CASSATION PARTIELLE par voie de retranchement sans renvoi sur le pourvoi formé par :
1° X... Maurice,
2° la société anonyme " Société commerciale de produits agricoles " (SCPA),
contre un arrêt de la cour d'appel d'Angers, 2e chambre, en date du 3 juin 1986 qui, pour vente de produits propres à effectuer la falsification des denrées servant à l'alimentation de l'homme et infractions à la législation des contributions indirectes sur la détention et la circulation des sucres, a condamné le prévenu à 3 mois d'emprisonnement dont 2 mois et 15 jours avec sursis ainsi qu'à diverses amendes et pénalités fiscales et qui a déclaré la société SCPA solidairement tenue au paiement de ces sommes.
LA COUR,
I.- Sur le pourvoi en ce qu'il concerne la société " SCPA " :
Attendu qu'aucun moyen n'est produit à l'appui du pourvoi ;
II.- Sur le pourvoi en ce qu'il concerne Maurice X... :
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur les faits :
Attendu qu'il appert de l'arrêt attaqué et des procès-verbaux, base des poursuites, que les agents de l'administration des Impôts ont contrôlé un véhicule appartenant à la société anonyme " Société commerciale de produits agricoles " (SCPA) qui transportait sans titre de mouvement deux sacs de 50 kilogrammes chacun de sucre destinés à un viticulteur de la région et ont découvert au siège social de l'entreprise divers manquants non justifiés dans les stocks de sucre ; que X..., président de ladite société, a été poursuivi devant la juridiction correctionnelle des chefs de vente de produits propres à la falsification de denrées servant à l'alimentation de l'homme, délit de droit commun, et d'infractions à la législation sur les contributions indirectes relatives à la détention et à la circulation du sucre ;
En cet état :
Sur le quatrième moyen de cassation, pris de la violation des articles 1er, 3-4° de la loi du 1er août 1905 sur les fraudes et falsifications en matière de produits ou de services, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré X... coupable de ventes de produits destinés à la falsification et en répression l'a condamné à la peine de 3 mois d'emprisonnement dont 2 mois et 15 jours avec sursis ;
" aux motifs que pour 1981, l'addition de sucre a été autorisée dans la région selon les règles de l'article 4 du décret du 21 avril 1972 que toute chaptalisation faite en dehors de ces règles constitue une falsification du vin au sens de l'article 3 de la loi du 1er août 1905 ; que cette falsification n'est possible que si le viticulteur reçoit du sucre sans pièce de régie et peut l'utiliser sans déclaration d'emploi, échappant au contrôle des services de la répression des fraudes ; que le fait de vendre du sucre en quantités supérieures à 24 kg sans acquit à caution permet donc la falsification du vin ; que le prévenu a donc mis en vente des denrées propres à effectuer la falsification de boissons servant à l'alimentation de l'homme ;
" alors que le sucre n'est pas par nature un produit propre à effectuer la falsification du vin, son emploi étant expressément autorisé pour fabriquer cette boisson ; qu'en décidant le contraire, la Cour a violé l'article 3-4° de la loi du 1er août 1905 ;
" alors que la Cour qui ne constate pas que les viticulteurs ont reçu du sucre par quantités largement supérieures à celles que leur production autorisait en vertu des règlements en vigueur rendant ainsi la vente propre à la falsification, n'a pas caractérisé le délit de l'article 3-4° de la loi du 1er août 1905 " ;
Attendu que pour déclarer X... coupable du délit prévu et réprimé par les articles 3-4° et 1er de la loi du 1er août 1905, la cour d'appel, après avoir relevé que pour l'année 1981 l'addition de sucre dans le vin a été régulièrement autorisée dans la région du Maine-et-Loire suivant les règles du décret du 21 avril 1972, retient que la chaptalisation faite en dehors de ces règles constitue, au sens de l'article 3 de la loi précitée, une falsification du vin, laquelle n'est réalisable que si le viticulteur reçoit du sucre sans pièce de régie, lui permettant ainsi de l'utiliser sans déclaration d'emploi, en dehors de tout contrôle ; que les juges énoncent qu'en l'espèce, X... a vendu à des viticulteurs, dans la période précédant les vendanges de 1981, 643 680 kilogrammes de sucre sans pièce de régie alors qu'il résulte des éléments de la cause que l'arrêt rapporte que le prévenu avait bien connaissance de la destination de ce sucre ;
