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10/05/1988 | FRANCE | N°87-81660

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 10 mai 1988, 87-81660


REJET du pourvoi formé par :
- X... Jérôme,
- la société anonyme Reginter, civilement responsable,
contre un arrêt du 6 février 1987 de la cour d'appel de Lyon, 4e chambre, qui, pour entrave à l'exercice du droit syndical, a condamné le premier à 10 000 francs d'amende et a déclaré la seconde civilement responsable.
LA COUR,
Vu le mémoire produit ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 513 et 593 du Code de procédure pénale, violation des droits de la défense :
" en ce que l'arrêt attaqué n'indique pas que, au cours de

l'audience publique, le conseil du défendeur a été entendu le dernier ;
" alors que l...

REJET du pourvoi formé par :
- X... Jérôme,
- la société anonyme Reginter, civilement responsable,
contre un arrêt du 6 février 1987 de la cour d'appel de Lyon, 4e chambre, qui, pour entrave à l'exercice du droit syndical, a condamné le premier à 10 000 francs d'amende et a déclaré la seconde civilement responsable.
LA COUR,
Vu le mémoire produit ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 513 et 593 du Code de procédure pénale, violation des droits de la défense :
" en ce que l'arrêt attaqué n'indique pas que, au cours de l'audience publique, le conseil du défendeur a été entendu le dernier ;
" alors que l'article 513 du Code de procédure pénale prescrit que le prévenu ou son conseil auront toujours la parole en dernier " ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'à l'audience du 9 janvier 1987 où l'affaire a été débattue le prévenu X... était représenté par son conseil, Me Ducrot ; qu'après la lecture du rapport Me Granjon a déposé des conclusions et a plaidé pour la partie civile, que le substitut du procureur général a été entendu en ses réquisitions et que Me Ducrot a déposé des conclusions et a présenté la défense du prévenu et du civilement responsable ;
Qu'il résulte de ces énonciations que le conseil du prévenu a eu la parole le dernier et que, dès lors, le moyen qui manque par le fait sur lequel il est fondé doit être écarté ;
Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 427, 551 et 593 du Code de procédure pénale, 6 et 13 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, des articles L. 412-18 et L. 481-2 du Code du travail, défaut de motif, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré le prévenu, X..., coupable d'avoir commis le délit d'entrave aux fonctions de délégué syndical ;
" aux motifs que l'article L. 412-18 du Code du travail dispose que le licenciement d'un délégué syndical ne peut intervenir qu'après autorisation de l'inspecteur du Travail sauf en cas de faute grave, que Y..., délégué syndical, salarié de la société Reginter a été muté sans son consentement et sans autorisation de l'inspecteur du Travail à une autre entreprise, la société NIC, que le motif invoqué, la reprise d'un marché de nettoyage dans l'enceinte de la raffinerie de Feyzin par la société NIC ne saurait en aucun cas justifier le transfert unilatéral par l'employeur de Y..., qu'il n'y a eu, comme l'indique le prévenu, ni transfert partiel d'entreprise, ni transfert total, que la mutation ne peut s'analyser que comme un licenciement déguisé de Y... sans qu'il invoque une faute quelconque du salarié, que ce licenciement ne pouvait intervenir qu'avec l'autorisation de l'inspecteur du Travail, qu'en ne sollicitant pas cette autorisation, X... a bien commis l'infraction qui lui est reprochée ;
" alors, d'une part, que tout prévenu a droit à être informé d'une manière détaillée de la nature et de la cause de la prévention dont il est l'objet, et qu'il doit par la suite être mis en mesure de se défendre sur les divers chefs d'infraction qui lui sont imputés, que X... a été renvoyé devant le tribunal correctionnel de Lyon comme prévenu d'avoir omis de soumettre à l'inspection du Travail le transfert à la société NIC de Y..., délégué syndical, compris dans un transfert partiel d'entreprise et ainsi porté atteinte à l'exercice du droit syndical, que les faits ainsi poursuivis constituaient le délit prévu par l'article L. 412-18, alinéa 7, du Code du travail, que pour déclarer X... coupable du délit d'entrave à l'exercice du droit syndical, et le condamner à 10 000 francs d'amende, la cour d'appel a retenu à sa charge le délit prévu par l'article L. 412-18, alinéa 1er, du Code du travail aux termes duquel le licenciement d'un délégué syndical ne peut intervenir qu'après autorisation préalable de l'inspecteur du Travail, que ce délit ne rentrait pas dans les prévisions de la prévention dont X... faisait l'objet et a été relevé d'office par la cour d'appel, sans que le prévenu ait été préalablement informé de cette modification de la prévention ; et ainsi mis en mesure de se défendre sur ce point, qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a méconnu les droits de la défense ;
" alors, d'autre part, que, en toute hypothèse, les dispositions de l'article L. 412-18, alinéa 7, du Code du travail ne s'appliquaient pas en l'espèce, puisque les dispositions de l'article L. 122-12 auxquelles il renvoie n'avaient pas à s'appliquer, la modification dans la situation juridique de l'employeur prévue par ce dernier texte ne pouvant résulter de la seule perte d'un marché, qu'en retenant X... dans les liens de la prévention lui reprochant d'avoir omis de soumettre à l'inspecteur du Travail le transfert à la société NIC de Y..., délégué syndical, compris dans un transfert partiel d'entreprise, délit prévu par l'article L. 412-18, alinéa 7, du Code du travail, la cour d'appel a violé par fausse application les textes susmentionnés " ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que la société Elf-France qui avait concédé à la société Reginter le nettoyage de la raffinerie de Feyzin n'a pas renouvelé le contrat à son expiration et a confié le marché à la société NIC à compter du 1er avril 1983 ; que la société Reginter a informé les salariés affectés sur ce chantier, et notamment le délégué syndical Y..., que leurs contrats de travail se poursuivraient à partir de cette dernière date avec le nouvel adjudicataire ; que X..., chef de l'agence régionale de la société Reginter, a refusé de demander à l'inspecteur du Travail l'autorisation prévue par l'article L. 412-18, septième alinéa, du Code du travail dans le cas où un délégué syndical est compris, en application de l'article L. 122-12, 2e alinéa, dudit Code, dans un transfert partiel d'entreprise ; qu'il a été poursuivi pour entrave à l'exercice du droit syndical ;
Attendu que les premiers juges ayant considéré que le prévenu avait méconnu les dispositions de l'article L. 412-18, septième alinéa, précité et s'était ainsi rendu coupable du délit d'entrave, la juridiction du second degré a confirmé la déclaration de culpabilité mais en la fondant sur l'inobservation des dispositions de l'article L. 412-18, alinéa premier, qui prévoient que le licenciement d'un délégué syndical ne peut intervenir qu'après l'autorisation de l'inspecteur du Travail ; que pour en décider ainsi elle énonce que le salarié " a été muté sans son consentement et sans l'autorisation de l'inspecteur du Travail à une autre entreprise, la société NIC " ; " que le motif invoqué, la reprise du marché de nettoyage de la raffinerie de Feyzin par la société NIC, ne saurait en aucun cas justifier le transfert unilatéral du salarié " ; qu'il n'y a eu " aucun transfert partiel d'entreprise ni... transfert total " et que la mutation intervenue " ne peut s'analyser que comme un licenciement déguisé " ;
Attendu qu'en l'état de ces motifs, la cour d'appel, qui n'a pas fait application de l'article L. 412-18, alinéa 7, du Code du travail n'a pas encouru les griefs du moyen ; que, d'une part, du fait de l'absence d'un lien de droit entre la société Reginter et la société NIC les dispositions de l'article L. 122-12 du Code du travail sont sans application en l'espèce et que les juges ont à bon droit décidé que la mesure prise par la société Reginter à l'égard du salarié n'était pas la conséquence d'un transfert total ou partiel d'entreprise ; que, d'autre part, elle n'était pas liée par la qualification donnée par la prévention aux faits poursuivis et qu'il lui appartenait de fonder la condamnation sur le texte de loi applicable à ces faits sans être tenue, en l'absence de fait nouveau, d'entendre à cet égard les observations du prévenu ; qu'enfin elle n'a pas contrevenu aux dispositions de l'article 6-3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme dès lors que le prévenu connaissait les faits qui lui étaient reprochés ;
D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 87-81660
Date de la décision : 10/05/1988
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

