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02/03/1988 | FRANCE | N°86-17018

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 02 mars 1988, 86-17018


Sur le premier moyen :

Attendu que les époux A... font grief à l'arrêt attaqué (Nîmes, 4 juin 1986) d'avoir déclaré recevable l'action possessoire exercée par Mme Y... et les époux Z..., pour ordonner la suppression d'un portail mis en place par les époux A... sur un ancien chemin reliant deux communes et bordant les fonds de ces trois propriétaires, alors, selon le moyen, " d'une part, que, s'il est exact que le droit de passage sur un chemin ouvert à l'usage du public et faisant partie du domaine privé de la collectivité publique peut faire l'objet, sous certaines condi

tions, d'une action possessoire en complainte, tout comme le droit ...

Sur le premier moyen :

Attendu que les époux A... font grief à l'arrêt attaqué (Nîmes, 4 juin 1986) d'avoir déclaré recevable l'action possessoire exercée par Mme Y... et les époux Z..., pour ordonner la suppression d'un portail mis en place par les époux A... sur un ancien chemin reliant deux communes et bordant les fonds de ces trois propriétaires, alors, selon le moyen, " d'une part, que, s'il est exact que le droit de passage sur un chemin ouvert à l'usage du public et faisant partie du domaine privé de la collectivité publique peut faire l'objet, sous certaines conditions, d'une action possessoire en complainte, tout comme le droit de passage sur un chemin privé n'appartenant pas à une telle collectivité, en revanche le droit de passage sur un chemin ouvert à l'usage du public et faisant partie du domaine public de la collectivité publique, ne peut faire l'objet d'une action possessoire en complainte en raison de la règle de l'imprescriptibilité du domaine public ; qu'il n'est fait exception à cette règle que pour l'action possessoire en réintégrande qui fonctionne en cas de dépossession violente, et ce dans un but de paix publique ; qu'en l'espèce l'action en complainte était donc irrecevable si le chemin litigieux appartenait au domaine public, et non privé, de la collectivité publique, par exemple de la commune de Mariac ; que cette question de droit ne pouvait être tranchée que par un tribunal administratif ; que dès lors, en refusant de surseoir à statuer et en déclarant recevable l'action possessoire litigieuse au motif qu'il n'était point besoin de déterminer la nature juridique du chemin de Mézilhac au Cheylard car il importait peu que celui-ci fût public ou privé, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard des articles 2282, 2283 du Code civil et 1264 du nouveau Code de procédure civile ; et alors, d'autre part, que l'autorité judiciaire ne saurait, sans empiéter sur les pouvoirs de l'administration à qui est réservé le soin d'assurer la conservation du domaine public et l'usage auquel il est affecté, connaître de l'action possessoire en complainte relative à une servitude de passage d'un particulier sur un chemin faisant partie du domaine public de la collectivité publique ; qu'il n'est fait exception à cette règle que pour l'action possessoire en réintégrande qui fonctionne en cas de dépossession violente, et ce dans un but de paix publique ; qu'en l'espèce l'action en complainte était donc irrecevable devant la juridiction judiciaire si le chemin litigieux appartenait au domaine public, et non privé, de la collectivité publique, par exemple de la commune de Mariac ; que cette question de droit ne pouvait être tranchée que par un tribunal administratif ; que dès lors, en refusant de surseoir à statuer et en déclarant recevable l'action possessoire litigieuse au motif qu'il n'était point besoin de déterminer la nature juridique du chemin de Mézilhac au Cheylard car il importait peu que celui-ci fût public ou privé, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard de la règle de la séparation des pouvoirs résultant de l'article 13 de la loi des 16-24 août 1790 et du décret du 16 fructidor An III " ;

Mais attendu que les propriétaires riverains d'un chemin public, ayant sur celui-ci, des droits qu'ils peuvent, dans l'exercice d'une action possessoire, faire valoir dans leur intérêt privé, en cas de trouble apporté dans leur usage par des particuliers, la cour d'appel a justement retenu que la question relative à la nature juridique du chemin, siège du trouble invoqué, n'était pas préjudicielle ;

D'où il suit que l'arrêt est, de ce chef, légalement justifié ;

Sur le second moyen :

Attendu que les époux A... font aussi grief à l'arrêt d'avoir déclaré recevable l'action possessoire exercée contre eux, alors, selon le moyen, que, " d'une première part, dans leurs conclusions d'appel signifiées le 31 juillet 1985, les époux A... faisaient valoir qu'il résultait d'une lettre du 12 mai 1984 postérieure au jugement de première instance du 6 mars 1984 et adressée à leur conseil par M. X..., que celui-ci " au cours d'un voyage en Ardèche ", s'était arrêté chez M. et Mme A... le samedi 13 septembre 1980 pour une visite amicale ", et avait vu " deux barrières de bois qu'ils venaient d'installer dans l'été sur le petit chemin " ; qu'" il est par conséquent incontestable que le portail était en place le 13 septembre 1980 et que l'action possessoire, à la supposer recevable par ailleurs, devait nécessairement être engagée avant le 13 septembre 1981 ", ce qui n'avait pas été le cas puisque l'assignation introductive d'instance datait du 29 décembre 1981 ; que la cour d'appel n'a rien dit dans ses motifs propres sur cette attestation, se contentant d'adopter les motifs du premier juge qui n'avait pu la connaître puisqu'elle était postérieure à son jugement ; qu'ainsi donc, en ne répondant pas à un chef de conclusions susceptible de modifier la solution du litige s'il était pris en considération, la cour d'appel a entaché son arrêt d'un défaut de motifs entraînant la censure pour violation de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile, que, d'une deuxième part, en raison de ce défaut de motifs, on ne peut déterminer si, à l'égard du portail litigieux, l'action possessoire a été engagée ou non dans l'année du trouble et était, ou non, recevable ; qu'ainsi l'arrêt attaqué encourt la cassation pour manque de base légale au regard de l'article 1264 du nouveau Code de procédure civile semblable à l'article 23 de l'ancien Code de procédure civile, que, d'une troisième part l'action possessoire n'est recevable que dans la mesure où elle peut conduire à la cessation du trouble invoqué ; qu'en l'espèce, il résulte des constatations souveraines des juges du fond que les parcelles 73, 76 et 77 de Mme Y..., de nature agricole, étaient enclavées du fait de l'existence, sur le chemin de Mézilhac au Cheylard et à hauteur de la limite ouest de la parcelle Ville et de l'angle nord-est du bâtiment Ville, tant de la barrière (clôture) que du portail installés par les époux A... ; que les juges, qui ont déclaré l'action irrecevable au sujet de la barrière (posée plus d'un an avant l'assignation introductive d'instance), ne pouvaient dès lors l'estimer recevable au sujet du portail puisque, selon leurs propres constatations, la suppression de celui-ci ne pouvait à elle seule faire cesser le trouble ; qu'en déclarant néanmoins l'action possessoire recevable à l'égard dudit portail et en ordonnant sa destruction, ils ont violé les articles 2282, 2283 du Code civil et

1264 du nouveau Code de procédure civile, et que, d'une quatrième part et subsidiairement, qu'en ne constatant pas que les parcelles agricoles 73, 76 et 77 seraient désenclavées par la seule suppression du portail qui permettrait leur accès par véhicule ou engin agricole même sans supprimer la barrière, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard des articles 2282, 2283 du Code civil et 1264 du nouveau Code de procédure civile " ;

Mais attendu, d'une part, que l'arrêt qui répond aux conclusions en analysant, par motifs propres et adoptés, toutes les attestations relatives à la date du trouble, parmi lesquelles figuraient, dès la procédure de première instance, celle de M. X..., est, de cet autre chef, légalement justifié ; que, d'autre part, les époux A... qui n'ont pas soutenu devant la cour d'appel que la suppression du seul portail n'était pas de nature à faire cesser le trouble invoqué de la possession et à désenclaver les terres agricoles appartenant à Mme Y... ou exploitées par les époux Z..., le moyen, mélangé de fait et de droit, est de ce chef nouveau et partant irrecevable ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 86-17018
Date de la décision : 02/03/1988
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Analyses

ACTIONS POSSESSOIRES - Domaine d'application - Usage d'un chemin public

VOIRIE - Chemin public - Droit des riverains - Protection possessoire

PROCEDURE CIVILE - Sursis à statuer - Question préjudicielle - Voirie - Chemin public - Droit des riverains - Nature juridique du chemin

Les propriétaires riverains d'un chemin public ont sur celui-ci des droits qu'ils peuvent, dans l'exercice d'une action possessoire, faire valoir dans leur intérêt privé, en cas de trouble apporté dans leur usage par des particuliers . Dès lors, la question relative à la nature juridique du chemin, siège du trouble invoquée, n'est pas préjudicielle


Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Nîmes, 04 juin 1986

A RAPPROCHER : Chambre civile 3, 1979-05-03 Bulletin 1979, III, n° 99, p. 74 (rejet).


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 02 mar. 1988, pourvoi n°86-17018, Bull. civ. 1988 III N° 49 p. 27
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 1988 III N° 49 p. 27

Composition du Tribunal
Président : Président :M. Monégier du Sorbier
Avocat général : Avocat général :M. de Saint-Blancard
Rapporteur ?: Rapporteur :M. Cathala
Avocat(s) : Avocats :M. Consolo, la SCP Guiguet, Bachellier et Potier de la Varde .

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1988:86.17018
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