La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

19/01/1988 | FRANCE | N°85-17634

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 19 janvier 1988, 85-17634


Sur le moyen unique, pris en ses trois branches :

Attendu, selon les énonciations des juges du fond, que M. X... et Mlle Z..., tous deux de nationalité tunisienne, se sont mariés le 28 août 1956 à Tunis, selon la loi mosaïque ; qu'ils ont acheté, le 29 novembre 1962, des parts d'une société civile immobilière se rapportant à un immeuble situé dans le département de Seine-Saint-Denis, puis se sont installés en France en 1966, où ils ont acquis la nationalité française par naturalisation en 1972 ; que, par jugement du 4 avril 1977, le tribunal de grande instance de Paris

a prononcé leur divorce et ordonné la liquidation de leurs droits res...

Sur le moyen unique, pris en ses trois branches :

Attendu, selon les énonciations des juges du fond, que M. X... et Mlle Z..., tous deux de nationalité tunisienne, se sont mariés le 28 août 1956 à Tunis, selon la loi mosaïque ; qu'ils ont acheté, le 29 novembre 1962, des parts d'une société civile immobilière se rapportant à un immeuble situé dans le département de Seine-Saint-Denis, puis se sont installés en France en 1966, où ils ont acquis la nationalité française par naturalisation en 1972 ; que, par jugement du 4 avril 1977, le tribunal de grande instance de Paris a prononcé leur divorce et ordonné la liquidation de leurs droits respectifs ; que les ex-époux ayant, devant le notaire liquidateur, manifesté leur désaccord sur la nature de leur régime matrimonial, l'officier public a dressé un procès-verbal de difficulté, soumis au tribunal par le juge-commissaire ; que l'arrêt attaqué (Paris, 21 décembre 1984) a dit que la loi applicable au régime matrimonial des époux Y... est celui prévu par le Code tunisien de statut personnel, promulgué le 13 août 1956 et entré en vigueur le 1er janvier 1957, soit le régime de séparation de biens, et que toutes les acquisitions faites postérieurement au 1er janvier 1957 l'ont été sous l'empire de ce régime ;

Attendu que M. X... fait grief à la cour d'appel d'avoir ainsi statué, alors, d'une part, que le Code tunisien de statut personnel n'a pas d'effet rétroactif, de sorte qu'elle aurait dénaturé le sens des articles 2 et 11 de cette loi étrangère ; alors, d'autre part, que la juridiction du second degré s'étant, selon le moyen, fondée sur l'article 24, d'application immédiate, de ce Code de statut personnel, pour écarter certaines dispositions du régime matrimonial de la Ketouba, alors que cet article est seulement relatif aux pouvoirs des époux, tandis que le litige ne concerne qu'une question de propriété, elle " a faussement qualifié les faits litigieux au regard de l'article 1538 du Code civil " ; alors, enfin, qu'elle a, selon le moyen, fait peser sur le mari la charge de prouver que les parts sociales avaient été payées avec ses deniers personnels, sans répondre aux conclusions par lesquelles il soutenait que, sous le régime de la Ketouba, les biens acquis pendant le mariage, même au nom de la femme, sont présumés propres au mari, sauf à la femme de prouver que ces biens avaient été acquis au moyen de fonds qui lui étaient propres ;

Mais attendu, d'abord, que l'article 2 du Code tunisien de statut personnel, qui écarte l'application rétroactive de cette législation, n'exclut pas nécessairement son application pour l'avenir aux personnes mariées antérieurement ; que la cour d'appel a adopté l'interprétation officielle donnée par le ministère de la Justice tunisien et par le Consul général de Tunisie à Paris, d'où il résulte que le régime matrimonial ancien - celui de la Ketouba - s'applique à toutes les situations déjà nées, aux actes accomplis avant l'entrée en vigueur de la loi nouvelle, mais qu'à partir de cette entrée en vigueur, les nouvelles dispositions sont d'application immédiate ; qu'elle n'a donc pas dénaturé la loi tunisienne ;

Attendu, ensuite, que les critiques formulées par les deuxième et troisième branches sont sans portée dès lors que l'arrêt attaqué a retenu que le nouveau régime matrimonial légal tunisien de séparation de biens était applicable au moment de l'achat des biens litigieux, et non pas celui de la Ketouba ;

D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli en aucune de ses trois branches ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 85-17634
Date de la décision : 19/01/1988
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Analyses

CONFLIT DE LOIS - Application de la loi étrangère - Interprétation par le juge français - Code tunisien de statut personnel - Absence de rétroactivité - Portée - Régimes matrimoniaux - Application immédiate aux époux mariés avant son entrée en vigueur

* LOIS ET REGLEMENTS - Loi - Loi étrangère - Interprétation par le juge français - Code tunisien de statut personnel - Absence de rétroactivité - Portée - Régimes matrimoniaux - Application immédiate aux époux mariés avant son entrée en vigueur

* CONFLIT DE LOIS - Application de la loi étrangère - Dénaturation - Adoption de l'interprétation officielle donnée par le ministère de la Justice étranger (non)

L'article 2 du Code tunisien de statut personnel, qui écarte l'application rétroactive de cette législation, n'exclut pas nécessairement son application pour l'avenir aux personnes mariées antérieurement . Et la cour d'appel qui a estimé que, depuis l'entrée en vigueur du Code tunisien de statut personnel, le régime matrimonial applicable à deux époux de nationalité tunisienne, mariés antérieurement selon la loi mosaïque, est le régime légal de séparation de biens prévu par ledit Code, n'encourt pas le grief d'avoir dénaturé la loi étrangère dès lors qu'elle a adopté l'interprétation officielle donnée par le ministère de la Justice tunisien et par le consul général de Tunisie à Paris d'où il résulte que le régime matrimonial ancien, celui de la Ketouba, s'applique à toutes les situations déjà nées, aux actes accomplis avant l'entrée en vigueur de la loi nouvelle, mais qu'à partir de cette entrée en vigueur, les nouvelles dispositions sont d'application immédiate


Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 21 décembre 1984


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 19 jan. 1988, pourvoi n°85-17634, Bull. civ. 1988 I N° 14 p. 10
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 1988 I N° 14 p. 10

Composition du Tribunal
Président : Président :M. Fabre
Avocat général : Avocat général :Mme Flipo
Rapporteur ?: Rapporteur :M. Camille Bernard
Avocat(s) : Avocats :M. Choucroy, la SCP Boré et Xavier .

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1988:85.17634
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award