REJET du pourvoi formé par :
- X... Serge,
contre un arrêt de la cour d'appel de Grenoble (chambre correctionnelle), en date du 9 janvier 1987 qui, pour outrage aux bonnes moeurs, l'a condamné à 5 000 francs d'amende et à des réparations civiles.
LA COUR,
Vu le mémoire produit ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation de l'article 283 du Code pénal, des articles 388 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale, violation des droits de la défense :
" en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a déclaré Serge X... coupable de l'infraction qui lui est reprochée ;
" aux motifs qu'en faisant distribuer et en publiant l'annonce incriminée l'auteur recherchait l'incitation à la perversion et à la corruption de l'esprit public alors que la conception de la vie sexuelle la plus largement répandue et considérée comme normale chez les individus composant la société n'est pas celle décrite ; et qu'en sa qualité de directeur de publication, par le seul fait de ladite publication, X... est l'auteur principal de l'infraction, Y... étant le complice, aux termes de l'article 285 du Code pénal ;
" alors que, d'une part, l'ordonnance du magistrat instructeur renvoyant X... devant le tribunal correctionnel visait exclusivement le fait d'avoir, le 6 novembre 1981, remis et fabriqué, en vue de la distribution, une petite annonce de journal contraire aux bonnes moeurs ; que les juges du fond n'ont donc pu retenir la responsabilité pénale de X... en tant que directeur de publication sans ajouter un fait nouveau à ceux dont ils étaient initialement saisis, et ainsi excéder leurs pouvoirs ;
" alors que, d'autre part, aucune des énonciations de fait de l'arrêt ne caractérise, à l'encontre du demandeur, les éléments constitutifs du délit poursuivi " ;
Attendu qu'il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué que Y... a fait publier par vengeance dans le journal Libération, dont X... est directeur de la publication, une petite annonce selon laquelle Josette Z..., avec qui il avait entretenu une liaison, recherchait avec l'accord de son conjoint, un homme de 25 à 30 ans " doux, imberbe et pas macho " en vue de tenter une expérience de triolisme ; qu'à raison de ces faits Y... et X... ont été poursuivis pour outrage aux bonnes moeurs ;
Attendu qu'en déclarant, après avoir constaté le caractère contraire aux bonnes moeurs de l'écrit incriminé, X... coupable du délit prévu par l'article 283 du Code pénal, les juges n'ont pas encouru les griefs allégués ;
Qu'en effet d'une part le directeur de la publication est, selon l'article 285 dudit Code, pénalement responsable des textes qu'il publie ; que d'autre part, la cour d'appel a statué sur les faits même dont elle était saisie ;
Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 2, 3 et 593 du Code de procédure pénale :
" en ce que l'arrêt attaqué a jugé que la constitution de partie civile qui a mis en mouvement l'action publique était recevable aux motifs que, si l'infraction d'outrage aux bonnes moeurs a été établie en vue d'un intérêt social, il n'en demeure pas moins qu'elle peut porter atteinte à l'un des membres de la société que le législateur a voulu protéger ;
" alors que l'incrimination d'outrage aux bonnes moeurs a pour but de défendre la moralité publique et non les intérêts privés ; que cette infraction ne lèse que l'ensemble des citoyens ; que, dès lors, un simple particulier ne peut être recevable à obtenir réparation d'un dommage privé, dont il n'est pas constaté au surplus qu'il soit la conséquence directe des éléments constitutifs de l'infraction " ;
Attendu qu'il résulte des constatations de l'arrêt que le délit a causé à la partie civile un préjudice direct en raison de la publicité qui en est résultée et de la réception par l'intéressée sur les lieux de son travail de communications téléphoniques et de correspondances ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi.