La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

21/07/1987 | FRANCE | N°84-14354

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 21 juillet 1987, 84-14354


Sur le premier moyen :

Attendu, selon les énonciations des juges du fond, que, le 19 décembre 1943, a été dressé par deux rabbins notaires à Tunis un contrat de mariage religieux dit " ketouba " entre Elie Sfez et Ginette Cohen, tous deux de confession israélite et originaires du territoire tunisien, dans lequel il était notamment indiqué qu'Elie Sfez avait proposé à Ginette Cohen de la prendre pour épouse, qu'elle avait accepté et était devenue son épouse ; que ce document précisait que les époux avaient fixé la date de célébration du mariage au 29 décembre suivan

t ; que cette célébration n'a pas eu lieu ; que M. Sfez et Mme Cohen ont v...

Sur le premier moyen :

Attendu, selon les énonciations des juges du fond, que, le 19 décembre 1943, a été dressé par deux rabbins notaires à Tunis un contrat de mariage religieux dit " ketouba " entre Elie Sfez et Ginette Cohen, tous deux de confession israélite et originaires du territoire tunisien, dans lequel il était notamment indiqué qu'Elie Sfez avait proposé à Ginette Cohen de la prendre pour épouse, qu'elle avait accepté et était devenue son épouse ; que ce document précisait que les époux avaient fixé la date de célébration du mariage au 29 décembre suivant ; que cette célébration n'a pas eu lieu ; que M. Sfez et Mme Cohen ont vécu ensemble pendant plusieurs années, deux enfants étant issus de leurs relations ; que, le 4 mars 1952, M. Sfez a contracté mariage à Tunis avec Mme Adrienne G.. ; que Mme Cohen ayant assigné M. Sfez en divorce sur le fondement de l'article 242 du Code civil, celui-ci a soutenu que la " ketouba " du 19 décembre 1943 n'avait pour objet que de déterminer le contrat de mariage des futurs époux et ne constituait pas un mariage en l'absence de toute célébration ultérieure ; que l'arrêt confirmatif attaqué, retenant une attestation délivrée par le grand rabbin de Paris, a estimé que les parties avaient contracté à Tunis, le 19 décembre 1943, un mariage valable et a prononcé le divorce des époux Sfez-Cohen à leurs torts partagés ;

Attendu que M. Sfez fait grief à la cour d'appel (Paris, 24 avril 1984) d'avoir ainsi statué, alors que, d'une part, en ne précisant pas en vertu de quelle disposition de la loi tunisienne, loi nationale des parties, compétente pour déterminer leur statut personnel, un simple contrat de " ketouba " non suivi de célébration devait être considéré comme valant mariage, l'arrêt attaqué serait dépourvu de base légale au regard de l'article 3 du Code civil ; alors que, d'autre part, la cour d'appel, à supposer qu'elle ait entendu appliquer la loi mosaïque, aurait violé l'article 3 du Code civil, la loi applicable ne pouvant être, selon ce texte, que la loi nationale des parties, c'est-à-dire la loi tunisienne ; alors que, de troisième part, si la preuve du contenu de la loi tunisienne pouvait résulter d'un certificat de coutume, celui-ci ne pouvait être délivré que par un notaire ou un avocat exerçant auprès de l'Etat dont la loi était revendiquée et non d'un certificat établi par le grand rabbin de Paris ; et alors, enfin, que la juridiction du second degré aurait dénaturé la " ketouba " qui précisait que le mariage devait être l'objet d'une célébration ultérieure ;

Mais attendu que, faisant une exacte application de la règle de conflit française qui désigne en matière de forme des actes la loi de leur conclusion, les juges du fond ont retenu, par une interprétation souveraine des dispositions de cette loi - à savoir la loi mosaïque applicable en raison du statut personnel des époux - et, par une appréciation de fait des documents produits qui n'ont pas été dénaturés, que l'acte dit " ketouba " du 19 décembre 1943 établissait que les formes du mariage qu'elle prévoyait avaient été respectées ;

Et attendu, ensuite, que la preuve de la teneur de la loi étrangère peut être faite par tous moyens, notamment par un certificat de l'autorité religieuse compétente au regard du droit confessionnel qui a été appliqué ;

