CASSATION sans renvoi sur le pourvoi formé par :
- la Mutuelle assurance artisanale de France (MAAF), partie intervenante,
contre un arrêt de la cour d'appel de Bastia, chambre correctionnelle, en date du 7 janvier 1987, qui, dans une procédure suivie contre Nicole X... des chefs de blessures involontaires et de défaut de permis de conduire, a déclaré l'assureur tenu à garantie.
LA COUR,
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le moyen unique de cassation pris de la violation des articles R. 211-10 du Code des assurances, 8 et 47 de la loi du 5 juillet 1985, du décret du 7 janvier 1986, des articles 1134 du Code civil, 485 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de réponse à conclusions, défaut de motifs et manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a rejeté l'exception de non-garantie soulevée par la MAAF et tirée de ce que la conductrice du véhicule assuré, Mme X..., était démunie de permis de conduire valable au moment de l'accident litigieux ;
" aux motifs qu'en vertu de la loi du 5 juillet 1985, l'assurance est attachée au véhicule et non à la personne de l'assuré ; que l'article 8 de la loi dispose que " les contrats d'assurance couvrant la responsabilité mentionnée au premier alinéa du présent article doivent également couvrir la responsabilité civile de toute personne ayant la garde ou la conduite même non autorisée du véhicule... ainsi que la responsabilité civile des passagers du véhicule, objet de l'assurance " ;
" alors, en premier lieu, que, dans ses écritures d'appel, l'assureur invoquait, de manière expresse, l'application à dater du 8 janvier 1986 du décret du 7 janvier 1986 précisant que l'assureur du véhicule en responsabilité civile ne peut plus opposer au tiers l'absence de permis de conduire ou la non-validité de celui-ci et qu'en omettant de s'expliquer sur ce moyen et l'applicabilité au litige du décret du 7 janvier 1986, la cour d'appel a entaché sa décision d'un grave défaut de motifs ;
" et alors, en second lieu et en tout état de cause, qu'en se déterminant, pour rejeter l'exception de non-garantie soulevée par l'assureur et tirée du défaut de permis de conduire de Mme X..., sur l'application de l'article 8 de la loi du 5 juillet 1985 aux accidents ayant donné lieu à des actions en justice, introduites après le 1er janvier 1986, bien que ce texte ne vise que le " conducteur non autorisé "- et que ce n'est que le décret du 7 janvier 1986 dont les dispositions sont applicables, seulement, à compter du 8 janvier 1986 qui a déclaré inopposable aux victimes la clause de non-garantie résultant du défaut de permis de conduire du conducteur, la Cour a manifestement violé par fausse application ledit article 8 de la loi du 5 juillet 1985 et par refus d'application le décret du 7 janvier 1986 " ;
Vu lesdits articles, ensemble l'article 2 du Code civil ;
Attendu qu'aux termes de ce dernier texte, " la loi ne dispose que pour l'avenir ; elle n'a point d'effet rétroactif " ;
Attendu que Nicole X..., conduisant le 29 novembre 1985 avec l'autorisation de Laurent Y... l'automobile de ce dernier, assurée auprès de la MAAF, a provoqué un accident dont Pierrette Y... a été victime ; que sur les poursuites exercées contre Mme X... des chefs de blessures involontaires et de défaut de permis de conduire, Mme Y... s'est constituée partie civile et a mis en cause la MAAF qui, se fondant sur une clause du contrat d'assurance, a soulevé une exception de non-garantie tirée de ce que la prévenue ne possédait pas de permis de conduire ;
Attendu que pour déclarer néanmoins l'assureur tenu à garantie la juridiction du second degré retient, par motifs propres et adoptés, que l'article 8 de la loi du 5 juillet 1985 " s'applique aux actions en justice introduites après sa publication " ;
Mais attendu qu'en se prononçant ainsi alors qu'au nombre des dispositions de la loi du 5 juillet 1985 rendues rétroactives par l'article 47 de ladite loi ne figure pas l'article 8 modifiant l'article L. 211-1 du Code des assurances, modification au surplus étrangère à la cause dès lors que Mme X... conduisait le véhicule avec l'autorisation de son propriétaire, la cour d'appel a méconnu le sens et la portée des textes susvisés ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Attendu cependant que la Cour de Cassation trouve dans les constatations des juges du fond les éléments lui permettant d'appliquer la règle de droit appropriée et de mettre fin au litige conformément aux dispositions de l'article L. 131-5 du Code de l'organisation judiciaire ;
Qu'en effet il résulte de l'article 10 du décret n° 86-21 du 7 janvier 1986, modifiant l'article R. 211-13 du Code des assurances en ce que les clauses de non-garantie pour défaut de permis de conduire sont désormais inopposables aux victimes, que ce texte n'est applicable que depuis le 8 janvier 1986, date de sa publication, et ne peut donc régir les conséquences d'un accident antérieur à cette date ;
Par ces motifs :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Bastia, en date du 7 janvier 1987 ;
DIT que la Mutuelle assurance artisanale de France n'est pas tenue à garantie ;
DECLARE le présent arrêt opposable au Fonds de garantie automobile ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi.