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22/02/1988 | FRANCE | N°87-80087

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 22 février 1988, 87-80087


REJET et CASSATION PARTIELLE sur les pourvois formés par :
1° l'administration des Impôts, partie poursuivante,
2° la coopérative agricole " La Paysanne d'Erquy ",
contre un arrêt de la cour d'appel de Rennes, chambre correctionnelle en date du 3 décembre 1986, qui dans les poursuites fiscales exercées du chef d'infraction à la réglementation des marchés des céréales, a relaxé le directeur Victor X... des fins de la poursuite et a condamné la coopérative à diverses sanctions fiscales.
LA COUR,
Vu la connexité, joignant les pourvois ;
Vu les mémoires p

roduits tant en demande qu'en défense ;
Sur le moyen unique de cassation proposé pa...

REJET et CASSATION PARTIELLE sur les pourvois formés par :
1° l'administration des Impôts, partie poursuivante,
2° la coopérative agricole " La Paysanne d'Erquy ",
contre un arrêt de la cour d'appel de Rennes, chambre correctionnelle en date du 3 décembre 1986, qui dans les poursuites fiscales exercées du chef d'infraction à la réglementation des marchés des céréales, a relaxé le directeur Victor X... des fins de la poursuite et a condamné la coopérative à diverses sanctions fiscales.
LA COUR,
Vu la connexité, joignant les pourvois ;
Vu les mémoires produits tant en demande qu'en défense ;
Sur le moyen unique de cassation proposé par l'administration des Impôts, et pris de la violation des articles 27 bis et 31 du texte annexé au décret de codification du 23 novembre 1937, 25 du décret n° 909 du 31 juillet 1959, et 7 de l'ordonnance n° 812 du 22 septembre 1967, ensemble violation de l'article 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs :
" en ce que l'arrêt attaqué a renvoyé X... des fins de la poursuite pour infraction à la réglementation des céréales ;
" aux motifs que le refus d'acquitter les taxes exigibles sur les mouvements de maïs incriminés paraît avoir été décidé par le conseil d'administration de la coopérative et qu'il n'est pas établi que le prévenu, directeur de la coopérative, ait pris lui-même cette décision ;
" alors que l'intéressé en sa qualité de chef d'une entreprise réglementée, qu'il a pour mission de représenter vis-a-vis de l'Administration, était personnellement et pénalement responsable des infractions fiscales commises par la coopérative " ;
Attendu que pour relaxer X..., directeur de la coopérative agricole " La Paysanne d'Erquy ", des fins de la poursuite fiscale dont il était personnellement l'objet, la cour d'appel considérant que le refus d'acquitter auprès de l'administration des Impôts les taxes fiscales correspondant aux quantités de maïs détournées du circuit réglementé paraissait résulter d'une décision du conseil d'administration de ladite coopérative, énonce que rien dans le dossier de la procédure ne fait apparaître une décision de X... lui-même dans les faits poursuivis ;
Attendu qu'en cet état et alors qu'il résulte des dispositions des articles R. 524-6 et R. 524-9 du Code rural que le directeur d'une société coopérative agricole, simple préposé de celle-ci, ne saurait être considéré comme le chef d'entreprise, la cour d'appel a justifié sa décision, sans encourir les griefs du moyen qui ne peut dès lors qu'être rejeté ;
Sur le moyen unique de cassation proposé par la coopérative agricole " La Paysanne d'Erquy ", et pris de la violation des articles 31 du décret du 23 novembre 1937, 14 et 16 de la loi du 5 juillet 1941, 1er de l'ordonnance du 22 septembre 1967, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut et insuffisance de motifs ;
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré la coopérative La Paysanne d'Erquy coupable de détournement d'un circuit réglementé, et l'a condamnée à une amende fiscale de 1 000 francs et à une pénalité égale au triple des droits fraudés, soit une somme de 169 005 francs ;
" aux motifs qu'" il résulte des dispositions de l'ordonnance du 22 septembre 1967 et des textes auxquels elle se réfère, que les collecteurs agréés de céréales doivent tenir une comptabilité matières, et sont redevables, envers l'administration des Impôts, de taxes sur les entrées de céréales et de taxes de stockage (à la charge des utilisateurs) " (cf. arrêt attaqué, p. 6, 1er considérant) ; " qu'une instruction ministérielle du 14 août 1984 dispose que " peuvent être considérées comme échappant à la réglementation, les transactions sur : le maïs sous forme de plante entière, le maïs récolté en épis non égrenables, ou le maïs en grains non parvenus à maturité " (cf. arrêt attaqué, p. 6, 2e considérant) ; que " la question qui se pose en l'espèce est de savoir si le maïs livré à la coopérative précitée possédait les caractéristiques d'une céréale, par conséquent soumise aux taxes dont il s'agit, ou celles d'un fourrage, exonéré de taxes " (cf. arrêt attaqué, p. 6, 3e considérant) ; qu'" il résulte des documents techniques produits par la défense qu'est considéré comme grain parvenu à maturité (et, par conséquent directement commercialisable comme céréale) celui dont le taux de teneur en matière sèche est compris entre 65 et 70 % " (cf. arrêt attaqué, p. 6, 4e considérant) ; " qu'il y a lieu de constater, en passant, qu'en ce qui concerne le maïs, ce produit, au moins celui qui est récolté dans les régions humides comme la Bretagne, présente habituellement un certain taux d'humidité à la récolte " (cf. arrêt attaqué, p. 6, 5e considérant) ; " qu'il n'en est pas moins possible, comme il vient d'être dit, de le commercialiser comme céréale si son taux de matière sèche est compris dans les limites ci-dessus déterminées " (cf. arrêt attaqué, p. 6, 6e considérant) ; " qu'en l'espèce, il résulte des énonciations du procès-verbal que la quantité de maïs litigieux a été revendue sans séchage à des éleveurs de porcs " (cf. arrêt attaqué, p. 6, 7e considérant) ; " qu'il s'agirait donc de maïs humide " (cf. arrêt attaqué, p. 6, 8e considérant) ; que, " toutefois,... aucun taux d'humidité n'est indiqué " (cf. arrêt attaqué, p. 6, 9e considérant) ; " qu'en outre Collet, responsable du secteur céréales de la coopérative, a déclaré... que les taxes ont été retenues à la charge des producteurs " (cf. arrêt attaqué, p. 6, 10e considérant) ; " que cette retenue prouve que la coopérative regardait le maïs dont il s'agit comme une céréale " (cf. arrêt attaqué, p. 7, 1er considérant) ; " qu'elle aurait donc dû reverser à l'administration des Impôts le montant de ces taxes " (cf. arrêt attaqué, p. 7, 2e considérant) ; " qu'il est d'ailleurs établi que l'infraction visée à la prévention est constituée " (cf. arrêt attaqué, p. 7, 3e considérant) ;
" alors que, comme le relève la cour d'appel, le seul maïs qui, à cause de sa teneur en matières sèches constitue une céréale, est soumis à la taxation qui aurait été éludée ; qu'en s'abstenant de justifier que le maïs de l'espèce, qui a été employé comme fourrage, constituait, à cause de sa teneur en matières sèches, une céréale, la cour d'appel, qui admet, cependant, que ce maïs serait, selon toute apparence, un " maïs humide ", n'a pas suffisamment motivé sa décision ;
" alors qu'il appartient au juge de qualifier les faits propres à caractériser les éléments constitutifs de l'infraction ; qu'en relevant que la coopérative agricole La Paysanne d'Erquy, qui, pour des raisons qui tiennent à l'économie même de la taxation, avait retenu la taxe sur le prix payé au producteur du maïs comme une céréale, la cour d'appel, qui a déduit un motif inopérant, n'a pas justifié sa décision sous le rapport des dispositions qu'elle a appliquées " ;
Vu lesdits articles ;
Attendu que tout jugement ou arrêt doit être motivé ; que l'insuffisance et la contradiction de motifs, équivaut à leur absence ;
Attendu qu'il appert de l'arrêt attaqué que sur le fondement d'un procès-verbal dressé le 15 octobre 1984 par des agents de l'administration des Impôts, la coopérative agricole " La Paysanne d'Erquy " collecteur agréé de céréales, a été poursuivie devant la juridiction correctionnelle pour détournement du circuit réglementé de 1266 tonnes de maïs ;
Attendu que pour la déclarer coupable de cette infraction, la cour d'appel, après avoir relevé que les 1266 tonnes de maïs avaient été revendues par la prévenue, sans séchage, à divers utilisateurs éleveurs de porcs pour la consommation animale, en sorte qu'" il s'agirait donc de maïs humide ", énonce que les taxes fiscales ayant été retenues par elle à la charge des producteurs, ce prélèvement prouve que la coopérative regardait le maïs dont s'agit comme une céréale et qu'elle devait s'acquitter auprès de l'administration des Impôts du montant de ces taxes ;
Mais attendu qu'en l'état de ces motifs, la cour d'appel, qui était tenue de qualifier par elle-même les faits propres à caractériser les éléments constitutifs de l'infraction et qui ne pouvait sans se contredire, affirmer à la fois que la prévenue avait considéré le maïs litigieux comme une céréale et l'avait livré comme fourrage à destination de l'alimentation animale, n'a pas justifié légalement sa décision ;
Que la cassation est encourue de ce chef ;
Par ces motifs ;
1° REJETTE le pourvoi de l'administration des Impôts, partie poursuivante,
2° CASSE ET ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Rennes en date du 3 décembre 1986 en toutes ses dispositions concernant la coopérative agricole " La Paysanne d'Erquy ", et pour qu'il soit jugé conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée :
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Caen.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 87-80087
Date de la décision : 22/02/1988
Sens de l'arrêt : Rejet et cassation partielle
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

