CASSATION sur le pourvoi formé par :
- X... Jean,
- X... Robert,
- la Société d'études et de travaux X... Frères,
contre un arrêt de la cour d'appel de Pau, chambre des appels correctionnels, en date du 12 novembre 1985 qui, pour homicide involontaire et infraction au Code minier, les a condamnés à 10 000 francs d'amende chacun, a prononcé sur l'action civile et a déclaré la Société d'études et de travaux X... Frères civilement responsable.
LA COUR,
Vu le mémoire personnel produit, commun aux demandeurs ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 319 du Code pénal, 2, 6, 7 et 10 du décret n° 55-318 du 22 mars 1955, 85 et 141 du Code minier, et 593 du Code de procédure pénale :
Vu lesdits articles ;
Attendu que le chef d'entreprise, tenu de veiller personnellement à la stricte et constante exécution des dispositions édictées par le Code du travail pour les règlements pris pour son application en vue d'assurer l'hygiène et la sécurité des travailleurs, est pénalement responsable des infractions constatées à cet égard sur ses chantiers ; qu'il ne peut être exonéré de cette responsabilité que s'il rapporte la preuve qu'il a délégué la direction du chantier à un préposé investi et pourvu de la compétence et de l'autorité nécessaires pour veiller efficacement à l'observation des dispositions en vigueur, auquel cas sa responsabilité est transférée à son délégué ; qu'il s'ensuit qu'en cette matière, la même infraction ne peut être retenue à la fois contre le chef d'entreprise et contre le préposé délégué par lui ;
Attendu qu'il appert de l'arrêt attaqué et du jugement que le 9 février 1984, sur le chantier de la gravière exploitée par la SARL d'Etudes et de travaux X... Frères, Y..., salarié de cette société qui surveillait le chargement en sables concassés d'un véhicule venu s'approvisionner sous une trémie métallique comportant deux trappes d'ouverture, est monté sur ladite trémie dont la partie supérieure ne comportait pas d'obturation suffisante, afin de provoquer l'évacuation du produit adhérant aux parois ; qu'au cours de cette opération, il s'est trouvé enseveli dans la masse des matériaux s'étant écoulés, et qu'il est décédé par asphyxie ; que Robert X..., gérant de la SARL d'Etudes et de travaux, et Jean X..., directeur technique de cette société, ont tous deux été poursuivis à raison de ces faits devant la juridiction répressive sur le fondement des articles 319 du Code pénal, 2, 6, 7 et 10 du décret n° 55-318 du 22 mars 1955 portant réglementation de la sécurité des silos et trémies dans les mines, minières et carrières ;
Attendu que, saisie des poursuites, la cour d'appel, qui a confirmé le jugement entrepris en ce qu'il avait constaté qu'en l'espèce la méconnaissance des prescriptions de l'article 2 du décret susvisé imposant le verrouillage des trappes de visite et des parties amovibles des trémies avait été à l'origine du dommage, a énoncé que la prévention était établie à l'encontre de Robert X... pour n'avoir pas, en sa qualité de gérant, équipé la trémie utilisée le jour de l'accident d'un système d'obturation, et également, à l'encontre de Jean X..., pour n'avoir pas veillé à l'observation des normes de sécurité, alors qu'il était chargé d'en assurer le respect ;
Mais attendu qu'en prononçant ainsi, en omettant d'ailleurs de s'expliquer sur l'existence d'une délégation de pouvoirs par laquelle Robert X... aurait pu s'exonérer de sa responsabilité pénale en la transférant à Jean X..., directeur technique de la société, les juges d'appel ne pouvaient sans méconnaître les principes ci-dessus rappelés, dire les prévenus tous deux coupables, d'une part, d'infraction au Code minier ou au décret du 23 mars 1955 pris pour son application et d'autre part, du délit d'homicide involontaire, causé selon eux, par la seule inobservation des réglements ;
Que dès lors, la cassation est encourue ;
Par ces motifs :
CASSE ET ANNULE l'arrêt de la cour d'appel de Pau en date du 12 novembre 1985, et pour qu'il soit à nouveau statué conformément à la loi :
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Toulouse.