CASSATION sur le pourvoi formé par :
- X... André, partie civile,
contre un arrêt de la chambre d'accusation de la cour d'appel de Douai, en date du 28 octobre 1986, qui, dans la procédure suivie contre Y... Maurice des chefs de banqueroute frauduleuse, complicité de banqueroute frauduleuse, infractions relatives à la direction et à l'administration des sociétés anonymes, a confirmé l'ordonnance de non-lieu du juge d'instruction.
LA COUR,
Vu le mémoire produit ;
Vu l'article 575, alinéa 2-3°, du Code de procédure pénale ;
Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 126 à 135 de la loi du 13 juillet 1967, 197, 209, 238 de la loi du 25 janvier 1985, 591, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motif et manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a confirmé l'ordonnance de non-lieu du chef du délit de banqueroute reproché à Y... ;
" aux motifs que, la qualification de banqueroute résulte des articles 126 à 135 de la loi du 13 juillet 1967 ; que les articles ont été abrogés par l'article 238 de la loi du 25 janvier 1985 actuellement en vigueur ; que, par conséquent, ils ne peuvent recevoir la qualification de banqueroute puisque les dispositions de la loi nouvelle qui abrogent une incrimination s'appliquent aux faits commis avant son entrée en vigueur et que les nouvelles incriminations de la loi nouvelle ne sont applicables selon l'article 240 qu'aux procédures ouvertes après l'entrée en vigueur de cette loi ;
" alors que, bien que commis avant le 1er janvier 1986, le détournement d'actif - constitutif du délit de banqueroute frauduleuse ou du délit assimilé - ainsi que l'emploi de moyens ruineux pour se procurer des fonds - constitutif du délit de banqueroute simple ou du délit assimilé - tels qu'ils étaient prévus par les articles 127, 129, 131, 132 et 133 de la loi du 13 juillet 1967 abrogés par l'article 238 de la loi du 25 janvier 1985, entrant dans les prévisions des articles 197 et 203 de la loi du 25 janvier 1985 et partant, demeurant punissables, la chambre d'accusation ne pouvait sans violer les textes susvisés déclarer que les faits visés dans la plainte n'étaient pas punissables " ;
Vu lesdits articles ;
Attendu que si les articles 131-2 et 133 de la loi du 13 juillet 1967, applicables à l'époque des faits, ont été abrogés à compter du 1er janvier 1986 par les articles 238 et 243 de la loi du 25 janvier 1985, il demeure qu'en application des dispositions combinées des articles 197 et 209 de cette dernière loi, le détournement de l'actif social par un dirigeant social ou l'utilisation par lui de moyens ruineux pour prolonger la survie de la société demeurent punissables ;
Attendu qu'il appert de l'arrêt attaqué que la société " Etablissement Papillon " dont Maurice Y... était le président du directoire a été mise en règlement judiciaire le 17 mars 1978 ; que, pour prononcer le non-lieu à l'égard de Maurice Y... du chef de banqueroute par utilisation de moyens ruineux pour prolonger la survie de la société et détournement d'actifs sociaux, les juges se bornent à énoncer que les articles 126 à 135 de la loi du 13 juillet 1967 incriminant ces faits ont été abrogés par l'article 238 de la loi du 25 janvier 1985 sur le redressement et la liquidation des entreprises et que les nouvelles incriminations prévues par cette dernière loi ne sont applicables, selon son article 240, qu'aux procédures ouvertes après son entrée en vigueur ;
Mais attendu qu'en statuant ainsi, alors que, si le délit de banqueroute tel que défini par l'article 197 de la loi du 25 janvier 1985 suppose qu'une procédure de redressement judiciaire ait été ouverte contre le débiteur il s'agit là d'une condition préalable à l'exercice de l'action publique, constitutive d'une règle de procédure qui ne saurait avoir d'effet sur les poursuites régulièrement engagées avant son entrée en vigueur, la cour d'appel a méconnu le principe sus-énoncé ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Et attendu que l'appel formé par la partie civile contre une ordonnance de non-lieu du juge d'instruction a pour effet de remettre en question devant la chambre d'accusation le sort de l'action publique, quand bien même le ministère public n'exercerait de son côté aucune voie de recours ;
Par ces motifs, et sans qu'il y ait lieu d'examiner l'autre moyen de cassation proposé :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt de la chambre d'accusation de la cour d'appel de Douai du 28 octobre 1986,
Et pour qu'il soit à nouveau jugé conformément à la loi :
RENVOIE la cause et les parties devant la chambre d'accusation de la cour d'appel d'Amiens.