CASSATION PARTIELLE sur les pourvois formés par :
- X... Raymond,
- X... Hervé,
- X... Marc,
parties civiles,
contre un arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, 7e Chambre, en date du 26 juin 1986 qui, après avoir relaxé Y... Pierre du chef d'homicide involontaire, les a déboutés de leurs demandes de réparations civiles.
LA COUR,
Vu le mémoire en demande, commun aux demandeurs et le mémoire en défense ;
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 319 du Code pénal, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale :
" en ce que l'arrêt infirmatif a déclaré M. Y... non coupable du délit d'homicide involontaire ;
" aux motifs que Mme X..., circulant en voiture, a dérapé sur des gravillons recouvrant la chaussée ; qu'elle est décédée dans l'accident ; que les travaux de réfection des accotements de la route, avec épandage de gravillons, venaient d'être effectués sous la direction de Y..., chef de chantier ; qu'à l'issue des travaux, les gravillons avaient été balayés ; qu'à la suite de son inspection, le représentant de la direction départementale de l'équipement avait autorisé le déplacement du panneau mobile signalant les travaux et que Y... n'était plus responsable d'un état des lieux qui avait été jugé conforme par le maître de l'ouvrage ;
" alors que si les travaux avaient été jugés conformes par le maître de l'ouvrage, cette appréciation, même émanant d'une autorité administrative, ne dispensait pas Y... de la responsabilité pénale qu'il pouvait encourir vis-à-vis des usagers de l'ouvrage du fait de sa négligence ; que la cour d'appel qui constate la présence en abondance sur la chaussée de gravillons avant et après l'accident et les dérapages dont plusieurs automobilistes avaient été victimes, devait rechercher si, comme l'avaient estimé les premiers juges, ces circonstances n'établissaient pas l'insuffisance du balayage des gravillons répandus sur la route et par suite la négligence de Y... " ;
Vu lesdits articles ;
Attendu que l'approbation, par le maître de l'ouvrage, de la manière dont celui-ci a été réalisé n'exonère pas l'exécutant de la responsabilité pénale qu'il peut encourir à l'occasion de ce travail et ne relève pas la juridiction répressive, saisie de poursuites contre l'exécutant, de son obligation de rechercher si celui-ci a commis une infraction de nature à engager sa responsabilité ;
Attendu qu'il ressort de l'arrêt attaqué que l'automobile conduite par Francine X... a, dans un virage, dérapé sur du gravillon et heurté un engin de travaux publics en stationnement sur le côté de la route ; que la conductrice a été tuée ;
Attendu que le Tribunal avait déclaré coupable d'homicide involontaire Y..., conducteur de travaux à l'entreprise qui procédait à la remise en état des accotements et à l'épandage de gravillons, et accordé des dommages-intérêts aux ayants droit de la victime ; que les premiers juges avaient retenu que, les travaux terminés sur cette portion de route, Y... après avoir nettoyé la chaussée des gravillons qui la parsemaient, avait entassé ceux-ci insuffisamment à l'écart des voies de circulation, ce qui avait entraîné, sur la chaussée en courbe, la projection de gravier par les automobiles débordant sur l'accotement ;
Attendu que pour dire au contraire l'infraction non constituée et débouter les parties civiles les juges du second degré se sont bornés à retenir que quelques heures avant l'accident un représentant de l'Administration, inspectant le chantier, avait constaté que " les travaux avaient été menés à terme de façon satisfaisante ", que " le balayage avait été effectué à moins de 0, 40 mètre de l'extérieur des bandes de rives " que la route était " propre " et que, dès lors, " Y... n'était plus responsable de l'état des lieux qui avait été jugé, par le représentant du maître de l'ouvrage, conforme aux normes applicables en la matière " ;
Mais attendu qu'en l'état de ces seuls motifs la cour d'appel a, au regard du principe ci-dessus énoncé, privé sa décision de base légale ;
Que la cassation est, en conséquence, encourue ;
Par ces motifs :
CASSE ET ANNULE l'arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence du 26 juin 1986, mais en ses seules dispositions de nature civile, toutes autres dispositions étant expressément maintenues,
Et pour qu'il soit à nouveau statué conformément à la loi, dans la limite de la cassation ainsi prononcée :
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Nîmes.