Joint, en raison de leur connexité, les pourvois n° 85-10.262 et n° 85-11.198 ;
Sur le moyen unique du pourvoi n° 85-10.262, pris en sa première branche, et sur le premier moyen du pourvoi n° 85-11.198, pris en sa première branche, réunis :
Vu l'article 524 du Code civil ;
Attendu que seuls sont immeubles par destination les objets mobiliers que le propriétaire d'un fonds y a placés pour le service et l'exploitation de ce fonds ou y a attachés à perpétuelle demeure ;
Attendu que des fresques qui décoraient l'église désaffectée de Casenoves ont été vendues par deux des propriétaires indivis de ce bâtiment sans l'accord des deux autres, Mmes Z... et Y... ; que détachées des murs par l'acquéreur, puis réparties en deux lots, elles se trouvent actuellement en la possession de la Fondation Abegg et de la ville de Genève, contre lesquelles Mmes Z... et Y... ont formé une demande en revendication devant le tribunal de grande instance de Perpignan ; que la Fondation Abegg et la ville de Genève ayant soulevé l'incompétence de ce tribunal au profit des juridictions helvétiques, par application de la convention franco-suisse du 15 juin 1869, qui, en matière mobilière, attribue compétence au tribunal du domicile du défendeur, l'arrêt attaqué (Montpellier, 18 décembre 1984) retient, pour rejeter leurs contredits, que les fresques litigieuses, originairement immeubles par nature, étaient devenues immeubles par destination depuis la découverte d'un procédé permettant de les détacher des murs sur lesquels elles étaient peintes ; qu'il en déduit que leur séparation de l'immeuble principal, dès lors qu'elle est intervenue sans le consentement de tous les propriétaires, ne leur a pas fait perdre leur nature immobilière, dont Mmes Z... et Y... peuvent continuer à se prévaloir à l'égard de tous, de sorte que l'action exercée par elles est une action en revendication immobilière ;
Attendu qu'en statuant ainsi alors que les fresques, immeubles par nature, sont devenues des meubles du fait de leur arrachement, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Et vu les articles 627 et 96 du nouveau Code de procédure civile ;
Attendu que les parties défenderesses étant domiciliées en Suisse, la juridiction française était incompétente en vertu de l'article 1er de la convention franco-suisse du 15 juin 1869 ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs des pourvois ;
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 18 décembre 1984, entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier sous le n° 84/2797 ; statuant à nouveau, dit que le tribunal de grande instance de Perpignan est incompétent et, aucune juridiction française n'étant compétente, renvoie les parties à mieux se pourvoir ;
Dit n'y avoir lieu à renvoi
MOYENS ANNEXES
Moyen produit par Me Baraduc-Benabent, avocat aux Conseils, pour la Fondation Abegg, demanderesse au pourvoi n° 85-10.262 ;
Il est fait grief à l'arrêt d'avoir dit que l'action en revendication formée contre le tiers acquéreur de fresques détachées de leur support mural " est une action en revendication immobilière " ;
AUX MOTIFS QUE " si l'immobilisation par destination nécessite un acte matériel et une manifestation de volonté du propriétaire, il en va de même de la cessation de cet état qui a pour effet de donner le caractère mobilier à ce qui était antérieurement un immeuble ; que de même que cette cessation de l'immobilisation ne peut résulter de la seule volonté du propriétaire, elle ne peut non plus être la conséquence d'une séparation matérielle de l'immeuble principal et de l'immeuble par destination faite par une autre personne contre le gré du propriétaire ou sans son accord ; qu'en un tel cas l'immobilisation de la chose enlevée, qui aurait pris fin si elle avait été séparée du fonds par le propriétaire ou avec son autorisation, n'a pu perdre son caractère à la suite de l'enlèvement réalisé sans droit par un tiers ; que le propriétaire peut continuer à se prévaloir contre qui que ce soit de la nature immobilière de la chose séparée de son fonds, sans qu'il y ait consenti " ; que les fresques ayant été détachées de leur support sans l'accord de deux des coïndivisaires propriétaires, ces dernières " sont en droit de se prévaloir du caractère immobilier des fresques qu'elles revendiquent " ;
ALORS QUE d'une part ne constituent des immeubles par destination que des biens qui, par nature, avaient originairement le caractère d'effets mobiliers ; que tel n'est pas le cas de fresques directement peintes sur les murs d'un bâtiment, de sorte qu'en qualifiant lesdites fresques d'immeubles par destination et en leur appliquant le régime de tels immeubles, la cour d'appel a violé les articles 517 et suivants du Code civil ;
ALORS QUE d'autre part, à supposer même que les fresques aient constitué des immeubles par destination, elles avaient nécessairement perdu cette qualification du fait de leur séparation effective avec l'immeuble par nature et ne pouvaient conserver pareille qualification alors qu'elles se trouvaient depuis de nombreuses années dans un autre pays que l'immeuble dont elles avaient été détachées ; que la cour d'appel a donc de plus fort violé les articles 517 et suivants du Code civil ;
Moyen produit par Me Parmentier, avocat aux Conseils, pour la ville de Genève, demanderesse au pourvoi n° 85-11.198 ;
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir dit que l'action engagée par Mme X... veuve Z..., et Mme X..., épouse Y..., contre la ville de Genève en ce qui concerne les fresques détachées de leur support est une action en revendication immobilière et rejeté en conséquence les contredits de la ville de Genève tendant à voir reconnaître la compétence du tribunal civil de Genève par application de l'article 1° de la convention franco-suisse du 15 juin 1869 attribuant compétence au tribunal des défendeurs en matière mobilière ;
AUX MOTIFS QUE " la découverte du procédé utilisé par SIMON pour enlever les fresques ornant les murs de la chapelle de CASENOVES, à Ille s/Têt, a eu cette conséquence que les peintures de ce genre qui, antérieurement, ne pouvaient être détachées des murs où elles avaient été appliquées, ce qui leur donnait un caractère d'immeuble par nature au même titre que les murs eux-mêmes, sont devenues, du fait même de cette invention, des immeubles par destination tels que les glaces, les tableaux et autres ornements dont il est question à l'article 526 du Code civil ; qu'à partir du moment où il était techniquement possible de les enlever, les fresques murales remplissaient les trois conditions nécessaires pour être immeuble selon les règles de l'article 525 puisque le mur de support, immeuble par nature, et les peintures murales désormais susceptibles d'en être détachées appartenaient au même propriétaire, que les fresques étaient attachées à l'immeuble principal à perpétuelle demeure selon le sens que l'article 526 donne à ces termes, et que le maintien des peintures sur le mur où elles figuraient, après que leur enlèvement fut devenu possible, manifestait la volonté du propriétaire d'attacher au fond de l'immobilisant cette ornementation " (arrêt p. 6 §2) ;
1°) ALORS, d'une part, que suivant les articles 517 et 525 du Code civil, seuls les biens ayant préalablement la nature de meubles peuvent faire l'objet d'une immobilisation par destination dans les conditions prévues par la loi ; qu'en déclarant dès lors immeuble par destination les fractions devenues mobiles d'un immeuble par nature, l'arrêt a faussement appliqué les textes susvisés au cas d'un bien qui n'était pas initialement un meuble ;
2°) ALORS, d'autre part, que suivant les articles 528 et 532 du Code civil, sont meubles par leur nature les corps qui peuvent se transporter d'un lieu à un autre même s'ils proviennent du démembrement d'un édifice ; que les fresques non classées détachées du fonds sur lequel elles étaient peintes directement deviennent des meubles par nature du seul fait de la séparation matérielle ainsi intervenue ; qu'en décidant que les fresques seraient devenues néanmoins des immeubles par destination, l'arrêt a violé par refus d'application les articles 528 et 532 du Code civil