REJET et CASSATION PARTIELLE sur les pourvois formés par :
- les Assurances générales de France (AGF),
- l'Union des assurances de Paris (UAP),
parties intervenantes,
contre un arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre spéciale des mineurs) en date du 15 mai 1987 qui, dans des poursuites exercées contre Jean-Philippe X... pour homicide et blessures involontaires, s'est prononcé sur les intérêts civils.
LA COUR,
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le pourvoi des AGF :
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 1134 et 1384, alinéa 1er, du Code civil, R. 211-2 du Code des assurances, 593 du Code de procédure pénale :
" en ce que l'arrêt attaqué a condamné les AGF à relever et garantir Philippe X... et son fils Jean-Philippe, qui s'était emparé du véhicule à l'insu de son père, des condamnations prononcées au profit des victimes, en application d'une police responsabilité chef de famille garantissant les dommages causés par un véhicule dont l'assuré n'a ni la propriété ni la jouissance ;
" aux motifs que le véhicule avait été remis à X... dans le but d'y effectuer des réparations et n'avait pas été prêté pour être utilisé ; que si X... avait acquis la garde du véhicule, il n'en avait pas la jouissance ;
" alors que le pouvoir d'usage, de direction et de contrôle d'un véhicule terrestre à moteur emporte pour le gardien la possibilité de l'utiliser conformément à sa destination ; qu'en relevant que X... avait la garde du véhicule remis pour réparation et dont les clés lui avaient été confiées, tout en décidant qu'il n'en avait pas la jouissance, la Cour n'a pas tiré de ses constatations les conséquences légales et a méconnu les textes susvisés " ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Sylvie Y..., propriétaire d'une automobile, l'a confiée pour réparations à Philippe X... ; que le fils de ce dernier, Jean-Philippe, après exécution des réparations, a utilisé le véhicule malgré la défense de son père et a provoqué le 27 mai 1984 un accident, causant la mort de Diana Z...et des blessures à Jean A... ;
Attendu que, sur les poursuites exercées contre Jean-Philippe X... pour homicide et blessures involontaires, et sur les constitutions de partie civile de A... et des ayants droit de Mme Z..., les AGF, liées à Philippe X..., civilement responsable de son fils mineur, par une police d'assurance " responsabilité civile chef de famille ", ont sollicité leur mise hors de cause ; qu'elles ont fait valoir à cet effet qu'aux termes du contrat elles ne garantissaient que les dommages causés, dans certaines conditions, par les véhicules dont l'assuré n'avait ni la propriété ni la jouissance, et ont soutenu que Philippe X..., ayant été investi de la garde de l'automobile dont les clés lui avaient été remises, en avait, de ce fait même, la jouissance ;
Attendu que pour rejeter cette exception de non-garantie la juridiction du second degré, après avoir rappelé que la voiture avait été confiée à Philippe X... " dans un but bien précis, celui de faire quelques réparations ", et " qu'en aucun cas le véhicule n'avait été prêté pour être utilisé ", en déduit que l'intéressé, bien que la garde de l'automobile lui eût été confiée, n'en avait pas la jouissance ;
Attendu qu'en l'état de ces motifs procédant de son appréciation souveraine des éléments de preuve soumis au débat contradictoire et d'où il résultait que Philippe X... s'était vu conférer par la propriétaire du véhicule la garde de ce dernier, mais non le droit de l'utiliser à son profit, la cour d'appel, loin de se contredire, a justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles R. 211-2 du Code des assurances et 593 du Code de procédure pénale :
" en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a condamné les AGF seules à relever X... et son fils des condamnations prononcées à leur encontre à la suite d'un accident causé par ce dernier et mis hors de cause la MAIF, assureur de la propriétaire du véhicule, qui en avait confié la garde à X... ;
" aux motifs que si X... avait eu la jouissance de la voiture, c'est-à-dire la possibilité de l'utiliser, l'assurance du propriétaire aurait été tenue de couvrir le sinistre ; que cependant, il résulte de façon non déniée que la voiture a été donnée à X... non pour l'utiliser mais pour y effectuer des réparations ; que si X... en avait la garde matérielle, il n'en a jamais eu la jouissance ;