Attendu qu'en l'état de ces constatations et énonciations, qui caractérisent en tous ses éléments matériels et intentionnel le délit retenu à la charge du demandeur, la cour d'appel a donné une base légale à sa décision, sans encourir les griefs du moyen qui ne saurait dès lors qu'être rejeté ;
Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 426, 1791, 1794 du Code général des impôts, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré X... coupable d'expédition et de transport sans titre de mouvement d'une part de 100 kg de sucre, d'autre part de 391 000 kg de sucre par quantités de 25 kg au moins, et l'a condamné, pour la première infraction à 100 francs d'amende et au paiement solidairement avec la SCPA de la valeur de 100 kg de sucre confisqués soit 300 francs et pour la seconde à 1 173 000 francs d'amende et au paiement solidairement avec la même SCPA de la valeur des 391 000 kg de sucre confisqués, soit 1 173 000 francs ;
" aux motifs que si les viticulteurs sont autorisés dans des conditions strictement définies à chaptaliser, c'est sous réserve de déclarations préalables ; que leur industrie ne comporte donc pas l'emploi de sucre de façon normale et cet emploi n'est pas libre ; que dans ces conditions l'article 426 leur est, à l'évidence, applicable et c'est donc avec raison que l'infraction a été retenue par les premiers juges ;
" alors, d'une part, que ne caractérise pas le délit de transport de sucre sans titre de mouvement l'arrêt qui se borne à énoncer que l'article 426 du Code général des impôts est applicable aux viticulteurs ;
" alors, d'autre part, qu'en tout état de cause, aucun titre de mouvement n'est nécessaire lorsque l'envoi de sucre est destiné à une personne dont l'industrie en comporte l'emploi, que celui-ci soit libre ou réglementé ; que dès lors, les ventes faites à des viticulteurs qui emploient légalement du sucre pour enrichir leur vin n'ont pas à être accompagnées d'acquit à caution ; qu'en décidant le contraire, la Cour a violé l'article 426 du Code général des impôts ;
Attendu que pour déclarer X... coupable d'expédition et transport sans titre de mouvement par quantités de 25 kilogrammes au moins, d'une part, de 100 kilogrammes de sucre et, d'autre part, de 391 tonnes de ce même produit, la cour d'appel énonce qu'en vertu de l'article 426 du Code général des impôts, tout envoi de sucre ou de glucose fait par quantités de 25 kilogrammes au moins, à une personne n'en faisant pas le commerce ou n'exerçant pas une industrie qui en comporte l'emploi, doit être accompagné d'un acquit à caution ; que la cour d'appel, non sans avoir retenu que le comptable de la SCPA avait reconnu que les livraisons de sucre sans acquit à caution se justifiaient par un souci de conserver la clientèle des viticulteurs, note que si ces derniers sont autorisés dans des conditions strictement définies à chaptaliser leur vin, c'est sous réserve de déclarations préalables ; qu'elle en déduit que les dispositions de l'article 426 précité leur sont bien applicables, leur industrie ne comportant pas l'emploi du sucre de façon normale et cet emploi étant réglementé ;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations qui caractérisent en tous leurs éléments matériels les infractions à l'article 426 du Code général des impôts, retenues à la charge du demandeur, la cour d'appel a donné une base légale à sa décision ;
Qu'en effet, les dispositions de l'article 426 précité sont applicables à toute personne qui, comme les viticulteurs, n'exerce pas une industrie comportant le libre emploi de sucre ;
Que dès lors, le moyen ne saurait être accueilli ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 425, 1791, 1794 du Code général des impôts, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré X... coupable de défaut d'inscription sur le registre spécial de réception et de livraison de sucre d'une quantité de 100 kg et l'a condamné, d'une part, à une amende de 100 francs et, d'autre part, à payer solidairement avec la SCPA la valeur de 100 kg de sucre confisqués soit 300 francs ;
" aux motifs que le comptable a reconnu qu'il avait procédé à l'inscription de la livraison sur le registre avant le contrôle, prévenu qu'il était de la constatation du transport ;
" alors qu'il résulte des constatations de l'arrêt qu'au moment du contrôle par l'Administration des livraisons de sucre, la livraison litigieuse était inscrite sur le registre spécial ; qu'en retenant cependant l'infraction de défaut d'inscription d'une vente de 100 kg de sucre, la Cour a violé les textes au moyen " ;
