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06/06/1988 | FRANCE | N°87-83913

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 06 juin 1988, 87-83913


CASSATION sur le pourvoi formé par :
- X... Françoise, épouse Y...,
contre un arrêt de la cour d'appel de Reims, chambre correctionnelle, en date du 17 avril 1987 qui, pour abus de blanc-seing et escroquerie, l'a condamnée à 18 mois d'emprisonnement avec sursis et 5 000 francs d'amende et s'est prononcé sur les intérêts civils.
LA COUR,
Vu le mémoire produit ;
Sur les faits ;
Attendu que de l'arrêt attaqué, et du jugement qu'il confirme quant à la relation des faits de la cause, il résulte que Joseph Z... décédé le 30 janvier 1982 a laissé pour lui succ

éder sa fille Françoise X..., épouse Y..., ainsi que veuve Anne A..., en qualité de...

CASSATION sur le pourvoi formé par :
- X... Françoise, épouse Y...,
contre un arrêt de la cour d'appel de Reims, chambre correctionnelle, en date du 17 avril 1987 qui, pour abus de blanc-seing et escroquerie, l'a condamnée à 18 mois d'emprisonnement avec sursis et 5 000 francs d'amende et s'est prononcé sur les intérêts civils.
LA COUR,
Vu le mémoire produit ;
Sur les faits ;
Attendu que de l'arrêt attaqué, et du jugement qu'il confirme quant à la relation des faits de la cause, il résulte que Joseph Z... décédé le 30 janvier 1982 a laissé pour lui succéder sa fille Françoise X..., épouse Y..., ainsi que veuve Anne A..., en qualité de légataires universelles aux termes d'un testament du 10 mars 1973 non contesté ; qu'après ce décès, il a été découvert dans un coffre au nom du de cujus un chèque tiré d'un chéquier ayant été utilisé en 1976 et 1977 par Anne A..., chèque apparemment libellé et signé par la titulaire du compte, daté du 20 janvier 1982 et d'un montant de 550 750 francs dont la bénéficiaire était Françoise Y... ; qu'à la suite de cette découverte et après consultation de leurs avocats respectifs une transaction notariée est intervenue le 15 janvier 1983 entre la signataire et la bénéficiaire de ce moyen de paiement aux termes de laquelle convention il était décidé qu'Anne A... renonçait à son legs testamentaire, moyennant attribution en sa faveur de divers biens mobiliers appartenant au défunt, d'une parcelle de terre, et le paiement par la fille du défunt des droits dus par Anne A..., lesquels s'élevaient à 113 619 francs ; qu'à la suite de cet acte notarié, le notaire instrumentaire, avec l'accord des deux parties, a brûlé l'original du chèque litigieux ;
Que, le 29 janvier 1984, Anne A... qui détenait une photocopie de ce titre de paiement arguait de ce qu'il constituait un faux et soutenait qu'elle avait été victime d'une machination ; que sur sa plainte avec constitution de partie civile, le magistrat instructeur a saisi des experts en écriture, puis des contre-experts ; que l'ensemble de ceux-ci ont conclu que le document contesté avait bien été signé par Anne A..., titulaire du chéquier sur lequel il avait été émis, mais que son libellé n'était pas de sa main, le scripteur vraisemblable de cette partie du chèque étant Françoise Y... ;
Que cette dernière, à l'issue de l'information a été renvoyée devant le tribunal correctionnel sous la double inculpation d'abus de blanc-seing et d'extorsion de signature ayant provoqué renonciation au legs par la victime de ce second délit ; que de ce double chef, Françoise Y... a été condamnée par les premiers juges ;
Que toutes les parties au procès ayant fait appel, la Cour a maintenu le principe de la culpabilité de la prévenue, déclaré que le chèque daté du 20 janvier 1982 avait été remis à Françoise Y... par " son propre père Joseph Z..., alors gravement malade ", et, pour ce qui est de l'extorsion de signature a requalifié les poursuites en escroquerie, l'usage dudit chèque par Françoise Y... constituant, selon les juges du second degré, la manoeuvre frauduleuse génératrice de la renonciation notariée par Anne A... au legs universel dont elle bénéficiait ;
En cet état :
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 405, 407 du Code pénal, 485, 593 du Code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale ;
" en ce que la cour d'appel a déclaré Mme Y... coupable du délit d'abus de blanc-seing ;
" aux motifs que les premiers experts ont conclu que les cinq premières lignes manuscrites du chèque sont de la main de la prévenue, que les seconds experts ont conclu qu'il est " des plus probables " que le chèque ait été libellé par Françoise Y... et que la signature est celle d'Anne A... ; que la prévenue n'a jamais prétendu que la somme de 550 750 francs lui avait été remise à titre onéreux c'est-à-dire qu'il existait une contrepartie contractuelle ou une indemnisation quelconque ; qu'on doit en déduire que pour elle il s'agissait d'une libéralité ; qu'il n'est pas vraisemblable que recevant de son père gravement malade un chèque d'un tel montant, Françoise Y... n'ait pas immédiatement pris contact avec Anne A... ; qu'il n'est pas plus vraisemblable que cette dernière ait décidé d'émettre un chèque totalement disproportionné à ses ressources et sans doute dépourvu de provision et ce pour gratifier, sans raison particulière, la fille de son concubin ; qu'en définitive la culpabilité de la prévenue doit être retenue ;
" alors que l'abus de blanc-seing suppose que la signature en blanc ait été confiée en vue d'une inscription convenue qui n'est pas respectée ; qu'en l'espèce, la cour d'appel ne pouvait déclaré Mme Y... coupable du délit sans constater que le chèque litigieux dont il n'était pas contesté que la signature émanait de Mme A... avait été confié par cette dernière à la prévenue dans un but qui n'aurait pas été respecté ; qu'ainsi la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision " ;
Vu lesdits articles ;
Attendu que les juges, pour déclarer un prévenu coupable du délit qui lui est imputé doivent établir à son encontre les éléments constitutifs de l'infraction retenue à charge contre lui ;
Attendu que pour condamner la prévenu du chef d'abus de blanc-seing, les juges du second degré se bornent à relever que le chèque de 550 750 francs signé par Anne A... avait été remis à Françoise Y... non par Anne A... mais par Joseph Z..., quelques jours avant son décès ;
Attendu, qu'en prononçant ainsi et alors que l'article 407, alinéa 2, du Code pénal spécifie que l'infraction commise dans ces circonstances constitue le délit de faux, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
Que, dès lors, l'arrêt attaqué encourt la cassation ;
Et attendu qu'en raison de l'indivisibilité entre les déclarations de culpabilité et la peine prononcée, la cassation doit être totale ;
Par ces motifs, et sans avoir à examiner le second moyen proposé :
CASSE ET ANNULE en toutes ses dispositions l'arrêt de la cour d'appel de Reims en date du 17 avril 1987,
Et pour être jugé à nouveau conformément à la loi :
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel d'Amiens.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 87-83913
Date de la décision : 06/06/1988
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

