CASSATION sur le pourvoi formé par :
- le commissaire du Gouvernement près le tribunal aux armées des forces françaises en Allemagne,
contre un jugement dudit tribunal en date du 31 mars 1987 qui, dans une poursuite suivie contre Sylvie X... du chef d'infractions au Code de la route, a acquitté la prévenue.
LA COUR,
Vu le mémoire produit ;
Sur la recevabilité du pourvoi ;
Attendu que s'il résulte des dispositions des articles 265 et 266 du Code de justice militaire que le pourvoi formé par le commissaire du Gouvernement contre un jugement d'acquittement ne peut préjudicier au prévenu, il en va différemment lorsque le Tribunal ne s'est pas prononcé sur la prévention dont il était saisi ;
Attendu que l'acquittement étant fondé en l'espèce, non sur l'absence de culpabilité de la prévenue mais sur l'irrégularité de la saisine du Tribunal, le pourvoi est recevable ;
Sur les moyens de cassation réunis et pris, le premier de la violation de l'article 593 du Code de procédure pénale, le second de la violation de l'article VII de la convention de Londres du 19 juin 1951 et de l'article 19 de l'Accord complémentaire du 3 août 1959 ;
Attendu qu'il résulte des énonciations du jugement attaqué que la gendarmerie prévôtale en stationnement à Baden-Baden (Allemagne fédérale) ayant relevé des infractions au Code de la route à l'encontre de la ressortissante française Sylvie X..., cette dernière a été traduite directement devant le tribunal aux armées des forces françaises en Allemagne ;
Attendu que, pour prononcer l'acquittement de la prévenue, les juges énoncent, d'une part, que le ministère public n'a pas rapporté la preuve de la régularité des constatations faites par la seule gendarmerie française sur la voie publique allemande et, d'autre part, que, faute de notification de la procédure aux autorités judiciaires allemandes, celles-ci " n'ont pas été en mesure de se prononcer sur l'éventuelle révocation de la renonciation générale prévue à l'article 19 de l'Accord complémentaire du 3 août 1959 de la convention de l'OTAN " ; qu'ils en déduisent " que la saisine de la juridiction française " doit " être considérée comme entachée d'irrégularité " ;
Attendu qu'abstraction faite d'un motif surabondant, voire erroné, visé au premier moyen et relatif aux constatations de la gendarmerie, il est vainement fait grief au Tribunal d'avoir constaté l'irrégularité de sa saisine ;
Qu'en effet, en application de l'article VII, 3°, b, de la convention de Londres du 19 juin 1951, les faits reprochés à la prévenue donnaient en l'espèce aux autorités judiciaires allemandes priorité sur l'autorité militaire française pour exercer leur juridiction ; que si l'article 19 de l'Accord du 3 août 1959 complétant ladite Convention prévoit en son paragraphe 1er la renonciation de la République fédérale à son droit de priorité, les autorités allemandes peuvent cependant, en application dudit article, révoquer cette renonciation dans les vingt et un jours de la notification que les autorités militaires des Etats d'origine doivent leur faire, selon le paragraphe 2 du même article, pour chaque affaire tombant sous le coup du paragraphe 3, alinéa b de l'article VII de la Convention précitée ; que s'il est vrai que le paragraphe 7 dudit article 19 permet aux autorités militaires des Etats d'origine et aux autorités allemandes compétentes, afin d'accélérer la répression des infractions d'importance mineure, de conclure des arrangements administratifs comportant une dispense de notification, le Tribunal a considéré à juste titre, dès lors que n'était pas rapportée la preuve de l'existence d'un tel arrangement, que, faute de notification de la procédure aux autorités allemandes, sa saisine était irrégulière ;
D'où il suit que les moyens proposés ne sauraient être accueillis ;
Mais sur le moyen relevé d'office, et pris de la violation des articles 204, 202 et 235 du Code de justice militaire ;
Vu lesdits articles ;
Attendu qu'une juridiction irrégulièrement saisie ne peut statuer sur la culpabilité du prévenu ;
Attendu qu'après avoir constaté que leur saisine était irrégulière, les juges ont acquitté la prévenue ;
Mais attendu qu'en statuant ainsi, alors qu'il lui appartenait seulement de renvoyer le ministère public à se pourvoir, le Tribunal a méconnu le principe ci-dessus rappelé ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Par ces motifs :
CASSE ET ANNULE en toutes ses dispositions le jugement du 31 mars 1987 du tribunal aux armées des forces françaises en Allemagne, et pour qu'il soit à nouveau statué conformément à la loi :
RENVOIE la cause et les parties devant ledit tribunal autrement composé.