" alors que l'assurance obligatoire des véhicules terrestres à moteur couvre la responsabilité de toute personne, à l'exception des garagistes, ayant avec l'autorisation du souscripteur du contrat ou du propriétaire du véhicule la garde ou la conduite de celui-ci ; que, dès lors qu'elle a constaté que X... avait la garde du véhicule remis pour réparations par Mme Y..., la Cour ne pouvait mettre hors de cause l'assureur de celle-ci et a ainsi violé par refus d'application l'article R. 211-2 susvisé " ;
Attendu que, Mme Y... ayant fait assurer son automobile auprès de la Mutuelle assurance des instituteurs de France (MAIF), et la garantie couvrant, conformément à l'article R. 211-2 du Code des assurances dans sa rédaction applicable à la cause, la responsabilité de toute personne ayant, avec l'autorisation de la propriétaire du véhicule, la garde ou la conduite de celui-ci, cet assureur a refusé de garantir les conséquences dommageables de l'accident litigieux en faisant valoir notamment que " l'autorisation de garde " donnée par l'assurée à Philippe X... avait été limitée aux besoins de la réparation de la voiture, et que les circonstances du sinistre démontraient que l'utilisation faite de l'automobile avait outrepassé cette autorisation ;
Attendu qu'en accueillant cette exception, après avoir souverainement estimé que le véhicule avait été remis à Philippe X., non en vertu d'un contrat de prêt à usage, mais seulement aux fins de réparation, ce qui privait l'intéressé " de la possibilité de l'utiliser ", la cour d'appel, abstraction faite d'un motif erroné mais surabondant relatif à la " garde matérielle " de l'automobile, a justifié sa décision ;
Qu'en effet, il est de principe que l'autorisation de conduite ou de garde, prévue au texte précité, cesse de produire effet dès lors qu'elle n'a été donnée que dans certaines limites qui n'ont pas été respectées par son bénéficiaire ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Mais sur le pourvoi de l'UAP ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation de l'article 593 du Code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a omis de statuer sur le recours de la compagnie UAP et laissé sans réponse les conclusions tendant à l'actualisation de sa créance ;
" alors qu'aux termes de l'article 593 du Code de procédure pénale, les arrêts et jugements en dernier ressort sont déclarés nuls... lorsqu'il a été omis ou refusé de prononcer... sur une ou plusieurs demandes des parties et que dès lors l'arrêt attaqué, qui omet de statuer sur le recours que la compagnie UAP exerçait en sa qualité d'assureur-loi en Principauté monégasque, encourt la censure par application du texte susvisé ;
" qu'il en est d'autant plus ainsi que l'arrêt attaqué, qui laisse sans réponse les conclusions régulièrement déposées qui tendaient à l'actualisation de la créance de la compagnie demanderesse, viole de ce chef encore l'article 593 du Code de procédure pénale " ;
Vu ledit article ;
Attendu que les juges doivent répondre aux conclusions dont ils sont régulièrement saisis ;
Attendu que, statuant sur l'intervention de l'UAP qui, en vertu de la législation monégasque sur la réparation des accidents du travail, avait versé diverses indemnités à A... et aux ayants droit de Mme Z..., le Tribunal avait condamné in solidum Philippe et Jean-Philippe X... ainsi que les AGF à rembourser lesdites sommes à la partie intervenante, à laquelle il avait en outre donné acte de ses réserves ;
Attendu que cet assureur a, devant la juridiction du second degré, réitéré par voie de conclusions sa demande de remboursement en y ajoutant les indemnités versées par lui à A... pendant l'instance d'appel ;
Attendu qu'en omettant de statuer sur ces prétentions, dont l'arrêt attaqué ne fait même pas mention, la cour d'appel a méconnu le principe ci-dessus rappelé ; qu'il s'ensuit que la cassation est encourue de ce chef ;
Par ces motifs :
REJETTE le pourvoi des AGF ;
Sur le pourvoi de l'UAP ;
CASSE et ANNULE l'arrêt rendu le 15 mai 1987 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence, mais seulement en ce qu'il a omis de statuer sur l'intervention de l'UAP,
Et pour qu'il soit statué à nouveau conformément à la loi, dans la limite de la cassation ainsi prononcée :
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Montpellier.