1° ABUS DE BLANC-SEING - Définition - Distinction avec le faux - Blanc-seing non confié mais remis par un tiers.

1° FAUX - Usage de faux - Blanc-seing remis par un tiers.

1° Voir le sommaire suivant.

2° CASSATION - Cassation totale - Peines - Fausse application - Indivisibilité entre la déclaration de culpabilité et les peines.

2° Lorsque le blanc-seing n'a pas été confié par la victime de l'abus qui en fut fait à l'auteur des mentions abusives portées sur le document, mais a été remis à l'auteur de ces mentions par un tiers, l'infraction perpétrée est un faux, comme le spécifie l'alinéa 2 de l'article 407 du Code pénal. Dès lors que la condamnation prononcée et les dommages-intérêts alloués l'ont été sur le fondement d'une double culpabilité des chefs d'abus de blanc-seing et d'escroquerie, la cassation sanctionnant la reconnaissance de culpabilité par rapport à la première infraction doit s'étendre à l'ensemble de la poursuite, en raison de l'indivisibilité entre la déclaration de culpabilité globale, la peine prononcée, et les réparations civiles accordées.


Références :

Code pénal 407 al. 2

Décision attaquée : Cour d'appel de Reims (chambre correctionnelle), 17 avril 1987

CONFER : (2°). A comparer : Chambre criminelle, 1969-01-04 , Bulletin criminel 1969, n° 2, p. 3 (rejet).


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 06 jui. 1988, pourvoi n°87-83913, Bull. crim. criminel 1988 N° 247 p. 652
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 1988 N° 247 p. 652

Composition du Tribunal
Président : Président :M. Ledoux
Avocat général : Avocat général :M. Robert
Rapporteur ?: Rapporteur :M. Tacchella
Avocat(s) : Avocat :M. Rouvière

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1988:87.83913
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