1° SOCIETE - Société par actions - Société coopérative - Coopérative agricole - Impôts et taxes - Infraction à la réglementation du marché des céréales - Directeur de la coopérative - Responsabilité pénale (non).

1° Voir le sommaire suivant.

2° IMPOTS ET TAXES - Impôts indirects et droits d'enregistrement - Dispositions spécifiques à certaines marchandises ou prestations - Céréales - Coopérative - Directeur - Chef d'entreprise (non).

2° Voir le sommaire suivant.

3° IMPOTS ET TAXES - Impôts indirects et droits d'enregistrement - Dispositions spécifiques à certaines marchandises ou prestations - Céréales - Réglementation du marché - Infraction - Directeur d'une coopérative - Responsabilité pénale (non).

3° Il résulte des dispositions des articles R. 524-6 et R. 524-9 du Code rural que le directeur d'une société coopérative agricole, simple préposé de celle-ci, ne saurait être considéré comme le chef d'entreprise ; il s'ensuit que ce directeur ne peut être tenu comme personnellement et pénalement responsable des infractions fiscales commises par la coopérative ; Dès lors, justifie légalement sa décision, une cour d'appel qui relaxe un directeur de coopérative agricole, collecteur agréé de céréales, des fins de la poursuite fiscale engagée personnellement contre lui du chef d'infraction à la réglementation des marchés des céréales, en relevant que le refus d'acquitter auprès de l'administration des Impôts les taxes fiscales correspondantes aux quantités de maïs détournées du circuit réglementé résulte, non du fait du prévenu lui-même, mais d'une décision arrêtée par le conseil d'administration de ladite coopérative agricole.


Références :

Code rural R524-6, R524-9

Décision attaquée : Cour d'appel de Rennes (chambre correctionnelle), 03 décembre 1986

CONFER : (3°). A rapprocher : Chambre criminelle, 1965-03-25 , Bulletin criminel 1965, n° 89, p. 194 (rejet). (1)


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 22 fév. 1988, pourvoi n°87-80087, Bull. crim. criminel 1988 N° 86 p. 222
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 1988 N° 86 p. 222

Composition du Tribunal
Président : Président :M. Ledoux
Avocat général : Avocat général :M. Galand
Rapporteur ?: Rapporteur :M. Bayet
Avocat(s) : Avocats :MM. Capron, Foussard

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1988:87.80087
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