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24/11/1987 | FRANCE | N°87-81379

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 24 novembre 1987, 87-81379


CASSATION sur les pourvois formés par :
- X... Madeleine, agissant tant en son nom personnel qu'en qualité d'administrateur légal des biens de ses enfants mineurs Corinne, Sandrine, Grégory et Anthony Y..., Y... Pierre, Y... Christian, Y... Nadia, Y... Réza, le Mouvement contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples (MRAP) et REJET du pourvoi formé par la Ligue française pour la défense des droits de l'homme et du citoyen, parties civiles,
contre un arrêt de la cour d'appel de Douai (4e chambre) en date du 18 février 1987 qui, dans les poursuites exercées contre Z...

Jean-Claude et A... Jean-Pierre du chef de provocation à la discr...

CASSATION sur les pourvois formés par :
- X... Madeleine, agissant tant en son nom personnel qu'en qualité d'administrateur légal des biens de ses enfants mineurs Corinne, Sandrine, Grégory et Anthony Y..., Y... Pierre, Y... Christian, Y... Nadia, Y... Réza, le Mouvement contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples (MRAP) et REJET du pourvoi formé par la Ligue française pour la défense des droits de l'homme et du citoyen, parties civiles,
contre un arrêt de la cour d'appel de Douai (4e chambre) en date du 18 février 1987 qui, dans les poursuites exercées contre Z... Jean-Claude et A... Jean-Pierre du chef de provocation à la discrimination, à la haine ou à la violence à l'égard d'un groupe de personnes en raison de leur origine ou de leur appartenance à une ethnie ou à une race déterminée, a prononcé la nullité de la plainte et de la procédure subséquente et débouté lesdites parties civiles de leurs demandes.
LA COUR,
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu le mémoire produit commun aux consorts X...-Y... et au Mouvement contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples ;
Sur le pourvoi de la Ligue française pour la défense des droits de l'homme et du citoyen ;
Attendu qu'aucun moyen n'est produit à l'appui du pourvoi ;
Sur les pourvois des consorts X...-Y... et du Mouvement contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 24, alinéa 5, 33, alinéa 3 et 50 de la loi du 29 juillet 1881, 5 du Code pénal, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré nulles les poursuites engagées à l'encontre de Z... Jean-Claude et A... Jean-Pierre ;
" aux motifs que l'article 50 de la loi du 29 juillet 1881 impose au ministère public d'articuler et de qualifier dans son réquisitoire les provocations et injures à raison desquelles la poursuite est intentée comme d'indiquer les textes dont l'application est demandée, à peine de nullité dudit réquisitoire ; que l'inobservation de ces dispositions légales entraîne la nullité absolue des poursuites, peut être soulevée en tout état de cause et doit même être prononcée d'office par le juge ; qu'en l'espèce, la plainte d'origine des consorts Y... et du MRAP vise des textes qui concernent des incriminations différentes et des peines contradictoires, dans la mesure où elle fait état, d'une part, de l'article 24, alinéa 5, de la loi de 1881 réprimant la provocation à la haine ou à la violence et, d'autre part, de l'article 33, alinéa 3, du même texte réprimant l'injure envers une personne à raison de ses origines raciales, la première infraction étant punie d'une peine d'emprisonnement d'1 mois à 1 an et d'une amende de 2 000 francs à 300 000 francs, la seconde d'une peine d'emprisonnement maximum de 6 mois et d'une amende maximum de 150 000 francs ; que le réquisitoire introductif, par ailleurs, daté du 24 novembre 1984, se référant à ladite plainte qui n'a visé aucun texte de la loi du 29 juillet 1881, est ainsi entaché d'une nullité absolue d'ordre public en vertu de l'article 50 susvisé auquel il est permis de penser que Z... entendait se référer dans ses écritures ; que si la plainte des plaignants ne saurait elle-même suppléer à l'irrégularité dudit réquisitoire, dans la mesure où elle n'est pas conforme au texte précité pour avoir appliqué aux faits des qualifications et des pénalités contradictoires ; qu'ainsi, les poursuites étant nulles, la Cour n'a ni à examiner le fond de l'affaire ni à statuer sur une éventuelle prescription du délit ;
" alors que, d'une part, si en matière de presse la qualification cumulative ou celle alternative d'un fait unique entache en principe de nullité l'acte initial des poursuites en application de l'article 50 de la loi modifiée du 29 juillet 1881 faute pour le prévenu d'être dûment informé de leur nature et de leur étendue, cette règle ne s'applique pas lorsqu'un même discours ou écrit contient divers propos ou passages qui, chacun pris isolément, constitue une infraction distincte susceptible de recevoir une qualification différente, dès l'instant où les qualifications applicables à cette pluralité des faits regroupés en un même support matériel ne sont pas inconciliables entre elles, sans qu'il soit besoin que l'acte initial des poursuites les distingue expressément ; que, dès lors, en l'espèce, la cour d'appel ne pouvait déclarer nulles les poursuites intentées à l'encontre des prévenus du double chef de provocation à la haine raciale et d'injures publiques en considération de la race de la personne visée, par l'effet d'une plainte avec constitution de partie civile qui, portant elle-même mention de cette double qualification, suppléait en tout état de cause aux lacunes du réquisitoire introductif s'y référant, s'agissant de l'indication des textes applicables, sans rechercher si la circonstance incriminée, résultant de l'apposition d'une croix gammée portant l'inscription :
" Mort aux bougnouls-vive Le Pen ", ne s'analysait pas comme une pluralité de faits distincts, susceptibles chacun de recevoir une qualification différente correspondant à celle visée dans la plainte initiale ;
" alors que, d'autre part en tout état de cause, à supposer même que cet événement ne puisse constituer qu'un fait unique, la cour d'appel ne pouvait davantage se dispenser de rechercher si les expressions portées sur la croix gammée litigieuse, quoique entremêlées, ne caractérisaient pas un cas de cumul idéal d'infractions, la mention " mort aux bougnouls " révélant une provocation à la haine raciale et le terme de " bougnouls " exprimant une injure, l'un et l'autre de ces délits n'étant pas contradictoires dans leurs éléments constitutifs " ;
Vu lesdits articles ;
Attendu, d'une part, que, nonobstant les dispositions de l'article 50 de la loi du 29 juillet 1881, un fait unique constituant un cumul idéal d'infractions peut recevoir plusieurs qualifications pénales différentes dès lors que ces qualifications ne sont pas inconciliables entre elles ;
Attendu, d'autre part, que tout jugement ou arrêt doit contenir les motifs propres à justifier la décision ; que l'insuffisance des motifs équivaut à leur absence ;
Attendu que les consorts X...-Y... et le Mouvement contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples ont porté plainte et se sont constitués parties civiles devant le juge d'instruction pour provocation à la discrimination, à la haine ou à la violence et pour injures publiques envers un groupe de personnes à raison de leur appartenance à une race déterminée, sur le fondement des articles 24, alinéa 5, et 33, alinéa 3, de la loi du 29 juillet 1881, à l'encontre de Z... et de A... à qui ils reprochaient d'avoir mis en place devant le domicile de la dame X... et de ses enfants une croix portant l'inscription " mort aux bougnouls, vive Le Pen ", l'un des enfants de la dame X..., Karim Y..., ayant été tué par arme à feu 3 heures plus tard ;
Attendu que pour prononcer la nullité de cette plainte et des poursuites engagées alors que le réquisitoire introductif ne mentionnait pas les textes applicables, les juges d'appel se bornent à énoncer que ladite plainte visait " des qualifications et des pénalités contradictoires " ;
Mais attendu qu'en se déterminant par ce seul motif alors que le fait unique retenu constituait un cumul idéal d'infractions et que les deux qualifications visées par la plainte n'étaient pas inconciliables entre elles, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision et a méconnu les principes ci-dessus énoncés ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Et attendu que si, par application de l'article 58 de la loi du 29 juillet 1881, la partie civile ne peut se pourvoir que quant aux dispositions relatives à ses intérêts civils, cette restriction aux effets de son pourvoi n'a pas lieu lorsque, comme en l'espèce, il n'a été statué, par les dispositions attaquées, que sur la validité de la poursuite ;
Qu'il échet dès lors que la juridiction de renvoi statue sur la prévention tant du point de vue pénal que du point de vue civil ;
Par ces motifs :
REJETTE le pourvoi de la Ligue française pour la défense des droits de l'homme et du citoyen ;
CASSE ET ANNULE, en ses dispositions intéressant les consorts X...-Y...et le Mouvement contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples, l'arrêt de la cour d'appel de Douai du 18 février 1987 et, pour être statué à nouveau conformément à la loi tant sur l'action publique que sur l'action civile :
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Rouen.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 87-81379
Date de la décision : 24/11/1987
Sens de l'arrêt : Cassation et rejet
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

