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15/12/1987 | FRANCE | N°86-13479

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 15 décembre 1987, 86-13479


Sur le moyen unique, pris en ses quatre branches :

Attendu, selon l'arrêt déféré (Orléans, 13 novembre 1985), que la société anonyme Halles aux cuirs réunies (HACR) a demandé à M. X... la restitution du montant d'une rémunération qu'il aurait irrégulièrement perçue en 1977 en qualité de président de la société, et a poursuivi la validation d'une saisie-arrêt qu'elle avait fait pratiquer en garantie de sa créance ;

Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir accueilli ces demandes, alors, selon le pourvoi, d'une part, que, ainsi que

le relève l'arrêt attaqué, la juridiction correctionnelle avait relaxé M. X... du c...

Sur le moyen unique, pris en ses quatre branches :

Attendu, selon l'arrêt déféré (Orléans, 13 novembre 1985), que la société anonyme Halles aux cuirs réunies (HACR) a demandé à M. X... la restitution du montant d'une rémunération qu'il aurait irrégulièrement perçue en 1977 en qualité de président de la société, et a poursuivi la validation d'une saisie-arrêt qu'elle avait fait pratiquer en garantie de sa créance ;

Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir accueilli ces demandes, alors, selon le pourvoi, d'une part, que, ainsi que le relève l'arrêt attaqué, la juridiction correctionnelle avait relaxé M. X... du chef d'abus de biens sociaux au motif, notamment, que la perception du complément de rémunération litigieux avait " été entérinée en 1978 par le conseil d'administration et l'assemblée générale ", ce qui impliquait que cette rémunération était due par la société à M.
X...
; qu'en condamnant néanmoins celui-ci à restituer cette somme, sur le fondement de la répétition de l'indû, la cour d'appel a violé le principe de l'autorité absolue de la chose jugée au pénal sur le civil et l'article 1351 du Code civil, alors, d'autre part, que la rémunération qu'un président s'attribue de son propre chef lui reste acquise si, ultérieurement, le conseil d'administration a entériné la perception de cette rémunération ; que, dès lors, en s'abstenant de rechercher en l'espèce si, ainsi que l'avait retenu la juridiction correctionnelle et ainsi que M. X... le faisait valoir, la perception initialement non autorisée du complément de rémunération litigieux n'avait pas été entérinée ultérieurement, en 1978, par le conseil d'administration, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 110 de la loi du 24 juillet 1966 et 1377 du Code civil, alors, encore que la répétition de l'indû suppose l'erreur du solvens ; qu'en l'espèce, la cour d'appel qui retient qu'une assemblée générale du 16 juin 1978 avait approuvé sans réserve les comptes de l'année 1977, a fait droit à l'action en répétition de l'indû de la société sans rechercher si une erreur avait été commise par l'assemblée lors de cette approbation, et en se bornant à relever que cette approbation était intervenue sans que les commissaires aux comptes aient attiré l'attention sur le point litigieux, constatation qui ne suffisait en aucune manière à caractériser une erreur ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1376 du Code civil et alors, enfin, que les premiers juges avaient relevé " qu'il est justifié que, depuis plusieurs années, plusieurs dirigeants et cadres de la société Halles aux cuirs réunies touchaient des primes annuelles, et que les primes touchées par M. X..., en 1977, n'ont pas présenté un caractère anormal par rapport aux primes touchées les années précédentes ; que le commissaire aux comptes de la société, dans sa déclaration à la police, du 12 février 1980, n'a élevé aucune critique à l'égard de ces rémunérations, qui n'ont pas davantage été critiquées par la nouvelle direction de la société, lors de la présentation du bilan de l'exercice 1977 " ; qu'en s'abstenant de réfuter des motifs que M. X... s'était approprié en demandant la confirmation du jugement entrepris et desquels il résultait que la prime avait été versée en connaissance de cause, la cour d'appel a méconnu les dispositions de

l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu, en premier lieu, que la décision du juge pénal, fondée sur l'absence de mauvaise foi de M. X... en ce qui concernait les éléments constitutifs du délit d'abus des biens et du crédit de la société, ne faisait pas obstacle à ce que la cour d'appel retînt que la somme litigieuse avait été indûment perçue au regard des dispositions de la loi du 24 juillet 1966 et était de ce fait sujette à répétition ;

Attendu, en deuxième lieu, qu'en vertu de l'article 110 de la loi du 24 juillet 1966, le conseil d'administration d'une société anonyme a une compétence exclusive pour déterminer la rémunération du président, mais n'a pas le pouvoir de ratifier la décision du président qui, sans obtenir préalablement une décision du conseil, s'est allouée une rémunération supplémentaire ; qu'ayant relevé que la rémunération litigieuse n'avait pas été déterminée par le conseil d'administration, la cour d'appel en a déduit à bon droit qu'elle avait été indûment perçue sans être tenue d'effectuer la recherche qu'il lui est reproché d'avoir omise ;

Attendu, enfin, que l'approbation des comptes d'une société anonyme et le quitus donné aux administrateurs ne font obstacle ni à ce que soient ultérieurement rectifiées par l'assemblée générale des actionnaires des inexactitudes qu'elle n'a pas été mise en mesure de connaître, ni à ce que soit recherchée la responsabilité des administrateurs pour leur gestion ; que l'arrêt a relevé que les comptes de l'année 1977 avaient été approuvés sans que l'attention de l'assemblée générale ait été appelée sur le fait litigieux et qu'une assemblée ultérieure avait retiré le quitus donné pour 1977 au vu des anomalies constatées dans les comptes, puis en a déduit que l'on ne pouvait considérer que le président avait été implicitement autorisé à conserver la rémunération en cause, retenant ainsi que le paiement de cette rémunération n'avait pas été volontaire ;

Qu'en l'état de ces constatations et énonciations, la cour d'appel, qui a répondu aux conclusions invoquées, a décidé à bon droit que la société HACR était fondée à réclamer le remboursement de la somme indûment versée à M. X... ;

Que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 86-13479
Date de la décision : 15/12/1987
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Analyses

1° SOCIETE ANONYME - Conseil d'administration - Attributions - Fixation de la rémunération du président.

SOCIETE ANONYME - Président du conseil d'administration - Rémunération - Autorisation préalable du conseil - Absence - Portée * SOCIETE ANONYME - Conseil d'administration - Pouvoirs - Ratification d'une décision prise par le président - Président s'étant alloué une rémunération supplémentaire sans l'autorisation préalable (non) * PAIEMENT DE L'INDU - Société anonyme - Rémunération du président du conseil d'administration - Absence d'autorisation préalable du conseil d'administration.

1° En vertu de l'article 110 de la loi du 24 juillet 1966, le conseil d'administration d'une société anonyme a une compétence exclusive pour déterminer la rémunération du président, mais n'a pas le pouvoir de ratifier la décision de celui-ci qui, sans obtenir préalablement une décision du conseil, s'est alloué une rémunération supplémentaire. C'est donc à bon droit qu'une cour d'appel, ayant relevé que la rémunération d'un président n'avait pas été déterminée par le conseil d'administration, en a déduit qu'elle avait été indûment perçue .

2° SOCIETE ANONYME - Administrateur - Responsabilité - Action - Quitus donné par l'assemblée générale - Obstacle (non).

SOCIETE (règles générales) - Gestion - Quitus - Obstacle à la révision des comptes (non) * SOCIETE (règles générales) - Gestion - Quitus - Obstacle à la mise en jeu de la responsabilité des administrateurs (non) * SOCIETE (règles générales) - Gestion - Révision des comptes - Quitus donné par l'assemblée générale - Obstacle (non) * PAIEMENT DE L'INDU - Erreur - Erreur du solvens - Société anonyme - Versement sans autorisation du conseil d'administration d'une rémunération au président.

2° L'approbation des comptes d'une société anonyme et le quitus donné aux administrateurs ne font obstacle ni à ce que soient ultérieurement rectifiées par l'assemblée générale des actionnaires des inexactitudes qu'elle n'a pas été mise en mesure de connaître, ni à ce que soit recherchée la responsabilité des administrateurs pour leur gestion . Ayant relevé que les comptes d'une certaine année avaient été approuvés sans que l'attention de l'assemblée générale ait été appelée sur la rémunération irrégulière du président et qu'une assemblée ultérieure avait retiré le quitus donné pour cette même année au vu des anomalies constatées dans les comptes, puis, en en déduisant que l'on ne pouvait considérer que le président avait été implicitement autorisé à conserver la rémunération en cause, retenant ainsi que le paiement de celle-ci n'avait pas été volontaire, c'est à bon droit que les juges du fond décident que la société était fondée à réclamer le remboursement de la somme versée indûment à son président


Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Orléans, 13 novembre 1985

A RAPPROCHER : Chambre commerciale, 1987-03-03 , Bulletin 1987, IV, n° 64, p. 49 (rejet) et l'arrêt cité.


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 15 déc. 1987, pourvoi n°86-13479, Bull. civ. 1987 IV N° 280 p. 209
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 1987 IV N° 280 p. 209

Composition du Tribunal
Président : Président :M. Perdriau, conseiller doyen faisant fonction
Avocat général : Avocat général :M. Jéol
Rapporteur ?: Rapporteur :M. Hatoux
Avocat(s) : Avocats :la SCP Defrenois et Levis, M. Ryziger .

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1987:86.13479
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