REJET et IRRECEVABILITE des pourvois formés par :
1°) X... Christian,
2°) L'Académie des Beaux-Arts, partie civile,
contre un arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, 5e chambre, en date du 19 juin 1986 qui, dans des poursuites suivies contre Christian X..., Jean-Paul Y..., Yvan Z... et Arthur A... pour recel de vol, a condamné notamment X... de ce chef à 2 ans d'emprisonnement dont 18 mois avec sursis et 600 000 francs d'amende et a déclaré irrecevable la constitution de partie civile de l'Académie des Beaux-Arts.
LA COUR,
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
I-Sur le pourvoi de Christian X... (sans intérêt) ;
II-Sur le pourvoi de l'Académie des Beaux Arts ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 2 et 3, 485, 512 et 593 du Code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale :
" en ce que la cour d'appel a déclaré irrecevable l'action civile de l'Académie des Beaux Arts ;
" aux motifs que l'Académie des Beaux-Arts devenue propriétaire des tableaux énumérés dans l'acte de donation du 25 juillet 1985 subit un préjudice qui ne résulte pas directement des vols et recels commis antérieurement mais bien de l'acte par lequel elle est devenue cessionnaire du droit de propriété sur ces tableaux ; si les vols et recels sanctionnés par les juges répressifs sont à l'origine du préjudice ils n'en sont pas la cause directe, ce qui fait obstacle à toute demande d'indemnisation accessoirement à l'action publique qu'il y a donc lieu d'infirmer le jugement déféré en ce qu'il a déclaré recevable la constitution de partie civile de l'Académie des Beaux-Arts contre les quatre prévenus appelants (arrêt p. 36) ;
" alors que 1°) l'appréciation de l'existence et de l'étendue du dommage se fait au jour où le juge statue ; qu'il suffit donc que le préjudice existe et soit directement lié à l'infraction au jour du jugement pour que l'action civile-distincte de la constitution de partie civile-soit recevable et fondée ; qu'en l'espèce, il résulte des propres constatations de fait de l'arrêt attaqué que l'Académie des Beaux Arts a acquis la collection de tableaux de Mme B..., antérieurement au jour où le Tribunal a statué ; que dès lors en déclarant irrecevable l'action civile de la demanderesse aux motifs qu'elle ne subirait pas un préjudice direct des infractions commises antérieurement à la date de l'acte par lequel elle est devenue propriétaire desdits tableaux, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
" alors que 2°) au surplus, la cession du droit de propriété par voie de donation entraînait nécessairement cession du droit d'obtenir réparation du préjudice causé par l'infraction, et subrogation dans les droits du donateur, rendant recevable l'action civile du donataire ; qu'en décidant le contraire la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
" alors que 3°) au surplus, dans ses conclusions d'appel (p. 3), l'Académie des Beaux Arts avait fait valoir qu'il était démontré par une lettre du 10 septembre 1983, que Mlle B... lui avait fait don des oeuvres litigieuses et que ce don manuel, exclusif de tout formalisme, n'avait pu s'accompagner à l'époque de la remise matérielle en raison de la force majeure constituée par la disparition des toiles volées ; qu'ainsi la demanderesse avait démontré que son droit sur ces dernières remontait au 10 septembre 1983, au moment de la perpétration des infractions, ce qui justifiait, en tout état de cause, la recevabilité de sa constitution de partie civile ; qu'en décidant le contraire, sans répondre à ce moyen, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des textes susvisés " ;
Attendu que pour déclarer irrecevable la constitution de partie civile de l'Académie des Beaux-Arts en sa qualité de donataire de la collection B..., dont faisaient partie les tableaux dérobés et recelés par les prévenus, l'arrêt attaqué relève que la donation a été réalisée par acte notarié du 25 juillet 1985 et acceptée par acte du 28 octobre 1985, postérieurement aux faits délictueux perpétrés en 1983 et 1984 ; que la lettre adressée le 10 septembre 1983 par Nelly B... à l'Académie des Beaux Arts aux termes de laquelle elle faisait donation à cette dernière de sa " collection de tableaux " n'a aucune valeur juridique ;
Que les juges énoncent que " la détermination tant de l'auteur de l'infraction que des victimes, doit s'effectuer par référence à la date de la commission des faits ; que l'Académie des Beaux Arts n'étant devenue propriétaire des tableaux qu'à la date de l'acceptation de la donation qui les désignait, subit un préjudice qui ne résulte pas directement des vols et recels commis antérieurement mais découle de l'acte par lequel elle est devenue cessionnaire du droit de propriété sur lesdits tableaux " ;
Attendu qu'en statuant ainsi, et alors que le don manuel ne s'opère que par la tradition matérielle de la chose donnée, la cour d'appel a fait l'exacte application des textes visés au moyen ; qu'en effet le dommage directement causé par la soustraction frauduleuse d'une chose ou le recel de la chose volée affecte exclusivement le titulaire du droit de propriété sur cette chose à la date des faits de vol et de recel ; que le transfert ultérieur de ce droit par son détenteur, s'il confère au cessionnaire des actions en revendication et en réparation du préjudice subi par lui, ne comporte pas l'exercice devant la juridiction répressive de l'action civile réservée à la seule victime de l'infraction ; d'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;
Et attendu que la constitution de partie civile, ayant été à bon droit déclarée irrecevable, le pourvoi l'est également ;
Par ces motifs :
1) Sur le pourvoi de Christian X... :
REJETTE le pourvoi ;
2) Sur le pourvoi de l'Académie des Beaux Arts :
DECLARE le pourvoi IRRECEVABLE.