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15/12/1987 | FRANCE | N°86-14604

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 15 décembre 1987, 86-14604


Attendu, selon l'arrêt déféré, que l'administration des Douanes, comme suite à la constatation d'une infraction douanière, a saisi une remorque routière ayant servi au transport des marchandises de fraude ; que la société Transport International Pool Trailer Rentals (la société), propriétaire du véhicule, qu'elle avait donné en location à une entreprise dont le préposé avait commis la fraude, en a obtenu la restitution moyennant le versement d'une somme de 15 000 francs à titre de cautionnement ; que, par jugement du 17 juin 1980, le tribunal correctionnel a condamné les aut

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Attendu, selon l'arrêt déféré, que l'administration des Douanes, comme suite à la constatation d'une infraction douanière, a saisi une remorque routière ayant servi au transport des marchandises de fraude ; que la société Transport International Pool Trailer Rentals (la société), propriétaire du véhicule, qu'elle avait donné en location à une entreprise dont le préposé avait commis la fraude, en a obtenu la restitution moyennant le versement d'une somme de 15 000 francs à titre de cautionnement ; que, par jugement du 17 juin 1980, le tribunal correctionnel a condamné les auteurs de la fraude et a prononcé la confiscation en valeur de la remorque, attribuant la somme de 15 000 francs à l'administration des Douanes pour tenir lieu de cette confiscation ; que, le 20 novembre 1980, la société a assigné l'administration des Douanes pour obtenir restitution de la somme qu'elle avait consignée ; .

Sur le premier moyen, pris en ses deux branches :

Vu les articles 1350 et 1351 du Code civil ;

Attendu que les décisions de la juridiction pénale ont au civil l'autorité de chose jugée à l'égard de tous et qu'il n'est pas permis au juge civil de méconnaître ce qui a été jugé par le tribunal répressif ;

Attendu que, pour accueillir la demande de la société, l'arrêt infirmatif a retenu que la société n'était pas partie à la procédure pénale, et que le jugement du 17 juin 1980, s'il avait acquis l'autorité de la chose jugée à l'égard de tous en ce qu'il constatait la réalité de l'infraction, n'était pas opposable à la société en ce qu'il prononçait l'attribution de la somme de 15 000 francs à l'administration des Douanes ;

Attendu que la confiscation en nature ou en valeur des moyens de transport ayant servi à commettre une infraction douanière, prévue aux articles 414 et 416 du Code des douanes, si elle présente un caractère indemnitaire, n'en constitue pas moins une peine, ce dernier caractère l'emportant sur le premier ; que, dès lors, si, comme en l'espèce, par une décision définitive, une juridiction répressive a prononcé cette confiscation, celle-ci, opposable à tous, et même au propriétaire de bonne foi resté étranger à l'infraction, ne peut plus être discutée devant le juge civil ni méconnue par lui ; d'où il suit qu'en statuant ainsi qu'elle l'a fait, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

Et, sur le second moyen :

Vu l'article 2 du Code civil, l'article 4 du Code pénal, ensemble l'article 376 du Code des douanes ;

Attendu qu'à l'appui de sa décision, la cour d'appel a en outre retenu que si l'article 376-1 du Code des douanes dispose que les objets saisis ou confisqués ne peuvent être revendiqués par les propriétaires, sauf leur recours contre les auteurs de la fraude, l'article 326-3 du même Code, dans sa rédaction issue de la loi du 31 décembre 1981, prévoit que la mainlevée du moyen de transport est accordée sans caution ni consignation au propriétaire de bonne foi sous certaines conditions ; que l'arrêt en a déduit que ces dispositions favorables dérogeant à l'article 376 étaient susceptibles d'application immédiate aux faits même antérieurs à leur entrée en vigueur et que le jugement du 17 juin 1980, inopposable à la société en ce qu'il attribuait la somme de 15 000 francs à l'administration des Douanes, n'était pas de nature à mettre obstacle à leur application en l'espèce ;

Attendu qu'une loi pénale plus favorable n'est applicable aux faits commis antérieurement qu'à la condition que ceux-ci n'aient pas encore donné lieu à des poursuites terminées par une décision passée en force de chose jugée au jour où cette loi nouvelle est entrée en vigueur ; que, dès lors, en statuant ainsi qu'elle l'a fait alors que le jugement répressif prononçant la confiscation avait acquis l'autorité de chose jugée avant l'entrée en vigueur de la loi du 31 décembre 1981, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE l'arrêt rendu, le 14 avril 1986, entre les parties, par la cour d'appel de Colmar ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Metz


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 86-14604
Date de la décision : 15/12/1987
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Commerciale

Analyses

1° CHOSE JUGEE - Autorité du pénal - Infraction douanière - Confiscation des moyens de transport ayant servi à la commettre - Portée - Opposabilité au propriétaire de bonne foi.

DOUANES - Confiscation - Caractère - Caractère mixte de réparation et de peine - Primauté du caractère pénal - Portée.

1° Si la confiscation en nature ou en valeur des moyens de transport ayant servi à commettre une infraction douanière, prévue aux articles 414 et 416 du Code des douanes, présente un caractère indemnitaire, elle n'en constitue pas moins une peine, ce dernier caractère l'emportant sur le premier . Dès lors si, par une décision définitive, une juridiction répressive a prononcé la confiscation d'un véhicule loué ayant servi au transport de marchandises de fraude, cette confiscation, par l'effet des articles 1350 et 1351 du Code civil, est opposable à tous, même au propriétaire de bonne foi resté étranger à l'infraction et ne peut plus être discutée devant le juge civil ni méconnue par lui, de telle sorte que l'administration des Douanes ne peut être condamnée à restituer au propriétaire la somme qu'il avait consignée, à titre de cautionnement, pour obtenir la restitution de son véhicule

2° LOIS ET REGLEMENTS - Application - Loi pénale de fond - Loi plus douce - Condition - Absence de décision passée en force de chose jugée.

LOIS ET REGLEMENTS - Rétroactivité - Loi pénale plus douce - Conditions * DOUANES - Saisie - Moyens de transport - Mainlevée - Demande du propriétaire de bonne foi - Demande fondée sur une loi pénale plus douce l'autorisant - Condamnation définitive antérieure à l'entrée en vigueur de la loi - Portée.

2° Une loi pénale plus favorable n'est applicable aux faits commis antérieurement qu'à la condition que ceux-ci n'aient pas encore donné lieu à des poursuites terminées par une décision passée en force de chose jugée au jour où cette loi nouvelle est entrée en vigueur . Doit donc être cassée la décision qui condamne l'administration des Douanes à restituer au propriétaire d'un véhicule loué, et ayant servi au transport de marchandises de fraude, la somme qu'il avait consignée pour obtenir la restitution de son véhicule en retenant que si l'article 376-1 du Code des douanes dispose que les objets saisis ou confisqués ne peuvent être revendiqués par les propriétaires, sauf leur recours contre les auteurs de la fraude, l'article 326-3 du même Code, dans sa rédaction issue de la loi du 31 décembre 1981, prévoit que la mainlevée du moyen de transport est accordée sans caution ni consignation au propriétaire de bonne foi sous certaines conditions, et était applicable immédiatement et à des faits antérieurs, alors que le jugement répressif prononçant la confiscation avait acquis l'autorité de chose jugée avant l'entrée en vigueur de la loi susvisée


Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Colmar, 14 avril 1986

A RAPPROCHER : (1°). Chambre civile 1, 1958-07-22 , Bulletin 1958, I, n° 400, p. 321 (rejet). (2°). Chambre criminelle, 1975-04-28 , Bulletin criminel 1975, n° 110, p. 309 (cassation).


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 15 déc. 1987, pourvoi n°86-14604, Bull. civ. 1987 IV N° 272 p. 203
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 1987 IV N° 272 p. 203

Composition du Tribunal
Président : Président :M. Perdriau, conseiller doyen faisant fonction
Avocat général : Avocat général :M. Jeol
Rapporteur ?: Rapporteur :M. Hatoux
Avocat(s) : Avocats :la SCP Boré et Xavier, M. Cossa .

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1987:86.14604
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