CASSATION PARTIELLE sans renvoi sur le pourvoi formé par :
- l'administration des Douanes et droits indirects, partie poursuivante,
contre un arrêt de la cour d'appel de Paris, 9e chambre, en date du 20 mars 1986, qui, dans des poursuites pour importation sans déclaration de marchandises prohibées, a rejeté les conclusions de cette Administration tendant à la condamnation de la société Union bétail viande France du chef d'intéressement à la fraude.
LA COUR,
Vu le mémoire produit ;
Sur les faits :
Attendu que la société Union bétail viande France (UBVF), représentée par son administrateur judiciaire provisoire, a été régulièrement citée devant le tribunal correctionnel par l'administration des Douanes, en qualité de " civilement et solidairement responsable " de Gaston X..., président de son conseil de surveillance, et de Patrick Y..., son salarié à l'époque des faits, tous deux poursuivis du chef du délit douanier de fausse déclaration d'espèce à l'importation, ayant permis l'introduction sur le marché de marchandises prohibées, prévu par l'article 426 (3°) du Code des douanes ; que le Tribunal, ayant relaxé X... et Y... des fins de la poursuite, a néanmoins déclaré la société UBVF " solidairement responsable " du délit et l'a condamnée aux diverses pénalités douanières requises ; que les juges du second degré, saisis sur le seul appel de la société, ont infirmé le jugement entrepris après avoir relevé qu'une déclaration de responsabilité solidaire implique nécessairement qu'une autre personne, au moins, soit reconnue coupable du fait poursuivi ; que l'Administration demanderesse ne conteste pas, sur ce point, l'arrêt attaqué, lequel a fait l'exacte application tant de l'article 406 du Code des douanes que de l'article 55 du Code pénal ;
En cet état ;
Sur le premier moyen de cassation proposé et pris de la violation des articles 38, 395-2, 426-2, 426-3, 336, 399, 404, 407, 414, 435 du Code des douanes, 515 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a prononcé la relaxe au profit de la société UBVF ;
" aux motifs que la citation visait la société concernée en qualité de civilement et de solidairement responsable de deux personnes physiques, sur le fondement, non exprimé, des dispositions des articles 404 et 407 du Code des douanes ; que, pour suivre les conclusions de l'Administration, le Tribunal aurait ainsi dû, en fait, transformer la substance de la citation ; mais qu'il ne pouvait procéder par voie de simple disqualification dès lors que, par sa nature, la citation ne renfermait pas l'imputation personnelle et directe d'une infraction ; qu'il se devait le cas échéant de statuer, sur comparution volontaire, sur l'infraction spécifique prévue aux articles 399 et 407 ; que la Cour ne peut, en cause d'appel, et en conformité des dispositions de l'article 515 du Code de procédure pénale, sur le seul appel de la société en cause, aggraver le sort de celle-ci en l'interpellant sur une infraction non examinée devant les premiers juges ;
" que la Cour, au vu notamment de la jurisprudence invoquée aux conclusions de l'Administration, n'exclut pas nécessairement qu'une société puisse être passible de pénalités pécuniaires, comme intéressée à la fraude-si tant est que cet intéressement à la fraude soit démontré-, et ce, alors même qu'aucune personne physique n'a été poursuivie, ou qu'ayant été poursuivie, elle a été relaxée des fins de la poursuite, mais ne peut admettre que ladite société ait à répondre d'une telle infraction sans avoir été poursuivie de ce chef ; or, qu'en l'occurrence, la citation qui a été servie le 4 avril 1984 à la SA UBVF (dûment représentée par son administrateur provisoire) ne fait aucunement état d'une infraction reprochable à ladite société, qui n'est citée qu'en qualité de civilement et solidairement responsable, étant spécifié au bas de la citation, sous la mention " très important " que, " si le Tribunal déclarait la personne citée civilement et solidairement responsable, elle serait personnellement tenue au paiement des pénalités douanières qui pourraient lui être réclamées en cas de défaillance du responsable pénal " ; que c'était dire, très explicitement, que si aucune déclaration de culpabilité n'était prononcée à l'encontre des personnes poursuivies (Y... et X...), la responsabilité en question (responsabilité solidaire) ne pouvait entrer en jeu " ; qu'on ne saurait déclarer une personne juridique solidairement responsable d'une infraction, sans mention d'une pluralité d'auteurs ;
