CASSATION PARTIELLE sur le pourvoi formé par :
- X... Ginette, épouse Y...,
contre un arrêt de la cour d'appel de Grenoble, chambre correctionnelle, en date du 29 mai 1987, qui, dans la procédure suivie contre elle du chef de blessures involontaires, s'est prononcé sur les réparations civiles.
LA COUR,
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le moyen unique de cassation pris de la violation des articles 1382 du Code civil, 2 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale :
" en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a fixé à 248 000, 38 francs le préjudice corporel subi le 20 novembre 1978 par Mme Z..., présumée absente par décision du juge des tutelles du 9 juillet 1981, et condamné Mme Y..., responsable de l'accident, à payer à Mme A..., ès qualités de représentant de Mme Z..., la somme de 185 000 francs outre les intérêts de droit et celle de 2 000 francs pour frais irrépétibles ;
" aux motifs que la victime, même présumée absente, a nécessairement intérêt à voir réparer son préjudice ; que la Cour dispose des éléments d'appréciation suffisants pour réparer le préjudice ; que la victime était âgée de 51 ans et sans profession, qu'elle a subi les séquelles d'un traumatisme crânien, d'une fracture de dix côtes avec hémothorax droit et d'une fracture de l'humérus droit, que l'expert a fixé la durée de l'incapacité totale temporaire du 20 novembre 1978 au 19 novembre 1979, à 22 % le taux de l'incapacité permanente partielle, a qualifié d'important le pretium doloris, de très léger le préjudice esthétique ; que la CPAM a déboursé la somme de 48 000, 38 francs pour les soins médicaux et pharmaceutiques ; qu'il convient d'homologuer le rapport de l'expert ;
" alors que l'évaluation du dommage consécutif à un accident corporel doit être faite par les juges du fond d'après l'état de la victime au jour où ils rendent leur décision ; qu'ainsi la Cour ne pouvait se borner à homologuer un rapport d'expertise établi sept ans auparavant, en faisant abstraction du degré de probabilité du décès de la victime disparue depuis plus de six ans et présumée absente par jugement du juge des tutelles depuis près de six ans " ;
Vu lesdits articles, ensemble les articles 112 à 121 du Code civil ;
Attendu que la réparation du préjudice subi par la victime d'une infraction ne peut, lorsque cette victime est présumée absente, être demandée par son représentant que pour la période antérieure à la date à laquelle elle a cessé de paraître au lieu de son domicile ou de sa résidence ;
Attendu qu'il appert de l'arrêt attaqué qu'Andréa Z... a été victime d'un accident de la circulation dont Ginette Y..., reconnue coupable de blessures involontaires, a été déclarée entièrement responsable ; qu'après dépôt d'un rapport d'expertise médicale concluant notamment que la partie civile, dont les blessures étaient consolidées, demeurait atteinte d'une incapacité permanente de travail de 22 %, Mme Z... a cessé de paraître à son domicile ; que le juge des tutelles a constaté qu'elle était présumée absente et a désigné sa fille, Mme A..., pour la représenter dans l'exercice de ses droits ;
Attendu que Mme A..., agissant ès qualités, a fait assigner Mme Y... devant la juridiction correctionnelle pour voir homologuer le rapport d'expertise et condamner la défenderesse à réparer les divers chefs de dommages subis par sa mère ; qu'elle a en particulier réclamé une somme de 176 000 francs au titre de l'incapacité permanente partielle ; que la juridiction du second degré a alloué 132 000 francs de ce chef au motif que la victime était âgée de 51 ans à la date du sinistre et que, " même présumée absente ", elle avait " nécessairement intérêt à voir réparer son préjudice " ;
Mais attendu que, si les juges avaient la faculté d'allouer des indemnités correspondant aux dommages subis par la victime jusqu'à la date de sa disparition, ils ne pouvaient en revanche, faute de preuve de sa survie, accueillir la demande de réparation du préjudice découlant de l'incapacité permanente de travail pour la période postérieure à cette date ; qu'il leur appartenait en conséquence de limiter cette réparation à la période comprise entre la consolidation des blessures et la disparition de Mme Z..., sauf à réserver le droit de celle-ci à une indemnisation complémentaire pour le cas où elle viendrait à reparaître ;
D'où il suit que la cassation est encourue de ce chef ;
Par ces motifs :
CASSE ET ANNULE l'arrêt de la cour d'appel de Grenoble, en date du 29 mai 1987, mais seulement en ce qu'il a fixé à 132 000 francs l'indemnité allouée du chef de l'incapacité permanente de travail de la victime, toutes autres dispositions étant expressément maintenues, et pour qu'il soit statué à nouveau conformément à la loi, dans la limite de la cassation ainsi prononcée :
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Lyon.