1° JURIDICTIONS CORRECTIONNELLES - Disqualification - Délit d'entrave (article L - du Code du travail) - Délit d'entrave (article L - 412-1 du Code du travail).

1° La cour d'appel n'est pas liée par la qualification donnée aux faits par la citation et le jugement du Tribunal ; elle a le droit et le devoir de restituer à la poursuite sa qualification véritable dès lors qu'elle a puisé les éléments de sa décision dans les faits mêmes dont elle était saisie. Ainsi la décision qui constate que l'employeur, à la suite de la perte d'un marché, a informé un délégué syndical qu'il ne resterait plus à son service et que son contrat de travail se poursuivrait avec le nouveau bénéficiaire du marché, et qui considère qu'une telle mesure ne constitue pas un transfert du salarié mais un licenciement déguisé, disqualifie à juste titre la prévention de délit d'entrave fondée sur l'alinéa 7 de l'article L. 412-18 du Code du travail en délit d'entrave fondé sur l'alinéa 1er dudit article.

2° TRAVAIL - Droit syndical dans l'entreprise - Délégués syndicaux - Licenciement - Procédure spéciale - Défaut d'autorisation de l'inspecteur du Travail - Perte d'un marché par l'employeur - Délit d'entrave.

2° Le fait, pour un employeur, qui perd le marché de nettoyage d'un chantier d'une entreprise, d'informer un délégué syndical, affecté sur ce chantier, qu'il ne restera plus à son service et que son contrat de travail se poursuivra avec le nouveau bénéficiaire du marché, équivaut, en l'absence d'un lien de droit entre les bénéficiaires successifs, qui aurait seul justifié l'application de l'article L. 122-12, alinéa 2, du Code du travail, à un licenciement, et constitue, à défaut d'autorisation de l'inspecteur du Travail, le délit d'entrave à l'exercice du droit syndical résultant de la violation des dispositions de l'alinéa 1er de l'article L. 412-18 du Code du travail.


Références :

Code du travail L122-12 al. 2, L412-18
Code du travail L412-18 al. 1, L412-18 al. 7

Décision attaquée : Cour d'appel de Lyon, 06 février 1987

CONFER : (1°). Chambre criminelle, 1980-04-21 , Bulletin criminel 1980, n° 116, p. 269 (rejet), et les arrêts cités. (1) CONFER : (2°). Chambre sociale, 1986-06-12 Bulletin 1986, V, n° 299, p 229 (cassation) (2)


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 10 mai. 1988, pourvoi n°87-81660, Bull. crim. criminel 1988 N° 202 p. 523
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 1988 N° 202 p. 523

Composition du Tribunal
Président : Président :M. Berthiau, conseiller doyen faisant fonction
Avocat général : Avocat général :M. Robert
Rapporteur ?: Rapporteur :M. Dumont
Avocat(s) : Avocat :la SCP Delaporte et Briard

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1988:87.81660
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