CASSATION PARTIELLE sur le pourvoi formé par :
- X... Jean, partie civile,
- la caisse d'assurances mutuelles agricoles de la Dordogne, partie intervenante,
contre un arrêt de la cour d'appel de Bordeaux, chambre correctionnelle, en date du 26 juin 1986 qui, dans des poursuites exercées contre Y... pour blessures involontaires et contravention au Code de la route, les a déboutés de leurs demandes.
LA COUR,
Vu le mémoire produit, commun aux demandeurs ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 2 et 3 du Code de procédure pénale, article 593 du même Code, défaut de motifs, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué déboute les parties civiles demanderesses de leur demande ;
" aux motifs adoptés que X... a demandé la réparation du préjudice consécutif à l'accident ; que le Tribunal n'étant pas saisi de blessures involontaires à son égard, sa demande est irrecevable, comme celle de la CRAMA relative aux frais exposés pour son compte ; que la demande de ce même assureur, relative aux frais déboursés pour le compte de la victime A..., est également irrecevable, celui-ci ne s'étant pas constitué partie civile ;
" alors que la caisse d'assurances, agissant comme subrogée dans les droits de ses assurés, demandait réparation des dommages matériels causés à ces derniers et découlant directement de la contravention au Code de la route retenue à l'encontre du prévenu ; que, par suite, en déclarant l'action civile irrecevable tant en ce qu'elle tendait à la réparation des dommages matériels subis par l'assuré, qui s'était lui-même constitué partie civile, qu'en tant qu'elle tendait à la réparation des dommages subis par l'assuré qui ne s'était pas constitué partie civile, la cour d'appel a violé les textes susvisés " ;
Vu lesdits articles, ensemble l'article 388-1 du Code de procédure pénale ;
Attendu qu'il résulte de ce dernier texte qu'en cas de poursuites exercées du chef d'homicide ou de blessures involontaires l'assureur de toute personne ayant subi un dommage quelconque à l'occasion de cette infraction est recevable, après avoir indemnisé l'assuré et dans la mesure de cette indemnisation, à intervenir à l'instance pour demander le remboursement des sommes versées ; qu'en outre, l'intervention de l'assureur de la victime est recevable dès lors que cette dernière aurait été elle-même recevable à exercer l'action civile si elle n'avait pas été indemnisée en vertu du contrat d'assurance ;
Attendu qu'il ressort de l'arrêt attaqué que la voiture de Y..., dans laquelle avait pris place Malika Z..., s'est, dans un virage, déportée vers la gauche et a heurté l'automobile de X... qui venait en sens inverse ; que celui-ci a serré sur sa droite et que son véhicule est entré en collision avec la voiture circulant sur la file de droite, dans le même sens, conduite par son propriétaire Jean-Jacques A..., ayant son fils Laurent pour passager ; que Malika Z..., Laurent A... et X... ont été blessés et les voitures endommagées ;
Attendu que Y... a été poursuivi du chef de blessures involontaires sur les personnes de Malika Z... et de Laurent A..., ainsi que pour la contravention de défaut de maîtrise alors prévue par l'article R. 10 du Code de la route, dont les dispositions ont été reprises par l'article R. 11-1 de ce Code ; que seul X..., qui n'était pas visé dans la prévention en qualité de victime des blessures involontaires, s'est constitué partie civile et a réclamé réparation de son préjudice corporel ; que la caisse d'assurances mutuelles agricoles de la Dordogne (CRAMA), assureur de dommages de X... et de Jean-Jacques A..., est intervenue à l'instance en vertu de l'article 388-1 du Code de procédure pénale pour solliciter la condamnation de Y... à lui rembourser les indemnités qu'elle avait versées à ses deux assurés au titre des avaries causées à leurs véhicules respectifs ;
Attendu que les juges, après avoir déclaré Y... coupable de blessures involontaires sur les personnes de Malika Z... et de Laurent A... et de contravention au Code de la route, ont dit irrecevables les demandes de X... et de la CRAMA aux motifs qu'ils n'étaient pas saisis de faits de blessures sur la personne de X..., et que Jean-Jacques A... ne s'était pas constitué partie civile ;
Mais attendu qu'en se déterminant de la sorte à l'égard de la CRAMA, alors que X... et Jean-Jacques A... auraient pu, s'ils n'avaient été indemnisés par cet assureur, solliciter la réparation de leurs dommages matériels sur le fondement de la contravention au Code de la route visée à la prévention, la cour d'appel a méconnu le sens et la portée des principes ci-dessus rappelés ;
Que la cassation est encourue de ce chef ;
Par ces motifs :
CASSE ET ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Bordeaux en date du 26 juin 1986 mais seulement en ce qu'elle a déclaré irrecevable l'intervention de la CRAMA,
Et pour qu'il soit statué à nouveau conformément à la loi, dans les limites de la cassation prononcée :
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Poitiers.