ANNULATION PARTIELLE sur les pourvois formés par :
X... Elie, Jean, Y... Jean-Luc, Y... Patrice, Z... Bruno, A... Joël, B... Victor, C... Michel,
contre un arrêt 296 / 86 de la chambre correctionnelle de la cour d'appel de Rouen en date du 11 décembre 1986 qui a condamné :
a) X... Elie, Jean, pour recel de vol et détention de marchandises de contrebande irrégulièrement importées, à 2 ans d'emprisonnement, à une amende de 184 304, 33 francs à verser à l'administration des Douanes, partie jointe, et des dommages-intérêts à régler au Gamac, partie civile ;
b) Y... Jean-Luc, pour vol et détention de marchandises de contrebande irrégulièrement importées à 1 an d'emprisonnement, à une amende de 184 304, 33 francs et à la confiscation de son véhicule prononcée en faveur de l'administration des Douanes, ainsi qu'à des dommages-intérêts à régler au Gamac, partie civile ;
c) Y... Patrice, pour vol et détention de marchandises de contrebande irrégulièrement importées à 1 an d'emprisonnement, à une amende de 184 304, 33 francs à verser à l'administration des Douanes et à des dommages intérêts à régler au Gamac, partie civile ;
d) Z... Bruno pour vol et détention de marchandises de contrebande irrégulièrement importées à 1 an d'emprisonnement, à une amende de 184 304, 33 francs à régler à l'administration des Douanes et des dommages-intérêts à verser au Gamac, partie civile ;
e) A... Joël pour vol et détention de marchandises de contrebande irrégulièrement importées à 1 an d'emprisonnement, à une amende de 184 304, 33 francs à régler à l'administration des Douanes et des dommages intérêts à verser au Gamac, partie civile ;
f) B... Victor, pour vol et détention de marchandises de contrebande irrégulièrement importées à 1 an d'emprisonnement dont 6 mois avec sursis, à une amende de 184 304, 33 francs à régler à l'administration des Douanes et des dommages-intérêts à verser au Gamac, partie civile ;
g) C... Michel, pour complicité de vol, recel de vols et détention de marchandises de contrebande irrégulièrement importées à 2 ans d'emprisonnement, à deux amendes de 184 304, 33 francs chacune à verser à l'administration des Douanes et des dommages-intérêts à régler au Gamac, partie civile.
LA COUR,
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu les mémoires produits, tant en demande qu'en défense ;
Sur le premier moyen additionnel proposé en faveur de Y... Jean-Luc, Y... Patrice, Z... Bruno, A... Joël et B... Victor et pris de la violation de l'article 4 du Code pénal, de l'article 23 de la loi du 8 juillet 1987 modifiant les procédures fiscales et douanières, des articles 423-2, 414 et 435 du Code des douanes, des articles 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Jean-Luc Y..., Patrice Y..., Bruno Z..., Joël A... et Victor B... coupables d'importation sans déclaration de marchandises fortement taxées par soustraction de marchandises sous douane et les a condamnés à des pénalités douanières ;
" alors que la cour d'appel a statué en application de l'article 369-2 du Code des douanes qui interdisait au Tribunal de relaxer les contrevenants pour défaut d'intention, texte abrogé par l'article 23 de la loi du 8 juillet 1987 ; que les prévenus n'ont pas été à la date où ils ont été jugés en mesure d'invoquer le défaut d'intention comme moyen de défense et que dès lors la cassation est encourue en vertu du principe constitutionnel de rétroactivité de la loi pénale plus douce " ;
Sur le second moyen additionnel proposé en faveur de X... Elie et pris de la violation de l'article 4 du Code pénal, de l'article 23 de la loi du 8 juillet 1987 modifiant les procédures fiscales et douanières, des articles 399, 423-2, 414 et 435 du Code des douanes, des articles 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Elie X... coupable du délit douanier de détention sans déclaration de marchandises fortement taxées par recel de marchandises soustraites sous douane ;
" alors, d'une part, que la détention par recel de marchandises soustraites sous douane constitue le délit d'intérêt à la fraude, lequel est un délit intentionnel et que l'arrêt attaqué qui n'a pas constaté que Elie X... ait eu conscience au cours du recelé de coopérer à une opération irrégulière pouvant aboutir à une fraude douanière n'a pas légalement justifié sa décision ;
" alors, d'autre part, que dans le cas où le délit poursuivi à l'encontre du prévenu n'aurait pas constitué un délit intentionnel dans l'état du droit antérieur à la loi du 8 juillet 1987 abrogeant l'article 369-2 du Code des douanes, X... n'aurait pas été à la date où il a été jugé en mesure d'invoquer le défaut d'intention comme moyen de défense et que dès lors la cassation serait encourue en vertu du principe constitutionnel de rétroactivité de la loi pénale plus douce " ;
Et sur le moyen d'office pris des mêmes textes et relevé en faveur de Michel C... ;
Les moyens étant réunis ;
Vu lesdits articles, ensemble les articles 25- III et 26 de la loi n° 87-502 du 8 juillet 1987 ;
Attendu que sauf prévision contraire une loi nouvelle qui abroge une incrimination ou qui comporte des dispositions pénales ou douanières plus douces s'applique aux faits commis antérieurement à son entrée en vigueur et non définitivement jugés ;
Attendu que Y... Jean-Luc, Y... Patrice, Z... Bruno, A... Joël et B... Victor ont été renvoyés devant le tribunal correctionnel pour le vol, d'abord de 700 cartons de champagne, ensuite d'un conteneur et d'une remorque, avec cette circonstance que le vol de champagne avait eu lieu après effraction de scellés douaniers, et que l'ensemble de ces soustractions avaient été perpétrées en réunion ; que ces cinq prévenus avaient aussi à répondre du délit douanier distinct d'importation de marchandises fortement taxées par soustraction de ces marchandises alors sous douane ;
Que de son côté C... Michel a été renvoyé devant le tribunal correctionnel comme complice des vols susénumérés, receleur des mêmes marchandises, conteneur ou véhicule volés, et comme complice des délits douaniers imputés à ses coauteurs ;
Que X... Elie, Jean, a été poursuivi comme receleur de partie des marchandises, véhicule ou conteneur frauduleusement soustraits par les coauteurs susmentionnés, et comme intéressé à la fraude douanière par eux commise ;
Qu'à l'audience, l'une des victimes des vols, le Groupement havrais de manutention de conteneurs dit " Gamac " s'est constitué partie civile, tandis que l'administration des Douanes, partie jointe, a réclamé paiement d'amendes et pénalités, et sollicité diverses confiscations, les divers prévenus devant être déclarés tenus solidairement au paiement de celles-ci ;
Attendu qu'à l'égard des sept demandeurs aux pourvois, la cour d'appel a fait droit aux réquisitions du ministère public, aux conclusions de l'administration des Douanes et à la demande de dommages-intérêts de la partie civile ; que pour ce qui est des délits douaniers, la cour d'appel a fait application des articles 369-2, 399, 406, 414 et 435 du Code des douanes dans leur rédaction à la date des faits poursuivis ;
Mais attendu que l'article 23 de la loi n° 87-502 du 8 juillet 1987 a abrogé l'article 369-2 susvisé tandis que l'article 25- III du même texte a modifié le libellé de l'article 414, texte de répression ; que si cette loi nouvelle n'a pas dans la rédaction de l'article 414 nouveau du même Code introduit un quelconque élément intentionnel au regard des infractions douanières relevant de la compétence du juge pénal, il en résulte qu'il n'est désormais plus interdit aux contrevenants de rapporter la preuve de leur bonne foi ; que, de plus, l'article 26 de la loi du 8 juillet 1987 permet désormais, non seulement de limiter la solidarité des condamnés pour les amendes, pénalités ou confiscations douanières, mais également de supprimer cette solidarité ;
Que ces diverses modifications s'analysent en des dispositions plus douces ;
Que, dès lors, compte tenu à la fois de la connexité et de l'indivisibilité des délits de droit commun, en l'espèce des vols dans une enceinte douanière, et de ceux relevant de la législation purement douanière, l'arrêt attaqué doit, au regard des sept demandeurs aux pourvois, du ministère public, de l'administration des Douanes et du Gamac, partie civile, être annulé et l'affaire renvoyée devant les juges du fond, aux fins de procéder à un nouvel examen de l'ensemble des poursuites par rapport aux dispositions plus douces de la loi du 8 juillet 1987 ;
Par ces motifs, et sans qu'il y ait lieu d'examiner les autres moyens de cassation proposés par les demandeurs :
ANNULE en toutes ses dispositions pénales, douanières et civiles l'arrêt 296 / 86 de la cour d'appel de Rouen en date du 11 décembre 1986 en ce qu'elles intéressaient X... Elie, Y... Jean-Luc, Y... Patrice, Z... Bruno, A... Joël, B... Victor, C... Michel, et par rapport à eux l'action publique du Parquet, l'action fiscale des Douanes, l'action civile du Gamac et pour qu'il soit à nouveau jugé conformément à la loi, dans les limites de l'annulation ainsi ordonnée :
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Caen.