" alors que le Tribunal avait expressément condamné la société UBVF au paiement des pénalités douanières après avoir relevé qu'elle était propriétaire de la marchandise de fraude et que c'était pour son compte que les fausses déclarations avaient été souscrites ; qu'en déclarant dès lors que la Cour ne pouvait aggraver le sort de cette société en l'interpellant sur une infraction dont les premiers juges n'avaient pas eu à connaître, la cour d'appel a violé l'article 515 du Code de procédure pénale ;
" alors que les propriétaires de marchandises de fraude sont réputés intéressés à la fraude ; que, par ailleurs, les juges du fond doivent examiner les faits dont ils sont saisis sous toutes leurs acceptions pénales ; qu'en l'espèce, il ressort du jugement que la société UBVF était propriétaire et détentrice de la marchandise et que c'est pour son compte que les fausses déclarations ont été souscrites ; qu'en refusant, dès lors, de déclarer la société coupable du délit d'importation sans déclaration de marchandises prohibées en tant qu'intéressée à la fraude, la cour d'appel a violé l'article 399 du Code des douanes " ;
Attendu que la cour d'appel, pour rejeter les conclusions de l'administration des Douanes poursuivante qui tendaient à ce que la société UBVF soit déclarée coupable et condamnée du chef d'intéressement à la fraude, au sens de l'article 399 du Code des douanes, comme étant propriétaire des marchandises illégalement importées, énonce que la citation délivrée visait la société concernée " en qualité de civilement et solidairement responsable de deux personnes physiques ", sans contenir à son encontre l'imputation personnelle et directe de l'infraction spécifique prévue par l'article 399 susvisé, et que, dès lors, la juridiction répressive, qui n'en était pas saisie, ne pouvait connaître de cette infraction, par voie de disqualification ; qu'en outre, selon l'arrêt, l'article 515 du Code de procédure pénale fait obstacle à ce que soit aggravé, sur son seul appel, le sort de la société en cause, en l'interpellant sur des faits qui, en l'absence de comparution volontaire, n'avaient pas été examinés par les premiers juges ;
Attendu qu'en prononçant ainsi, l'arrêt attaqué n'a méconnu aucun des textes visés au moyen ;
Qu'en effet, si l'action fiscale exercée en matière douanière participe, à la fois, de l'action pénale et de l'action civile, en raison du caractère mixte des pénalités auxquelles elle tend, cette situation n'autorise pas le juge correctionnel à outrepasser les limites de sa saisine et ne lui permet pas, sans porter atteinte aux droits de la défense, de déclarer coupable d'un délit douanier une personne qui a été citée devant la juridiction répressive pour y répondre seulement, au titre de la solidarité, du paiement des sanctions pécuniaires requises contre le prévenu ;
D'où il suit que le premier moyen ne peut qu'être écarté ;
Mais sur le second moyen de cassation proposé et pris de la violation des articles 367 du Code des douanes, 593 du Code de procédure pénale :
" en ce que l'arrêt attaqué a condamné l'administration des Douanes aux dépens ;
" alors que, en première instance et sur l'appel, l'instruction est verbale sur simple mémoire et sans frais de justice à répéter de part ni d'autre ; qu'en condamnant dès lors l'administration des Douanes aux dépens, la cour d'appel a violé l'article 367 du Code des douanes " ;
Vu lesdits articles ;
Attendu qu'en application de l'article 367 du Code des douanes, qui prescrit qu'en première instance et sur l'appel l'instruction est verbale sur simple mémoire et sans frais de justice à répéter de part et d'autre, l'administration des Douanes ne peut être condamnée aux dépens résultant de la procédure dans laquelle elle intervient en qualité de partie poursuivante ;
Attendu que l'arrêt attaqué, en condamnant " l'administration des Douanes, partie civile, aux entiers dépens d'appel, liquidés à la somme de 1 055, 62 francs, droit de poste inclus ", a méconnu le texte dont s'agit ; que la cassation est, dès lors, encourue de ce chef ;
Attendu, cependant, que la Cour de Cassation trouve, dans les constatations des juges du fond, les éléments lui permettant d'appliquer la règle de droit méconnue, conformément à l'article L. 131-5 du Code de l'organisation judiciaire ;
Par ces motifs :
CASSE ET ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Paris, en date du 20 mars 1986, mais seulement en celle de ses dispositions qui a condamné l'administration des Douanes aux dépens d'appel, toutes autres dispositions dudit arrêt étant expressément maintenues ;
DIT que ces dépens d'appel, liquidés à la somme de 1 055, 62 francs, droit de poste inclus, sont laissés à la charge du Trésor ;
DIT, en conséquence, n'y avoir lieu à renvoi.