux conclusions de Mme A... faisant valoir que l'acte constitutif du GFA, qui consacrait l'apport de biens non agricoles d'une valeur supérieure à celle des biens agricoles, était atteint d'une nullité d'ordre public de nature à écarter l'application de la prescription de cinq ans ;
Mais attendu que le défaut de publication d'une demande tendant à l'annulation de droits résultant d'actes soumis à publicité constitue une fin de non-recevoir qui, suivant l'article 123 du nouveau Code de procédure civile, peut être proposée en tout état de cause ; que la cour d'appel, qui n'avait pas dès lors l'obligation de statuer sur la prescription, a légalement justifié sa décision sur ce point ; que le moyen ne peut être accueilli en aucune de ses branches ;
Sur le second moyen du pourvoi principal, pris en ses deux branches :
Attendu que Mme A... reproche encore à l'arrêt attaqué de l'avoir déboutée de sa demande en conversion de l'usufruit de sa mère en rente viagère au motif que par son comportement lors de la constitution du GFA, elle avait renoncé implicitement mais de façon certaine à sa demande de conversion, alors que, d'une part, la renonciation à un droit ne se présume pas et doit résulter d'une attitude radicalement incompatible avec le maintien du droit qui en fait l'objet et qu'en l'espèce, la mise en oeuvre de la volonté du de cujus par la création d'un GFA n'était nullement incompatible avec l'exercice par l'un des héritiers de la faculté de conversion de l'usufruit et alors que, d'autre part, cette faculté pouvant s'exercer à tout moment et même après un partage partiel, la cour d'appel aurait violé l'article 1094 du Code civil, dans sa rédaction antérieure à la loi du 3 janvier 1972, en décidant qu'elle ne pouvait plus être exercée après la constitution du GFA qui avait réalisé un partage partiel ;
Mais attendu que la juridiction du second degré a constaté, tant par motifs propres qu'adoptés, que lors de la constitution en décembre 1974 du GFA, qui consacrait la mise en oeuvre de la volonté du défunt, Mme A... avait expressément accepté que sa mère exerce sur ses parts du GFA l'usufruit qui lui avait été consenti par le défunt ; qu'elle a pu déduire de ces constatations que Mme A... avait implicitement mais de façon certaine renoncé à demander la conversion de l'usufruit litigieux ; que l'arrêt est légalement justifié et que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
Sur le moyen unique du pourvoi incident :
Attendu que Mme de Glos, Mme B... de Saint-Just, Mme Z... et Mme X... reprochent à l'arrêt attaqué d'avoir dit que Mme de Glos ne pouvait pas soumettre à un quasi-usufruit le produit des ventes d'immeubles successoraux qu'elle avait réalisées et qu'elle n'avait droit sur ces sommes qu'à la valeur correspondant à son usufruit et d'avoir ordonné une expertise comptable pour établir le compte qu'elle doit aux héritiers, alors que l'usufruit qu'elle tient du testament de son défunt mari lui donne le droit de disposer de tous les deniers se trouvant dans la masse partageable y compris, selon le moyen, ceux qui y sont entrés par l'effet des ventes qu'elle a effectuées ; qu'en statuant comme elle a fait la cour d'appel aurait violé l'article 587 du Code civil ;
Mais attendu que l'usufruit ne revêt la forme d'un quasi-usufruit que lorsqu'il porte sur les deniers qui existaient dans la succession au jour du décès et non lorsqu'il s'exerce sur d'autres biens qui ne sont pas consomptibles par le premier usage et que dans le cas de vente simultanée de la nue-propriété et de l'usufruit de tels biens, l'usufruitier ne peut prétendre qu'à la part du prix total correspondant à la valeur de son usufruit ; qu'en énonçant qu'une telle ventilation devait être faite dans le prix des immeubles vendus par Mme de Glos, les juges du fond ont légalement justifié leur décision ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi principal et le pourvoi incident