Attendu que pour condamner X... à diverses amende et pénalité fiscales du chef d'infraction à l'article 425 du Code général des impôts pour non-inscription sur le registre spécial d'une quantité de 100 kilogrammes de sucre, la cour d'appel, prononçant sur les faits résultant du second procès-verbal du 19 janvier 1982, base des poursuites, après avoir relevé que le véhicule de la société SCPA, contrôlé le 2 octobre 1981, transportait deux sacs de 50 kilogrammes chacun de sucre à destination d'un viticulteur de la région, énonce que le comptable de ladite société a reconnu qu'étant informé de ce contrôle, il avait inscrit la sortie du sucre sur le registre spécial peu avant l'intervention dans l'entreprise des agents de l'administration des Impôts ; qu'ainsi la déclaration réglementaire préalable n'a pas été faite ;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations qui caractérisent en ses éléments matériels l'infraction à l'article 425 du Code général des impôts, visée audit procès-verbal des poursuites et retenue à la charge du demandeur, la cour d'appel a donné une base légale à sa décision ;
D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;
Mais sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 425, 1791, 1794 du Code général des impôts, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré X... coupable de défaut d'inscription sur le registre spécial de réception et de livraison de sucre d'une quantité de 391 000 kg et l'a condamné, d'une part, à une amende de 300 francs et, d'autre part, à payer solidairement avec la SCPA la valeur de 391 000 kg de sucre confisqués soit 1 173 000 francs ;
" aux motifs que compte tenu de l'impossibilité et de l'absence de preuve d'un conditionnement des sacs de 50 kg en sacs de 24 kg, ces ventes ne peuvent avoir été faites qu'en infraction à l'article 425 du Code général des impôts ;
" alors que ne caractérise pas le délit de défaut d'inscription sur le registre spécial de vente de sucre par quantités supérieures à 25 kg l'arrêt qui se borne à énoncer que les ventes litigieuses ont été faites en conditionnements supérieurs à 24 kg " ;
Vu lesdits articles ;
Attendu que selon les dispositions de l'article 425 du Code général des impôts, tout commerçant qui veut vendre du sucre doit notamment mentionner sur un registre spécial toutes les livraisons de cette marchandise qu'il effectue par quantités supérieures à 25 kg ;
Attendu que pour condamner X... à diverses amende et pénalité fiscales du chef d'infraction à l'article 425 du Code général des impôts pour non-inscription sur le registre spécial d'une quantité de 391 tonnes de sucre, la cour d'appel, statuant sur les faits objet du premier procès-verbal du 19 janvier 1982 et après avoir écarté les prétentions du prévenu faisant état d'une pratique de l'entreprise consistant à reconditionner le sucre en sacs de 24 kg, retient qu'il résulte des mentions de l'acte de poursuite que le comptable de cette dernière a admis le principe de ventes de sucre par la SCPA " en quantités supérieures à 24 kilogrammes ", sans mention sur le registre spécial ;
Mais attendu qu'en prononçant ainsi, alors que ne caractérise pas l'infraction de défaut d'inscription sur le registre spécial, édictée par l'article 425 du Code général des impôts, les ventes de sucre par quantités supérieures à 24 kilogrammes, la cour d'appel a méconnu le sens et la portée du texte susvisé ;
Que la cassation est encourue de ce chef ;
Que les faits, objet du premier procès-verbal de poursuite du 19 janvier 1982 relatif à " des expéditions de 391 tonnes de sucre par quantités supérieures à 24 kilogrammes ", n'entrant pas dans les prévisions de la loi, il n'y a pas lieu à renvoi de ce chef, plus rien ne restant alors à juger ;
Par ces motifs :
1° REJETTE le pourvoi de la SCPA,
2° CASSE ET ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel d'Angers, en date du 3 juin 1986 par voie de retranchement, mais seulement en celles de ses dispositions relatives à l'infraction reprochée de défaut d'inscription sur le registre spécial d'une quantité de 391 tonnes de sucre, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;
Et attendu qu'il ne reste rien à juger du chef susvisé de la poursuite ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi.