ANNULATION PARTIELLE par voie de retranchement sans renvoi sur le pourvoi formé par :
- X... Michel,
contre un arrêt de la chambre d'accusation de la cour d'appel de Nîmes en date du 17 octobre 1984 qui l'a renvoyé devant le tribunal correctionnel de Nîmes sous la prévention d'infractions à l'article 37 de la loi du 27 décembre 1973 et à l'article 1er de la loi du 1er août 1905.
LA COUR,
Sur la recevabilité du pourvoi :
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et de la procédure soumise à l'examen de la Cour de Cassation qu'en soutenant qu'il était victime dans les relations avec la société ESSO d'agissements qu'il exposait, Y... Jean-Claude, locataire-gérant d'une " station-service " de cette société, s'est constitué partie civile contre personne non dénommée des chefs notamment d'infractions à la loi d'orientation du commerce et de l'artisanat, de tromperies sur les quantités livrées et de " publicité mensongère " ; qu'une information a été ouverte de ces chefs ; que, sans qu'aucune inculpation ne fût intervenue, une ordonnance de non-lieu a été rendue le 3 février 1983 ; que cette ordonnance a été frappée d'appel par la seule partie civile ;
Attendu que, statuant sur cet appel par arrêt du 15 juin 1983 la chambre d'accusation, infirmant partiellement l'ordonnance précitée, a ordonné un supplément d'information " concernant les chefs de pratique de prix discriminatoires et tromperie sur l'origine de la chose vendue à l'effet d'inculper et d'entendre le président-directeur général de la société ESSO en fonction le 6 décembre 1979 " ; que X..., inculpé de ces chefs en exécution des dispositions de cette décision, a été, après accomplissement du supplément d'information, renvoyé par l'arrêt attaqué sous lesdites préventions devant le tribunal correctionnel ;
Attendu qu'un arrêt de cette nature, en ce qu'il a fait droit à l'appel de la partie civile aussi bien sur l'action publique que sur l'action civile, constitue une décision définitive et en dernier ressort que le tribunal, saisi de la connaissance de l'affaire, ne saurait modifier ; qu'en effet, en un tel cas l'appel de la partie civile met en jeu à nouveau l'action publique, alors même que cette partie serait sans qualité pour agir ; que dès lors, un tel arrêt entre dans la classe de ceux qui, aux termes de l'article 574 du Code de procédure pénale, peuvent être attaqués devant la Cour de Cassation ;
Qu'il s'ensuit que le pourvoi du demandeur doit être dit recevable ;
Au fond :
Sur le troisième moyen de cassation pris de la violation des articles 1er et 8 de la loi du 1er août 1905, 2, 3, 186, 201 et suivants et 593 du Code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a, sur le seul appel de la partie civile, infirmé l'ordonnance de non-lieu déclarant n'y avoir lieu à suivre du chef du délit de publicité mensongère seul visé dans la plainte, et renvoyé l'inculpé devant le Tribunal pour y répondre du délit de tromperie sur l'origine de la chose vendue ;
" alors, d'une part, qu'en faisant revivre en le disqualifiant un chef de poursuite abandonné par la partie civile appelante d'une ordonnance de non-lieu, la chambre d'accusation a outrepassé son pouvoir d'évocation et violé les droits de la défense ;
" alors, d'autre part, qu'en disqualifiant la poursuite entreprise du chef de délit de publicité mensongère pour ordonner le renvoi de l'inculpé du chef de tromperie sur l'origine de la chose vendue, la chambre d'accusation a violé l'article 8 de la loi de 1905 ;
" alors de troisième part, qu'aucune disposition de la loi du 1er août 1905 n'autorise le revendeur à se prévaloir de la prétendue tromperie dont il se serait lui-même rendu complice et que, en accueillant l'appel de la partie civile sans rechercher si celle-ci était recevable, sur le chef d'inculpation tiré d'une prétendue tromperie sur l'origine de la marchandise vendue, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard des textes suvisés ;
" alors, enfin, qu'il résulte des propres constatations de l'arrêt attaqué qu'il n'existait aucune indication d'origine sur les emballages et les produits litigieux, mais de simples indications des marques dont la société ESSO est titulaire, de sorte qu'en renvoyant le demandeur du chef de tromperie sur l'origine de la chose vendue, la cour d'appel a violé, par fausse application, l'article 1er de la loi du 1er août 1905 " ;
Sur la première branche :
Attendu qu'ayant estimé par une précédente décision, que les faits initialement dénoncés sous la qualification de " publicité mensongère " constituaient en réalité le délit de tromperie sur l'origine de la chose vendue et ayant ordonné un supplément d'information afin que X... fût notamment inculpé de ce chef, la chambre d'accusation, qui s'est conformée aux dispositions de l'article 202 du Code de procédure pénale, n'a pas, en renvoyant l'inculpé sous ladite prévention devant le tribunal correctionnel, encouru le grief énoncé en la première branche du moyen ;
Sur la troisième branche :
Attendu qu'il ne résulte ni des énonciations de l'arrêt attaqué, ni du mémoire produit par X... que celui-ci ait contesté devant la chambre d'accusation la constitution de partie civile de Y... ; qu'il ne saurait, dès lors, être autorisé à le faire pour la première fois devant la Cour de Cassation, alors d'ailleurs que ses droits restent entiers devant la juridiction de jugement ;
Sur les deuxième et quatrième branches :
Attendu que les griefs formulés reviennent à critiquer les énonciations de l'arrêt attaqué relatives aux charges que la chambre d'accusation a retenues contre le prévenu et à la qualification qu'elle a donnée aux faits poursuivis ; que lesdites énonciations ne contenant aucune disposition définitive que le tribunal correctionnel n'aura pas le pouvoir de modifier, ces griefs ne sont pas recevables ;
D'où il suit que le moyen, en aucune de ses branches, ne saurait être accueilli ;
Mais sur le moyen relevé d'office et pris de l'entrée en vigueur le 1er janvier 1987 de l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 relative à la liberté des prix et de la concurrence ;
Vu ledit texte et son décret d'application n° 86-1309 du 29 décembre 1986 ;
Attendu qu'en l'absence de dispositions contraires expresses une loi nouvelle, même de nature économique, qui abroge une ou des incriminations pénales, s'applique aux faits commis avant son entrée en vigueur et non définitivement jugés ;
Attendu que X... a été renvoyé par l'arrêt attaqué du 17 octobre 1984 devant le tribunal correctionnel notamment sous la prévention de pratiques discriminatoires, délits commis depuis 1979 et prévus à l'époque par l'article 37-1° de la loi n° 73-1193 du 27 décembre 1973 dont les dispositions ont été introduites dans l'article 37-1°, § g, de l'ordonnance n° 45-1483 du 30 juin 1945 par la loi n° 85-1408 du 30 décembre 1985, et réprimés par les articles 40 et 41 de l'ordonnance n° 45-1484 du 30 juin 1945 ;
Mais attendu que les deux ordonnances du 30 juin 1945 ont été abrogées à compter du 1er janvier 1987 par l'effet des articles 1er, alinéa 1er, 57 et 62 de l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 et de la publication du décret n° 86-1309 du 29 décembre 1986 ; que si l'ordonnance précitée prévoit en son article 36, alinéa 1-1°, la responsabilité civile ou commerciale des auteurs de pratiques discriminatoires lorsqu'elles concernent un partenaire économique, elle ne comporte aucune incrimination pénale désormais applicable aux faits poursuivis ;
D'où il suit que, dans la mesure où l'arrêt attaqué renvoie le demandeur devant le tribunal correctionnel pour pratiques discriminatoires, il est maintenant dépourvu de support légal et ne satisfait plus aux conditions essentielles de son existence légale ;
Qu'il y a lieu de l'annuler sur ce point, plus rien ne restant à juger du chef de l'infraction précitée ;
Par ces motifs, et sans qu'il y ait lieu d'examiner les premier et deuxième moyens proposés :
ANNULE l'arrêt de la chambre d'accusation de la cour d'appel de Nîmes en date du 17 octobre 1984, par voie de retranchement et sans renvoi, en ses seules dispositions par lesquelles il a renvoyé X... devant le tribunal correctionnel sous la prévention d'infractions à l'article 37 de la loi du 27 décembre 1973, les autres dispositions dudit arrêt étant expressément maintenues.