PRESSE - Procédure - Citation - Cumul idéal d'infractions - Fait unique - Pluralité de qualifications - Validité de la citation - Conditions

Nonobstant les dispositions des articles 50 et 53 de la loi du 29 juillet 1881, un fait unique constituant un cumul idéal d'infractions peut recevoir plusieurs qualifications pénales différentes dès lors que ces qualifications ne sont pas inconciliables entre elles.


Références :

Loi du 29 juillet 1881 art. 50, art. 53

Décision attaquée : Cour d'appel de Douai, 18 février 1987

CONFER : (1°). Chambre criminelle, 1966-03-05 , Bulletin criminel 1966, n° 139, p. 310 (rejet) ;

Chambre criminelle, 1976-03-11 , Bulletin criminel, 1976, n° 94, p. 220 (rejet et cassation partielle) ;. Chambre criminelle, 1982-06-03 , Bulletin criminel, 1982, n° 142, p. 403 (rejet).


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 24 nov. 1987, pourvoi n°87-81379, Bull. crim. criminel 1987 N° 428 p. 1131
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 1987 N° 428 p. 1131

Composition du Tribunal
Président : Président :M. Berthiau, conseiller doyen faisant fonction
Avocat général : Avocat général :M. Galand
Rapporteur ?: Rapporteur :M. Jean Simon
Avocat(s) : Avocat :la SCP Lyon-Caen, Fabiani et Liard.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1987:87.81379
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