D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Sur le deuxième moyen :

Attendu qu'il est encore reproché à l'arrêt attaqué d'avoir inversé la charge de la preuve en énonçant que M. Sfez ne produisait pas de certificat de coutume attestant qu'il était autorisé par la loi mosaïque, sous le régime de laquelle il était marié, à contracter un second mariage sans dissolution du premier, alors que c'était à Mme Cohen, qui soutenait qu'elle était mariée selon la loi mosaïque, de prouver que cette loi interdisait la polygamie ;

Mais attendu que c'était bien à M. Sfez, qui invoquait, en tant que moyen de défense, le contenu de la loi mosaïque qui aurait, selon lui, autorisé la polygamie, d'en rapporter la preuve ; que le moyen est donc sans fondement ;

Et sur le troisième moyen :

Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt d'avoir condamné M. Sfez à payer à son épouse à titre de prestation compensatoire un capital d'un certain montant, alors que, d'une part, serait privé de base légale au regard des articles 271 et 272 du Code civil l'arrêt qui alloue une prestation compensatoire à l'épouse sans préciser au vu de quels éléments visés par ces textes il s'est fondé et notamment en ce qui concerne les besoins de l'époux créancier ; alors que, d'autre part, l'arrêt aurait omis de répondre aux conclusions de M. Sfez par lesquelles il soutenait qu'en raison de l'ancienneté de la séparation de fait des époux, le divorce ne pouvait créer aucune disparité dans leurs conditions de vie respectives ;

Mais attendu que, après avoir rappelé les ressources de chacun des époux, l'âge de la femme, et constaté que celle-ci avait élevé seule les enfants issus du mariage, l'arrêt retient qu'il apparaît au vu de ces éléments et de l'ensemble des renseignements fournis sur les besoins de Mme Cohen que la rupture du mariage crée une disparité dans les conditions de vie respectives des époux ;

Que, par ces constatations et cette énonciation souveraine, la cour d'appel a répondu aux conclusions ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 84-14354
Date de la décision : 21/07/1987
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Analyses

1° CONFLIT DE LOIS - Forme et preuve des actes - Loi applicable - Mariage.

MARIAGE - Célébration - Mariage célébré à l'étranger - Preuve - Loi applicable * CONFLIT DE LOIS - Statut personnel - Mariage - Preuve - Mariage contracté à l'étranger - Loi applicable * CONFLIT DE LOIS - Statut personnel - Mariage - Célébration - Mariage célébré à l'étranger - Epoux de confession israélite - Mariage religieux dit " kétouba ".

1° C'est par une exacte application de la règle de conflit française qui désigne en matière de forme des actes la loi de leur conclusion, à savoir, en l'espèce, la loi mosaïque applicable en raison du statut personnel des époux tous deux de confession israélite et originaires du territoire tunisien, que les juges du fond ont retenu, par une interprétation souveraine des dispositions de cette loi et par une appréciation de fait des documents produits, que l'acte dit " kétouba " dressé à Tunis établissait que les formes du mariage prévues par la loi du lieu de célébration avaient été respectées .

2° LOIS ET REGLEMENTS - Loi - Loi étrangère - Teneur - Preuve - Preuve par tous moyens.

PREUVE (règles générales) - Moyen de preuve - Preuve par tous moyens - Loi étrangère - Teneur.

2° La preuve de la teneur de la loi étrangère peut être faite par tous moyens, notamment par un certificat de l'autorité religieuse compétente au regard du droit confessionnel qui a été appliqué


Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 24 avril 1984


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 21 jui. 1987, pourvoi n°84-14354, Bull. civ. 1987 I N° 240 p. 175
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 1987 I N° 240 p. 175

Composition du Tribunal
Président : Président :M. Fabre
Avocat général : Avocat général :M. Charbonnier
Rapporteur ?: Rapporteur :M. Massip
Avocat(s) : Avocats :la SCP Nicolas, Massé-Dessen et Georges, la SCP Lyon-Caen, Fabiani et Liard .

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1987:84.14354
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award