REJET du pourvoi formé par :
- le procureur général près la cour d'appel d'Aix-en-Provence,
contre un arrêt de la chambre d'accusation de cette Cour, en date du 17 février 1987, qui, dans une procédure d'information ouverte sur plainte avec constitution de partie civile de B... Guy et ayant abouti à l'inculpation de X... Peter, Y... Jacques, Z... Claude et A... Francis des chefs de refus de vente et de pratiques discriminatoires, a constaté l'extinction de l'action publique fondée sur l'abrogation des textes de loi servant de base aux poursuites et a renvoyé la partie civile poursuivante à se pourvoir comme elle l'avisera en suivant les nouvelles dispositions de l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986.
LA COUR,
Vu le mémoire du procureur général et les quatre moyens développés pris de l'inexacte application des différentes dispositions de l'ordonnance du 1er décembre 1986, et de l'insuffisance ou du défaut de motifs ;
Vu le mémoire en défense ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu qu'à l'occasion de la rupture, en 1979, d'un contrat de concession liant depuis 1975 Guy B... en qualité de dirigeant de son entreprise à la société Mercedes Benz-France, dite MBF, et après une analyse détaillée des circonstances de fait et des phases de la procédure qui avaient entraîné, après ordonnance de non-lieu infirmée et supplément d'information, l'inculpation successive de X... Peter, Y... Jacques, Z... Claude et A... Francis, dirigeants de MBF, des chefs de refus de vente et pratique de prix discriminatoires, la chambre d'accusation, dans l'arrêt aujourd'hui attaqué, énonce que l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986, en vigueur au jour de cette décision, a expressément prononcé l'abrogation des deux ordonnances n° s 45-1483 et 45-1484 du 30 juin 1945, et notamment de l'article 37 du premier de ces textes sur lequel se fondaient uniquement la poursuite engagée et l'inculpation des quatre dirigeants de la société MBF ;
Qu'elle ajoute que si l'article 36 de la nouvelle ordonnance a maintenu l'obligation pour tout auteur d'un refus de vente ou d'une pratique de prix discriminatoires lorsqu'ils concernent des partenaires économiques d'en réparer les conséquences, cet article 36 a confié le monopole de cette réparation à la juridiction civile ou commerciale et a entendu, dès lors, exonérer les agissements ainsi commis de la répression pénale qu'ils encouraient antérieurement ;
Attendu, par ailleurs, que l'arrêt attaqué spécifie que bien que l'article 8 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 prohibe l'exploitation abusive par une entreprise, sous forme de refus de vente ou de pratique de conditions discriminatoires, de l'état de dépendance économique dans lequel se trouve à son égard une entreprise cliente qui ne dispose pas de solution équivalente et, qu'éventuellement, de tels agissements peuvent encourir la sanction pénale édictée par l'article 17 de ce même texte, il apparaît toutefois que ces dispositions créent une incrimination nouvelle, en certains de ses éléments constitutifs absents des prévisions de l'article 37 de l'ordonnance n° 45-1483 du 30 juin 1945, et que, par suite, il ne saurait en être fait application à des agissements antérieurs à la promulgation du nouveau texte ;
Attendu que de ces considérations, comme de celles qui découlent de l'article 11 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 qui prévoit le rôle essentiel joué désormais, en cette matière, par le Conseil de la concurrence, organisme créé par l'article 2 de ladite ordonnance, la chambre d'accusation a déduit qu'il convenait de constater d'office l'extinction de l'action publique, en raison de l'abrogation du texte sur lequel étaient fondées la plainte et les inculpations, et de renvoyer la partie civile à se pourvoir elle-même ainsi qu'elle avisera, en suivant les nouvelles dispositions de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ;
Attendu qu'en prononçant ainsi la chambre d'accusation a fait l'exacte application de la loi ;
Qu'en effet, d'une part, en l'absence de dispositions contraires expresses, une loi nouvelle, même en matière économique, qui abroge une incrimination pénale, s'applique d'office dès son entrée en vigueur aux faits commis antérieurement et non définitivement jugés ; qu'il en est ainsi, en l'espèce, les articles 1er, alinéa 1er, et 57 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ayant expressément abrogé à compter du 1er janvier 1987 les textes servant de base à la plainte et aux inculpations, à savoir l'article 37-1° a et g de l'ordonnance n° 45-1483 du 30 juin 1945, ainsi que les textes de répression, à savoir l'article 1er, alinéa 2, et l'article 40 de l'ordonnance n° 45-1484 du 30 juin 1945 ;
Que, d'autre part, si l'article 36 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 prévoit et maintient la responsabilité civile ou commerciale de l'auteur de pratiques discriminatoires ou d'un refus de vente, lorsque ces pratiques ou ce refus s'adressent, non à un consommateur, mais à un partenaire économique, acquéreur potentiel, l'ordonnance du 1er décembre 1986 comme son décret d'application en date du 29 décembre 1986 ne prévoient, pour les faits de cette nature commis antérieurement à leur entrée en vigueur, aucune sanction délictuelle ou contraventionnelle ;
Qu'enfin de l'analyse des éléments constitutifs de l'infraction prévue par l'article 17 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 et de la combinaison des dispositions édictées par les articles 2, 8, 11 à 16 de la même ordonnance, il résulte que les sanctions pénales que fait encourir la méconnaissance des prescriptions nouvelles de cet article 17 ne peuvent concerner que des faits postérieurs à la création du Conseil de la concurrence ;
Que dès lors les moyens ne sauraient être accueillis ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi.